Le polémiste français d'origine béninoise Kémi Séba, qui avait brûlé publiquement le mois dernier un billet de 5.000 francs CFA (7,6 euros) pour protester contre la "Françafrique", a fait l'objet mercredi d'une décision d'expulsion du Sénégal pour "menace grave pour l'ordre public", a annoncé le ministère de l'Intérieur.
"Le gouvernement de la République du Sénégal a prononcé une mesure d'expulsion du territoire national sénégalais à l'encontre du ressortissant franco-béninois Stélio Gilles Robert Capo Chichi, alias Kémi Séba", dont la "présence sur le territoire national constitue une menace grave pour l'ordre public", selon un communiqué.
"Son expulsion a été prononcée pour devenir immédiatement exécutoire. (Il) sera mis en route, ce jour (mercredi), vers son lieu de provenance", ajoute le ministère, sans préciser de pays.
M. Séba, 35 ans, a "été expulsé vers la France", a dit à l'un de ses avocats, Me Khouraissi Bâ, qui a dénoncé "une expulsion illégale" et annoncé "un recours suspensif", selon lui, de la mesure d'expulsion.
M. Séba "s'est fait aussi remarquer pour les propos désobligeants" contre "des chefs d'Etat et dirigeants africains et envisagerait de mener des actions préjudiciables à l'ordre public en appelant à des rassemblements intempestifs sur la voie publique", a jugé le ministère.
Après avoir passé cinq jours en détention préventive, Kémi Séba et un membre de son mouvement, Urgences panafricanistes, poursuivi pour complicité pour lui avoir fourni un briquet, avaient été relaxés le 29 août par la chambre des flagrants délits du tribunal de première instance de Dakar.
Le parquet de Dakar a fait appel de ce jugement et M. Séba devait être rejugé à une date qui n'a pas été indiquée, a affirmé mardi une source judiciaire.
Kémi Séba, un proche du polémiste controversé Dieudonné, devait répondre du délit de "destruction d'un billet de banque" après avoir brûlé 5.000 francs CFA pendant une manifestation contre la "Françafrique" le 19 août dans la capitale sénégalaise.
Le procès faisait suite à une plainte de la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO), institut d'émission du franc CFA dont le siège est à Dakar.
Dans un communiqué conjoint, trois ONG - la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme (Raddho), la Ligue sénégalaise des droits humains (LSDH) et Amnesty International Sénégal - se sont dites "surprises" par la décision. Ces trois associations "dénoncent ce procédé tout à fait arbitraire qui viole le droit au recours prévu pour les personnes visées par des arrêtés d'expulsion" et "demandent au gouvernement de surseoir" à l'expulsion de Kémi Séba".
A l'audience du 29 août, le parquet avait réclamé une peine de 3 mois de prison avec sursis contre Kémi Séba et la relaxe de son coprévenu. La BCEAO avait réclamé un franc symbolique de dommages et intérêts.
M. Séba, installé au Sénégal après plusieurs démêlés judiciaires en France, mène depuis quelques années une fronde contre le franc CFA, monnaie garantie par le Trésor français et rattachée à l'euro par une parité fixe.
Il estime que ce moyen de paiement avantage la France, ancienne puissance coloniale, et nuit aux intérêts des 14 pays africains où elle est utilisée.
Même si des intellectuels ont dénoncé le "simplisme" ou le "populisme" de la démarche de Kémi Séba, son arrestation et son procès ont relancé le débat sur le franc CFA.
En France, Kémi Séba avait notamment été le dirigeant de la Tribu Ka, groupuscule dissous en 2006 pour antisémitisme et incitation à la haine raciale. - AfricaLog avec agence