La France et les Etats-Unis ont respectivement envoyé un navire de guerre dans les eaux du golfe de Guinée, et ce pour renforcer la coopération en matière de la sécurité énergétique et stratégique, estiment des analystes.
Le navire de guerre américain USS Nashville est ancré dès le 1er avril au large de Limbe, à environ 350 km au sud-ouest de Yaoundé, et "coïncide" avec le départ du navire français BPC Tonnerre, qui a fait escale à Douala, capitale économique du Cameroun. Le navire américain arrive "pour près de deux semaines de formation et de projets communautaires dans le cadre de (programme) Africa Partnership Station", indique l'ambassadrice des Etats-Unis au Cameroun, Janet Garvey, dans une interview publiée le quotidien officiel Cameroon Tribune. Africa Partnership Station est une stratégie concertée conçue par la Marine américaine pour aider les nations côtières de l'Afrique du Centre et de l'Ouest à assurer la sécurité et la surveillance dans le golfe de Guinée. L'USS Nashville est le plus grand navire inscrit dans cette stratégie pour l'an 2009. "Nous ne sommes pas ici pour assurer la sécurité ou pour lutter contre les pirates, mais nous donnons plutôt aux pays hôtes la formation nécessaire pour combattre ces maux eux-mêmes", affirme Mme Garvey. En fait, les deux navires ont mené conjointement un exercice planifié de coordination et de communication "pour consolider le partenariat régional visant à sécuriser les activités maritimes dans le golfe de Guinée", selon un communiqué publié par les chancelleries américaine et française. "Cet exercice s'est déroulé au large des côtes de Limbe suite à l'escale du BPC Tonnerre à Douala, venu dans le cadre d'une mission d'étude consacrée à l'insécurité dans le Golfe de Guinée, et avant l'arrivée de l'USS Nashville, actuellement en escale à Limbe dans le cadre du programme Africa Partnership Station", poursuit le texte. Selon l'ambassadeur de France au Cameroun Georges Serre, l'objectif est de mettre en place d'une "veille internationale contre un fléau qui gêne les activités normales de commerce, de production de richesses et de vie d'un certain nombre de populations". Au moment où les pirates dictent leur loi dans les eaux du golfe d'Aden, au large de la Somalie, ces opérations font penser à des actions de lutte contre ce phénomène dans le golfe de Guinée, également en proie à des attaques armées. "Le Nigeria, la Guinée équatoriale et le Cameroun renferment de très grandes réserves de gaz, il devient évident que c'est une zone riche en hydrocarbures", note à Xinhua le géostratège Joseph Vincent Ntuda Ebodé, chef du Centre de recherche et d'études politiques et stratégiques à l'Université de Yaoundé II. "Mais, les hydrocarbures ne sont pas la seule ressource de cette région. On peut ajouter les forêts, en terme de bois et d'essences rares, mais aussi en terme de biodiversité", ajoute le professeur Ntuda Ebodé. Cette région est plus proche de l'Occident que le golfe Persique ou le golfe d'Aden, explique M. Ntuda Ebodé, cette position "facilite l'exportation, non seulement de ces ressources naturelles du sol et du sous-sol, mais également de tous les grands produits agricoles d'exportation". "Il est évident que l'insécurité maritime, non seulement dans le golfe d'Aden, mais également dans le golfe de Guinée, devient une préoccupation internationale", observe M. Ntuda Ebodé. "Et de ce point de vue, les énormes richesses que recèle cette région et dont une bonne partie est convoitée aussi bien par l'Europe, l'Amérique que par l'Asie constituent des éléments majeurs pour comprendre les initiatives complémentaires ou concurrentielles des Etats-Unis et de la France", dit-il. "Il s'agit pour ces grands Etats d'utiliser les moyens impressionnants de leurs marines militaires pour sécuriser une zone qui est un grand bassin d'exploration et d'exploitation pétrolière, dans laquelle opèrent un certain nombre de compagnies transnationales", renchérit Mathias Eric Owona Nguini, sociopolitiste à l'Université de Yaoundé II. "Ces opérations permettent également à chacun de ces Etats de positionner et de mobiliser un dispositif de surveillance dans cette sous-région, de manière à se marquer mutuellement", explique M. Owona Nguini. Les pays de la région se permettent au moins "d'avoir une logistique d'appui qu'ils ne pourraient pas mobiliser eux-mêmes", estime M. Owona Nguini, soulignant qu'il "faut d'importants moyens matériels et opérationnels pour dissuader avec efficacité les groupes pirates qui sont eux-mêmes en voie de professionnalisation". - Xinhua