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L'enquête sur les "biens mal acquis" africains a ouvert le débat

Oct 30, 2009

La bataille judiciaire engagée en France sur les logements fastueux, les voitures de luxe et les centaines de comptes bancaires de trois présidents africains et de leurs proches, refermée pour l'instant par la cour d'appel de Paris, a ouvert un débat international sur le sujet.

Ce trésor français, minutieusement inventorié par la police financière parisienne en 2007, est aux mains des chefs de trois Etats producteurs de pétrole, Omar Bongo (Gabon), décédé en juin dernier, Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville), Teodoro Obiang (Guinée équatoriale) et de leurs parents proches.

L'organisation anticorruption Transparency International France et un Gabonais, Grégory Gbwa Mintsa, demandaient des poursuites pour "recel de détournement de fonds publics".

La procédure a finalement abouti jeudi à une déclaration d'irrecevabilité de la plainte. La Cour de cassation tranchera en dernier ressort.

Deux Congolais qui voulaient se joindre à la procédure ont renoncé en expliquant avoir reçu des menaces. En janvier, Grégory Gbwa Mintsa a été emprisonné durant douze jours dans son pays.

Me William Bourdon, avocat des plaignants, assure qu'un avocat de Paris se disant mandaté par le Gabon est venu lui proposer d'ouvrir un compte bancaire en Suisse bien garni pour son association, Sherpa, associée à la procédure.

Après son refus, un autre émissaire l'aurait mis en garde contre les risques pour son intégrité physique.

"Je m'en fous", affirmait l'été dernier l'avocat à Reuters. "Les citoyens africains ont le droit d'agir".

"Quand on paye des impôts, c'est pour avoir accès à l'hôpital et à l'école, pas pour permettre à ses dirigeants d'acheter une Maserati", dit-il à Reuters.

IMMEUBLES ENCOMBRANTS

Les immeubles cossus du trésor africain sont devenus encombrants. Un hôtel particulier acheté près des Champs-Elysées pour 18,8 millions d'euros par l'épouse d'Omar Bongo, fille de Denis Sassou Nguesso, a fait l'objet en 2007 d'un simulacre de "saisie" publique par des militants anticorruption.

Un "Tour cycliste des biens d'Omar Bongo" a aussi été organisé, avec comme vainqueurs ironiques les équipes attribuées aux grandes sociétés, dont Total. L'avenue Foch a été symboliquement rebaptisée "avenue des dictateurs".

La presse satirique s'amuse. Charlie Hebdo, par un tour en dessins, a décrit "Les bonnes adresses de la Françafrique".

Dans Le Figaro du 25 mars, Denis Sassou Nguesso a protesté et assuré ne posséder que deux logements en France. Pour les biens portés aux noms de ses proches, il a dit : "Leur vie n'est pas la mienne, ils l'organisent comme ils l'entendent".

Omar Bongo fut le premier chef d'Etat reçu à l'Elysée par Nicolas Sarkozy après son élection. Le président français s'est rendu au Congo-Brazzaville le 26 mars dernier.

"Qu'il y ait une logique de raison d'Etat dans ce dossier, personne ne peut le discuter. On est dans la caricature. L'indépendance énergétique française, les réseaux Françafrique, le chantage des pays concernés", dit Me William Bourdon.

Les associations anticorruption remarquent que Jean-Marie Bockel, qui disait vouloir "signer l'acte de décès de la Françafrique", a été évincé en mars 2008 du ministère de la Coopération au profit d'Alain Joyandet.

"La France a une stratégie (...) qui vise à maintenir une clientèle qui lui est relativement conciliante. Donc, on ferme volontiers les yeux sur les biens mal acquis de certains dirigeants, sur les exactions commises sur les opposants", dit à Reuters Jean Merckaert, de l'association CCFD-Terre solidaire.

Pour cette ONG, les "biens mal acquis" des dictateurs mondiaux ne sont pas symboliques mais pèsent des dizaines, voire des centaines de millions de dollars.

Transparency International France rêve d'une nouvelle destination pour ce trésor : "Attribuer les fonds à des organisations des Nations unies avec le mandat d'utiliser ces sommes au bénéfice des plus défavorisés de ces trois pays". - Reuters