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Le Gabon décoiffé par le coup de balai d’Ali Bongo

Oct 29, 2009

Establishment . Du palais aux sociétés d’Etat, le nouveau président déboulonne et remplace à tout-va. Jusque dans son propre camp.

«C’est du jamais-vu au Gabon», répète un universitaire. Depuis quelques jours, de très nombreux cadres de la fonction publique de ce petit pays pétrolier d’1,5 million d’habitants sont priés de laisser leur place à d’autres ou voient leur poste supprimé. Le «tsunami», la «révolution», le «grand chambardement», selon les termes de la presse gabonaise, a commencé le 17 octobre avec la formation du gouvernement, au lendemain de l’investiture d’Ali Bongo comme président : alors que la précédente équipe se composait de 44 ministres, la nouvelle n’en compte plus que 30, dont 18 nouvelles têtes.

Le coup de balai du fils aîné d’Omar Bongo, décédé en juin après quarante et un ans au pouvoir, a depuis gagné la présidence, les entreprises publiques et toutes les administrations. Au palais présidentiel, la coupe a été particulièrement sévère : les postes de plusieurs centaines de «conseillers»,«hauts représentants» ou autres «coordonnateurs généraux», qui gravitaient autour de Bongo père, ont été rayés des listes. But annoncé : réduire les «charges de l’Etat» et affecter les deniers publics «en priorité aux dépenses d’intérêt national».

Halte aussi aux détournements de fonds publics et à la corruption qui gangrènent le pays avec des ministres désormais sous contrôle. Pour «mettre un terme aux promotions parfois guidées par le repli identitaire, le clanisme et le clientélisme politique, source d’inertie et d’inefficacité», c’est désormais le président de la République qui choisit et nomme leurs secrétaires généraux et directeurs généraux. «Dérive autoritaire» et «personnalisation du pouvoir», a dénoncé jeudi l’opposition qui parle de mesures «populistes».

«Le signal est clair : le premier qui touche au pognon de l’Etat ira en taule», dit plutôt une source proche du pouvoir, soulignant que tout est fait pour que «plus personne ne se sente propriétaire du fauteuil sur lequel on l’a placé». Plusieurs PDG de sociétés d’Etat, qu’on avait fini par croire indéboulonnables, ont dû rendre leur tablier. «C’est l’électrochoc que les Gabonais souhaitaient depuis très longtemps», commente un prof. Même un des deux principaux adversaires d’Ali Bongo à la présidentielle du 30 août, son ancien ami et ex-ministre de l’Intérieur André Mba Obame, parle de «mesures d’une certaine manière courageuses».

Mais l’ex-candidat, qui conteste toujours les résultats du scrutin et revendique la victoire, note qu’Ali Bongo a en partie déstabilisé son propre camp et qu’il pourrait le regretter : la curée a visé des membres de son parti qui se sont pourtant «battus pour lui, ont mouillé la chemise» pendant la campagne électorale, dit-il. Les services de renseignement tournent à plein régime depuis plusieurs semaines, explique un ancien habitué du palais présidentiel : ils ont su identifier ceux dont le soutien pour Bongo fils n’était pas franc. Un responsable de l’Union du peuple gabonais (UPG), le principal parti d’opposition, est, lui, affolé : des ministres et beaucoup de cadres nommés sont «incompétents», s’indigne-t-il.

«L’objectif d’arrêter la saignée financière va être probablement atteint. Sur celui de faire fonctionner l’Etat, on peut effectivement se poser des questions», relève un universitaire. Or les problèmes à régler sont nombreux, à l’image de celui des enseignants en grève depuis début octobre pour réclamer le paiement d’arriérés de salaires. La première réponse apportée par le gouvernement a jeté un grand froid et donné du grain à moudre à ceux qui craignent un régime tenté de tout verrouiller : «Les jours de grève ne seront plus payés en République gabonaise», selon le communiqué du conseil des ministres. - Libération