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“Homme africainâ€: Chirac prend le contrepied de Sarkozy

Jun 16, 2009

Depuis deux ans, l'homme se fait rare à la télévision. L'entretien accordé par Jacques Chirac à France-5, diffusé lundi dans le cadre de l'émission "A visage découvert" (20h35), est donc un petit événement. Surtout quand l'ancien président tacle le discours de Dakar de Nicolas Sarkozy sur "l'homme africain".

"L'homme africain est entré dans l'histoire. Il y est même entré le premier dans l'histoire à ma connaissance", lâche Jacques Chirac, oubliant un instant son principe de ne jamais commenter l'action de son successeur. "On ne peut avoir à son égard que du respect, le respect qu'on a pour un ancêtre commun. Donc on ne peut pas dire qu'on l'a empêché d'entrer dans l'histoire".

Dans un discours prononcé le 26 juillet 2007 à Dakar, Nicolas Sarkozy avait rejeté tout repentir sur la colonisation et estimé que "l'homme africain (n'était) pas assez entré dans l'Histoire". Ce jugement avait provoqué un tollé en Afrique. En avril dernier, le spectaculaire "pardon" de Ségolène Royal aux Africains pour le discours présidentiel avait relancé la polémique.

Ce commentaire sur "l'homme africain" est la seule pique lancée par Jacques Chirac à Nicolas Sarkozy tout au long de ce portrait d'une heure, alternance d'images d'archives, d'illustrations de son travail à la tête de sa fondation, de commentaires louangeurs de grands de ce monde et d'entretiens avec les journalistes Christian Malard et Bernard Vaillot.

Sans révélations, le portrait brossé est celui d'un Chirac humaniste, dont les valeurs dépassent le clivage droite-gauche. "Je respecte les valeurs de l'homme, de la générosité, de la solidarité. Je ne me préoccupe pas de savoir si elles sont portées par la gauche ou par la droite", confie l'ancien président, là encore à l'opposé de son successeur. La seule idéologie qu'il revendique est celle du gaullisme. Mais "est-ce que le général de Gaulle a été à droite ou à gauche?".

Jacques Chirac, qui n'aime guère se retourner vers le passé, évoque quelques souvenirs de jeunesse, et notamment son expérience de pilotin sur un navire de la marine marchande. Alors qu'il était malade à force de fumer la pipe, un vieux bosco lui a conseillé de "manger des sardines". "La sardine à l'huile, c'est radical contre le mal de mer", témoigne l'ancien pilotin.

Il évoque aussi sa passion pour les arts premiers, qui a nourri sa conviction que "l'art n'a pas d'origine, de patrie ou de civilisation".

L'ancien président passe en revanche vite sur ses 40 années de vie politique. Un événement capital restera pour lui le 11 septembre 2001. Ce jour-là, le terrorisme a franchi "une dimension nouvelle". "Il fallait en prendre conscience et en tirer les conséquences", juge M. Chirac. Il ne regrette rien de son opposition à la guerre "inutile et nuisible" en Irak.

Pour l'avenir, il exprime sa conviction que la Chine "s'imposera inévitablement", et espère "le développement des principes de paix et de solidarité": "la suggestion que je me permets de faire aux dirigeants du monde, c'est d'avoir conscience de cela, de s'imposer d'être des porteurs de solidarité, parce que cela conditionne la paix".

Mais "on ne vit pas uniquement sur le futur. On vit en fonction d'une expérience, laquelle est fondée sur un passé. Il faut donc se souvenir pour pouvoir prévoir. Cela permet d'éviter dans l'avenir la répétition d'un certain nombre d'erreurs qui furent souvent dramatiques".

Si le vrai portrait intime de Jacques Chirac ne sera probablement jamais fait, tant l'intéressé répugne à parler de lui-même, ce documentaire alimentera la nostalgie, et sa popularité record. Et rappellera aussi que ses valeurs sont très éloignées de celles de Nicolas Sarkozy. AP