Le chef rebelle Laurent Nkunda, dont les hommes sont aux portes de la ville de Goma, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), a menacé de chasser du pouvoir le gouvernement congolais faute de négociation directe, ce que Kinshasa a immédiatement refusé.
Lundi matin, un convoi humanitaire de l'ONU est arrivé sans encombre à Rutshuru, ville de l'est de la RDC en zone rebelle, pour distribuer la première aide depuis une semaine. Plus d'un million de personnes sont actuellement déplacées par les combats entre les rebelles de Laurent Nkunda et l'armée congolaise dans la province du Nord-Kivu, dont Goma est la capitale. "Nous voulons une négociation directe avec le gouvernement", a affirmé dimanche à des journalistes le général déchu tutsi congolais Laurent Nkunda, dans son fief de Kichanga, à environ 80 km au nord-ouest de Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu. "Si rien est fait, nous allons forcer ce gouvernement à quitter le pouvoir", a prévenu le chef rebelle, qui avait brièvement pris en 2004 Bukavu, capitale de la province voisine du Sud-Kivu. Les rebelles sont arrivés mercredi aux portes de Goma, infligeant une cuisante défaite à l'armée régulière, avant de décréter un cessez-le-feu unilatéral respecté jusqu'ici. Mais le gouvernement congolais a rejeté la demande de la rébellion. Il souhaite négocier avec tous les groupes armés opérant dans les Kivu, et pas en tête à tête avec le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Laurent Nkunda. "Il n'y a pas de petits et de grands groupes armés. Le fait de créer un désastre humanitaire ne donne pas de droits spéciaux", a réagi le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende. Plusieurs mouvements armés opèrent dans l'est de la RDC, frontalière du Rwanda et très riche en minerais, depuis le génocide 1994 au Rwanda. Le CNDP avait signé en janvier à Goma, avec d'autres groupes congolais, un accord de cessez-le-feu, mais les combats ont repris fin août entre les rebelles de Laurent Nkunda et l'armée C'est seulement dans le cadre du processus baptisé Amani, né de l'accord de janvier et aujourd'hui au point mort, que le gouvernement se dit prêt à discuter. Une option inacceptable pour le CNDP. "Le programme Amani ne nous convient plus", a lancé sans plus de précisions Laurent Nkunda. La communauté internationale, qui a dépêché la semaine dernière de nombreux émissaires dans la région, tient une position proche de celle du gouvernement congolais. Elle a jusqu'à présent insisté sur la nécessité d'appliquer l'accord de janvier, ainsi qu'un autre conclu en novembre 2007 entre Kigali et Kinshasa, qui prévoyait une nouvelle fois le rapatriement au Rwanda de rebelles hutus rwandais qui opèrent dans l'est de la RDC. Ces textes sont restés lettre morte. L'Union africaine (UA) prépare un sommet régional sur la crise qui pourrait se tenir cette semaine au Kenya. Laurent Nkunda, qui se présente comme un défenseur de la communauté tutsie, s'est montré évasif sur ses revendications, assurant notamment vouloir le "rétablissement de la sécurité" avec la "traque" des rebelles hutus rwandais et la mise en place d'une forme de fédéralisme dans l'ex-Zaïre. Sur le terrain, des centaines de déplacés continuaient à regagner la zone de Rutshuru qu'ils avaient fui en début de la semaine dernière au plus fort des combats. A Rutshuru, à 75 km au nord de Goma, les humanitaires ont entamé une évaluation de la situation et devaient distribuer eau et matériel médical dans cette région très touchée par les affrontements. Alain Le Roy, le secrétaire général adjoint de l'ONU chargé des opérations de maintien de la paix, qui a assuré dimanche au nouveau Premier ministre congolais Adolphe Muzito que sa priorité était de renforcer la présence des Casques bleus dans le Nord-Kivu, était attendu dans l'après-midi à Goma. La RDC, ravagée par deux guerres régionales nées dans les Kivu (1996-97 et 1998-2003), abrite la plus grande opération de maintien de la paix de la planète, avec 17.000 soldats.