Morgan Tsvangirai, chef de l'opposition du Zimbabwe, a été investi Premier ministre mercredi par son vieil ennemi le président Robert Mugabe, et il s'est engagé à relever l'économie en ruine du pays.
L'accord de partage du pouvoir entre le MDC (Mouvement pour le changement démocratique) de Tsvangirai et la Zanu-PF de Mugabe, en septembre, avait laissé espérer aux Zimbabwéens qu'ils allaient voir enfin la fin de leurs difficultés. Mais les accrochages depuis lors entre Mugabe et Tsvangirai inspirent des doutes quant à leur capacité à coopérer pour faire revenir les investisseurs et obtenir l'aide internationale. A la fin de sa prestation de serment, Morgan Tsvangirai, 56 ans, a esquissé un léger sourire devant le chef de l'Etat, âgé de 84 ans, qui dirige le pays depuis l'indépendance en 1980. "Je tiens à vous assurer que c'est là le seul accord viable et je peux vous assurer que mon parti et moi-même y consacreront toute notre énergie", a-t-il dit. "Nous devons remettre le pays au travail", a expliqué Morgan Tsvangirai dans son discours d'investiture, lançant dans le même temps un appel à la communauté internationale pour l'épauler dans sa tâche. Dans un esprit de concorde, Robert Mugabe a estimé que les partis politiques devaient consolider l'accord en "transformant nos épées en socs de charrues". Morgan Tsvangirai, vainqueur du premier tour de l'élection présidentielle le 29 mars 2008, avait boycotté le second tour organisé le 27 juin en raison de violences politiques. Ce qui avait aggravé une crise marquée par l'hyperinflation, des pénuries alimentaires et, depuis peu, une épidémie de choléra. La mise en oeuvre de l'accord de partage du pouvoir est intervenue après de fortes pressions des Etats d'Afrique australe. Ceux-ci redoutant un effondrement complet du Zimbabwe, pays autrefois prospère. "C'est un règlement imparfait, le rapport de forces est en faveur de Mugabe et (de son parti) la Zanu-PF. Tsvangirai aura sans doute une marge de manoeuvre très faible, mais avec le temps il sera lui aussi tenu responsable des échecs du gouvernement Zanu-PF", note Aubrey Matshiqi, du Centre d'études politiques de l'Afrique du Sud. "Mais on ne saurait exclure qu'une solution durable émerge d'un règlement imparfait." GESTION INCERTAINE Robert Mugabe est l'un des hommes politiques les plus rusés d'Afrique. Morgan Tsvangirai, ancien syndicaliste aux discours enflammés, s'est acquis un certain respect dans son pays et à l'étranger en combattant la corruption et les atteintes aux libertés. Mais ses qualités d'homme d'Etat restent à démontrer. Ceux qui le critiquent au sein du MDC lui prêtent des tendances dictatoriales et l'accusent de prendre les décisions importantes en petit comité. La population du Zimbabwe attend du nouveau gouvernement qu'il remette le pays sur pied. Le taux de chômage y dépasse les 90%, les prix doublent d'un jour à l'autre, la moitié des habitants nécessitent une aide alimentaire et le choléra y a fait près de 3.500 morts. Des analystes notent que Tsvangirai et Mugabe ont choisi des alliés plutôt que des technocrates réputés pour leur compétence, ce qui fait persister le risque d'une mauvaise gestion et, par conséquent, d'une aggravation du déclin économique. Le sort du Zimbabwe dépend au premier chef des investisseurs étrangers et des donateurs occidentaux, lesquels ont fait comprendre que les soutiens financiers n'arriveraient que lorsqu'un nouveau gouvernement démocratique serait en place et que des réformes économiques d'envergure seraient engagées - en particulier l'arrêt de la politique de nationalisation. Pour Louis Michel, commissaire européen au Développement, "le chemin du Zimbabwe vers le redressement sera long et difficile". Quant à Mike Davies, spécialiste du Proche-Orient et de l'Afrique auprès de l'Eurasia Group, il doute que le nouveau gouvernement soit en mesure d'effacer rapidement une décennie de désagrégation économique. Si Robert Mugabe s'est vu maintes fois imputer la responsabilité de cet effondrement économique, Morgan Tsvangirai n'a pas exposé de projets clairs pour renflouer l'économie. Des millions de Zimbabwéens, dont beaucoup possèdent les qualifications requises pour la reconstruction de leur pays, ont fui la misère pour se réfugier dans les pays voisins. Tsvangirai devra se montrer persuasif pour inverser ce mouvement. – Reuters