Jeune peut-être, inexpérimenté peut-être. Mais inexorablement calme, extrêmement souriant, extraordinairement à l'aise, sûrement. Dans un pays en crise, secoué par la récession économique et profondément atteint dans ses certitudes après huit années de présidence Bush, Barack Obama, d'entrée, rassure.
Le 44ème président des Etats-Unis s'est si vite glissé dans ses nouveaux habits qu'il semble en avoir été lui-même le premier surpris. "Je me sens étonnamment à l'aise dans le job", disait-il à peine deux semaines après sa prestation de serment, tout en reconnaissant l'ampleur considérable des défis. Pendant ses premiers 100 jours à la Maison Blanche, Obama a adopté la même approche sobre, "dédramatisée" mais soigneusement calibrée, que celle qu'il avait en campagne. Il a ainsi dessiné un calendrier à haut risque dont il a méthodiquement attaqué la mise en oeuvre, avec la discipline qui est sa marque de fabrique. Pendant la campagne, Obama a réussi à convaincre un électorat parfois sceptique qu'un noir, sénateur débutant de 47 ans, sans guère d'expérience, pouvait être le président du pays le plus puissant du monde. Et depuis qu'il est à la Maison Blanche, c'est devenu, sans heurts, une évidence. "Il est devenu présidentiel presque immédiatement. Physiquement et rhétoriquement, il s'est transformé", estimé James Thurber, spécialiste de la présidence à l'American University. Vu la situation, il n'avait guère le choix, ni le temps, il lui fallait plonger immédiatement dans l'action. "Il l'a fait avec une assurance et un professionnalisme auquel on ne s'attend pas forcément chez quelqu'un qui vient d'arriver", ajoute-t-il. Ces trois derniers mois, le ton Obama a été à la fois ferme et réconfortant. Il a bavardé comme-vous-et-moi, s'identifiant à l'Américain moyen face à la crise. Il a aussi donné dans le professoral pour expliquer l'effondrement économique. Il s'est lâché et a fait des blagues, que ce soit avec les élus, son entourage, les journalistes ou les citoyens. Et il a eu le verbe d'un grand chef d'Etat dans divers cénacles internationaux, appelant à un partenariat renouvelé entre cette nouvelle Amérique et ses alliés. Mais il a aussi crié sa colère, scandalisé par les bonus énormes malgré la crise, et a attaqué les députés qui rechignaient à valider le plan de relance de 787 milliards de dollars. Et n'a pas hésité à faire son mea culpa -"j'ai foiré"- sur le ratage de la nomination de Tom Daschle à la Santé. Obama s'est aussi montré irrité face aux critiques, cassant avec un journaliste à qui il a expliqué qu'il savait en général de quoi il parlait avant d'ouvrir la bouche... Prudent, adepte du prompteur même pendant les conférences de presse et présidant une équipe qui met soigneusement en scène ses apparitions publiques, Obama n'a pas évité quelques petits dérapages: comme quand il a comparé ses performances au bowling aux Jeux paralympiques... et a donc dans la foulée fait ses excuses. Mais après 100 jours, Obama continue de rendre les gens heureux: son taux de popularité plane toujours à un sympathique 64%, les Américains le jugent solide, éthique, motivé, artisan du changement et respectant ses promesses de campagne. Pour la première fois depuis des années, ils estiment que le pays va dans la bonne direction. Hyper-populaire, le président est aussi hyper-présent, avec au moins une apparition quotidienne médiatisée. En outre, conscient de cette popularité et de l'intérêt énorme suscité également par Michelle, ses filles ou la saga du "First dog", il se met en quatre pour satisfaire le public. Obama donne souvent des interviews, et a été le premier président à se faire torturer par Jay Leno sur le plateau du "Tonight" show de NBC. Pour ses 100 jours mercredi, Obama tiendra d'ailleurs sa troisième conférence de presse en prime time depuis l'investiture. Les Américains ne semblent pas lassés de cette sur-exposition: seul un quart des personnes interrogées dans ce dernier sondage AP-GfK trouvent qu'ils voient trop leur président à la télévision. Dans tout ça, Obama, lui, va très bien. "Plus modeste, mais pas découragé", note son éminence grise, David Axelrod. Et de renvoyer dans les cordes ceux qui trouvent qu'Obama serait trop sûr de lui: "je crois que quand vous avez deux guerres et une crise économique (...) vous voulez un président qui réfléchit, qui soit prêt à envisager toutes les options". Et aussi "un président qui a confiance, qui est prêt à prendre des décisions et à en assumer les conséquences, et c'est le genre de président qu'il est". Et il a mis un bémol à sa pratique de l'autodérision, dans laquelle certains voyaient surtout de l'arrogance. Sans y renoncer encore tout à fait, comme dans cette interview à US Weekly en février: quand on lui a demandé s'il était plutôt slip ou caleçon, il s'est refusé à "répondre à ce type de question humiliante". "Mais que ce soit l'un ou l'autre", a-t-il précisé, "ça me va très bien". AP