Le rapport du groupe d’experts de l’Onu épingle deux personnalités. Katebe Katoto est un homme d’affaires congolais, qui réside près de Bruges. Tribert Rujugiro est un industriel rwandais; ce qui accuse le pouvoir de Kigali.
Le rapport du groupe d’experts mandaté par le Conseil de sécurité des Nations unies pour vérifier l’application de la résolution 1533 du 12mars 2004, qui réaffirme la nécessité d’"empêcher la fourniture d’armes et de tout matériel ou assistance [] aux groupes armés opérant dans le Nord et le Sud Kivu", outre qu’il dénonce le soutien du Rwanda au groupe rebelle de Laurent Nkunda (lire ci-dessous), met en cause deux personnalités, nommément citées, dont un Belgo-Congolais, dans son financement, a révélé samedi l’agence Belga. Or, Kabete Katoto, qui a un domicile près de Bruges, et Tribert Rujugiro, un Rwandais, ont en commun d’être des hommes d’affaires fortunés qui connaissent quelques ennuis avec la justice. Kabete Katoto, qui a la double nationalité belge et congolaise, n’est autre que le grand frère du très actif gouverneur de la province du Katanga, Moïse Katumbi (lire LLB du 18/03/2008). Kabete Katotbo, alias Raphaël Soriano, a bâti son succès sur des activités dans le secteur des pêcheries. Mais il connaîtrait aujourd’hui quelques déboires; il serait poursuivi par la justice britannique pour détournement de fonds publics (quelque 20millions de dollars) dans une affaire commerciale au préjudice de l’Etat zambien. Katebe Katoto a tâté de la politique après l’arrivée au pouvoir de Laurent-Désiré Kabila, se déclarant alors candidat à la présidence. En 2003, il est un éphémère vice-Président du Rassemblement congolais pour la Démocratie (RCD), vitrine politique de la rébellion soutenue par le Rwanda. Bien qu’il se soit aussi, un temps, allié au parti d’opposition UDPS pour contester le pouvoir de Joseph Kabila, le journal "Le Potentiel" le dénonçait en janvier2006 comme un soutien financier de Laurent Nkunda et l’accusait, avec d’autres, de complot. "Des informations de plus en plus concordantes font état d’un complot planifié pour porter un coup dur au processus de transition" qui débuterait par "une imminente attaque contre la ville de Goma par des éléments fidèles à Nkunda", affirmait alors le quotidien kinois. Par les épouses Les experts de l’Onu avancent notamment comme preuve du financement du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Laurent Nkunda un virement bancaire, au nom de l’épouse de M.Katoto, Nele Devriendt, depuis un établissement ING à la Banque commerciale du Rwanda, au nom de Elisabeth Uwasse, résidant à Gisenyi et qui n’est autre que l’épouse de Laurent Nkunda. Le ministre belge des Affaires étrangères Karel De Gucht, réagissant à la publication du rapport, a affirmé que "la Belgique coopérerait pleinement avec le groupe d’experts pour mettre en évidence des ressortissants belges ou des entreprises (lire ci-contre) qui violeraient le régime des sanctions imposées par l’Onu". La seconde personnalité épinglée pour le financement des rebelles congolais est Tribert Rujugiro. Et cette mise en cause-là illustre directement la collusion dénoncée entre le pouvoir rwandais et Laurent Nkunda. Tribert Rujugiro est lui aussi un homme d’affaires, rwandais, qui a prospéré dans l’industrie du tabac et dont les activités s’étendent désormais jusqu’en Afrique australe, Afrique de l’Est et de l’Ouest. Or, il était en 2005 l’un des douze commissaires du comité exécutif national du Front patriotique rwandais, le parti au pouvoir à Kigali, et est depuis mai2006, à la tête du "Rwanda Investment Group", un groupe d’investisseurs du secteur privé, actif dans les domaines de l’énergie, la cimenterie et les services de haute valeur ajoutée. Interrogé par l’hebdomadaire "Jeune Afrique", il affirmait récemment défendre l’idée d’" un patriotisme économique " au bénéfice du Rwanda. Mais lui aussi ne semble pas avoir connu un parcours sans accrocs. Il a été arrêté le 13octobre dernier en Grande-Bretagne dans le cadre d’une enquête pour malversations en Afrique du Sud. Libéré trois jours plus tard, il serait tenu de rester au Royaume-Uni dans l’attente d’une extradition. Entre autres éléments avancés concernant les accointances entre Tribert Rujugiro et les rebelles congolais, le rapport de l’Onu cite des témoins qui ont affirmé qu’il a tenu plusieurs rencontres avec des leaders du CNDP, dont Laurent Nkunda, dans la ferme qu’il possède à Kilolirwe, dans le Masisi congolais. Dont il a, qui plus est, confié la gérance à un colonel rebelle, Innnocent Gahizi. Les experts de l’Onu ont mis la main sur un courriel daté de 6juin 2008 dans lequel ce dernier explique à Tribert Rujugiro qu’il dispose du matériel et des hommes et qu’il se prépare à faire mouvement vers la "ville". Au mois d’août, les rebelles de Laurent Nkunda lançaient une offensive contre Goma, déclenchant la crise militaire, humanitaire et politique actuelle. Si tel est le message que le colonel du CNDP transmettait à l’homme d’affaires rwandais, cela en dit long sur la proximité entre Kigali et Laurent Nkunda. – La libre