Le micmac judiciaire franco-africain devrait être passé sous silence. L’Elysée a prévenu : «Ce sujet ne sera pas au centre des discussions avec le président du Congo-Brazzaville.» Depuis des mois, l’affaire dite des biens mal acquis empoisonne les relations entre d’une part Paris et, d’autre part, le Gabon d’Omar Bongo et la république du Congo, de Sassou-Nguesso.
En décembre, après deux plaintes classées sans suite par la justice française, l’association anticorruption Transparence Internationale et un ressortissant gabonais ont déposé une nouvelle plainte à Paris, avec constitution de partie civile, pour «détournement de fonds publics» contre les présidents Bongo et Sassou-Nguesso. Le doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Paris doit bientôt se prononcer sur sa recevabilité. Incendie. Dans cette affaire, on a beaucoup parlé du Gabon, en oubliant le «cas Sassou-Nguesso». Pourtant, c’est à Brazzaville qu’elle a pris une tournure dramatique. Le 21 janvier, la maison d’un journaliste opposé au régime, Bruno Ossébi, brûlait pour une raison encore inexpliquée. Son épouse et les deux filles de cette dernière périssaient dans l’incendie, tandis que le journaliste était brûlé grièvement. Il devait être transféré vers Paris, avec l’aide des autorités françaises, mais le journaliste est décédé le 2 février. Il a été enterré sans qu’une autopsie ne soit pratiquée. Or, quelques semaines avant le drame, Bruno Ossébi avait exprimé auprès des associations anticorruption françaises la volonté de s’associer à la plainte visant le président Sassou-Nguesso. Sur son site (mwinda.org), le journaliste venait également de torpiller, en le révélant, un accord de préfinancement pétrolier entre BNP Paribas et le gouvernement de Brazzaville, contraire aux recommandations du Fonds monétaire international. Menaces. La mort de Bruno Ossébi est d’autant plus troublante qu’elle coïncide avec l’incendie, toujours le 21 janvier, de la maison d’un ressortissant franco-congolais installé près d’Orléans, Benjamin Toungamani, lui aussi impliqué dans le dossier des «biens mal acquis». Il s’en est sorti indemne, et la compagnie d’assurance a conclu à un «court-circuit», mais ses proches suspectent un incendie volontaire. Car son épouse avait envisagé de s’associer à la plainte déposée en décembre, avant de renoncer suite à des menaces répétées à l’encontre de parents vivant au Congo. Trois jours auparavant, Bruno Ossébi avait publié sur son site une interview de Benjamin Toungamani pointant, encore et toujours, la corruption du régime congolais. - Libération