Non seulement le fait n’est pas prévu par la Constitution mais la décision est assez rare, tant au Gabon qu’ailleurs sous nos tropiques, pour ne pas aiguiser la curiosité. En effet, avec ses 74 piges dont plus de 40 passées au pouvoir, on avait commencé à croire Omar Bongo Ondimba incapable de s’éloigner, ne serait-ce que pour quelques secondes, de la présidence.
Pourtant l’homme a bel et bien pris une retraite provisoire, que ses collaborateurs qualifient après-coup de "repos administratif", pour faire le deuil de Edith, son épouse décédée le 14 mars dernier à Rabat, au Maroc. En Afrique où le respect des morts est très important, la "retraite provisoire" de Bongo n’aurait rien de suspect si le contexte dans lequel elle a été prise ne prêtait pas à quelques interrogations. Le patriarche de Libreville est actuellement au centre de l’affaire dite des biens mal acquis de chefs d’Etats africains en France. Avec son ex-beau-père Denis Sassou Nguesso (père de feue Edith) du Congo Brazaville et Obiang N’Guema de la Guinnée Equatoriale, Omar Bongo Ondimba forme le trio épinglé par les associations Sherpa et Transparency internationale dont la plainte a été jugée recevable par la doyenne des juges du parquet, malgré l’opposition résolue de cette institution judiciaire. On attend le verdict de la Cour d’appel française pour savoir si la "retraite provisoire" de Bongo ne sera pas perturbée par cette affaire de biens mal acquis. Ce n’est donc certainement pas un fait du hasard que le chef de l’Etat gabonais, sans doute lassé par cet acharnement contre sa personne, ait décidé d’observer son veuvage en ces moments précis. Les Gabonais non habitués depuis 41 ans à une telle absence de Bongo se demandent aussi discrètement si leur président n’est pas simplement mis au repos pour des raisons médicales. L’homme serait en effet soufrant. La situation est inédite et n’est pas prévue par les textes du pays. Elle est surtout inimaginable de la part du doyen des chefs d’Etat africains, qui est peut-être simplement en train de préparer ainsi sa retraite définitive. Sait-on jamais ? Surtout qu’avant sa "retraite provisoire", Omar Bongo se faisait très discret en public, tant au Gabon que dans les rencontres africaines, ces grands-messes où la plupart de nos dirigeants aiment bien se faire voir. Ce "repos administratif" de Bongo, annoncé solennellement, ressemble fort bien à un stratagème monté de toutes pièces pour susciter par exemple la compassion autour d’un veuf accablé. Tout cela montre bel et bien qu’il y a un malaise au sommet de l’Etat gabonais. En attendant que les jours prochains exhument d’autres dessous de cette "retraite provisoire", il faut tout de même reconnaître qu’Omar Bongo Ondimba est un être humain. Dans cette logique, il a besoin de repos, surtout après plus de 40 ans de présidence du Gabon, un pays qui, malgré toutes ses richesses naturelles, a été contraint de réclamer le statut de PPTE (Pays pauvre très endetté). – Le Pays