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L'affaire "BMA" secoue la Françafrique

Feb 13, 2009

BMA. Trois lettres qui fâchent. BMA pour "Biens mal acquis". La suite est proverbiale - "ne profitent jamais..." - et vise trois dirigeants africains suspectés d'avoir détourné des fonds publics pour acquérir des dizaines de logements et de véhicules de luxe en France: Omar Bongo Ondimba (Gabon), Denis Sassou-Nguesso (Congo-Brazzaville) et Teodoro Obiang Nguema Mbasogo (Guinée équatoriale).

L'inventaire des biens en question est si long qu'il ferait pâlir d'envie nombre d'agents immobiliers et de concessionnaires automobiles.

Quant à la liste des bénéficiaires, elle confine au Who's Who ouest-africain: outre les présidents déjà cités, il y a là des épouses, des filles, des fils, des neveux, des gendres de présidents... Bref, un aréopage assez relevé pour affoler le Quai d'Orsay, mobiliser l'Elysée et irriter le trio incriminé, pressé que la justice française mette un terme à cette procédure largement médiatisée.

La décision ne tardera pas: la juge d'instruction parisienne Françoise Desset se prononcera, début mars, sur les suites à donner à la plainte déposée, à Paris, en décembre 2008, pour "recel de détournement de fonds publics, blanchiment, abus de bien social, abus de confiance et complicités".

Si la juge estime cette plainte irrecevable, l'affaire entrera dans un tunnel procédural à l'issue incertaine. Si, au contraire, elle la considère comme recevable, ce sera un premier pas - hautement symbolique - vers une enquête approfondie, confiée à un magistrat instructeur, afin de connaître l'origine de l'argent déboursé en France.

Au Gabon comme au Congo-Brazzaville, les deux pays les plus touchés par le soupçon, une telle décision serait perçue comme un geste de défiance. Pour en convaincre Paris, les présidents visés multiplient les avertissements, plus ou moins voilés. Et apprécient sans doute à sa juste valeur la coïncidence d'actualité que constitue l'"affaire Kouchner".

Pour mesurer l'ampleur du scandale BMA, il faut revenir en mars 2007 et au dépôt, à Paris, d'une première plainte. Sont alors visés les trois chefs d'Etat déjà cités, mais aussi le Burkinabé Blaise Compaoré et l'Angolais José Eduardo Dos Santos. Les poursuites émanent de trois associations: la Fédération des Congolais de la diaspora, Survie et Sherpa, un groupement de juristes. Leur démarche s'appuie en partie sur un rapport du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), intitulé "Biens mal acquis... profitent trop souvent".

Fort de ces éléments, le parquet demande à l'Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) d'enquêter. Les policiers dressent la liste des présidents et de leurs proches, recensent les adresses françaises, les comptes bancaires, les voitures, et constituent ainsi un dossier d'une extrême richesse, au propre et au figuré.

Les appartements se comptent par dizaines, dans la capitale, en proche banlieue et dans le Sud. Avec une mention spéciale, toutefois, pour le clan Bongo. En septembre 2007, quand l'OCRGDF fait le bilan de ses recherches, le président gabonais et son entourage arrivent largement en tête, avec 39 propriétés. Trois appartements avenue Foch (XVIe)? Bongo. Un sept-pièces boulevard Lannes (XVIe)? Bongo. 219 mètres carrés rue Laurent-Pichat (XVIe), 284 mètres carrés avenue Rapp (VIIe), 125 mètres carrés et 13 garages à Aix-en-Provence? Bongo, Bongo, Bongo...

Le joyau de l'inventaire: un hôtel particulier de 19 millions d'euros

Sans oublier une propriété niçoise comprenant deux maisons, trois appartements et une piscine. Le joyau de l'inventaire reste toutefois un hôtel particulier (actuellement en travaux) situé rue de la Baume, à Paris (VIIIe). Sa valeur en juin 2007? Près de 19 millions d'euros. Il a été acquis par une société civile immobilière (SCI) dont trois porteurs de parts sont l'épouse d'Omar Bongo et deux de ses enfants mineurs.

Le beau-père d'Omar Bongo, le président congolais Denis Sassou-Nguesso, dispose lui aussi - directement ou par ses proches - de pied-à-terre enviables: un appartement de 10 pièces rue de la Tour (XVIe), un autre de 328 mètres carrés avenue Niel (XVIIe)... Ou encore, au Vésinet (Yvelines), la villa Suzette, une demeure de 500 mètres carrés.

Pour les trois familles concernées, la liste des voitures de luxe est à l'avenant. Avec, parfois, des conditions d'achat surprenantes. Ainsi, en 2004, l'épouse du président gabonais s'offre une Maybach 57 bleu clair d'une valeur de 326 752 euros, mais le chèque, tiré sur le compte de la Paierie du Gabon (les caisses publiques), est supérieur à ce montant (390 795 euros). – L’express