Ex-commandant de la compagnie de blindés de Niamey, devenu président par intérim, le chef de la junte au pouvoir au Niger est décrit comme un homme timide, voire effacé. Il serait pourtant loin de n'être qu'un pantin. Portrait.
"Tombeur de la dictature", "Sauveur de la démocratie", "Redresseur de torts"… Salou Djibo, inconnu de la plupart des Nigériens jusqu’au putsch du 18 février, n’a pas tardé à se faire un nom. Dès le lendemain du coup d’État, le patronyme du chef du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD) - la junte qui, ce jour-là , a pris le pouvoir à Niamey - était scandé dans les rues de la capitale nigérienne par des milliers de manifestants qui voient en lui l’homme providentiel, ayant mis un terme à la dérive autocratique du président déchu Mamadou Tandja.
Ses premiers pas à la tête du Niger semblent, pourtant, montrer qu’il n’a rien d’un leader charismatique capable d’enflammer les foules. Une semaine après son arrivée au pouvoir, Salou Djibo ne s’était toujours pas adressé à son peuple, laissant le soin à ses principaux collaborateurs de divulguer les intentions de la junte et de rassurer les capitales d’Afrique de l’Ouest. "C’est un homme calme et timide. Même la presse le connaît mal", confirme Moussa Kaka, directeur de la radio nigérienne Saraounia et correspondant de Radio France internationale (RFI) au Niger. Une discrétion qui pourrait laisser penser que l’ex-patron de la très stratégique compagnie de blindés de Niamey n’est qu’un pantin entre les mains de son porte-parole, le colonel Djibrilla Hamidou Hima - dit "Pelé", du fait de sa passion pour le football -, qui fut le numéro deux de la junte à l'origine de la destitution d'Ibrahim Baré Maïnassara en 1999…
"Il [Salou Djibo, ndlr] ne dit rien, mais c’est lui qui tire les ficelles, rectifie Moussa Kaka. Il était en première ligne quand l’armée a attaqué le palais présidentiel. L’honneur et les faits d’armes lui reviennent. Ses hommes n’auraient pas accepté qu’il n’occupe pas les plus hautes fonctions." "C’est lui qui a pris tous les risques, renchérit un opposant à Mamadou Tandja. Le colonel Pelé s’en accommode parce qu’il a conscience qu’il ne pouvait pas tenter le coup lui-même." Des propos implicitement confirmés par l’intéressé, interrogé par RFI sur les raisons qui ont conduit la junte à désigner Salou Djibo à sa tête : "Dans ce type de situation, la personne qui a conduit les opérations est automatiquement en charge […]. Et, parce qu’il a commandé des unités opérationnelles, on lui fait confiance." Salou Djibo a effectivement pour lui une longue carrière au sein des Forces armées nigériennes (FAN), au cours de laquelle il a eu le temps d’acquérir le respect de ses pairs.
Casque bleu
Né en 1965, à Namaro, un village du pays djerma, dans l’ouest du Niger, ce père de cinq enfants a rejoint l’armée en 1987. Simple soldat, il sert alors dans plusieurs garnisons, avant de suivre une formation d’officier en Côte d’Ivoire, puis de se spécialiser dans l’artillerie, en Chine et au Maroc. Envoyé comme casque bleu en Côte d’Ivoire en 2004, il rejoint ensuite la mission des Nations unies en République démocratique du Congo (RDC), puis revient au pays en 2006, où il finit par diriger la 121e Compagnie de commandement, d’appui et de service (CCAS) de Niamey, à la tête de laquelle il renverse Mamadou Tandja. "Il n’a pas fait le prytanée [école d’officiers, ndlr]. Il a été recruté dans les FAN à l’adolescence et a dû gravir tous les échelons de la hiérarchie militaire", résume une autre source pour expliquer sa popularité au sein de l’armée.
Désormais parvenu au plus haut sommet de l’État, le commandant Djibo rendra-t-il le pouvoir aux civils - comme il s’y est engagé -, ou sera-t-il tenter de s’accrocher au pouvoir, à la façon du Guinéen Moussa Dadis Camara ?
"Pourquoi toujours comparer la situation à celles de nos voisins, et ne pas envisager simplement un scénario à la nigérienne ?, rétorque Bassou Mohammed, le porte-parole de Mahamadou Issoufou, président du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya). Lors du coup d’État de 1999, Daouda Mallam Wanké avait remis le pouvoir aux civils huit mois plus tard." Le 24 février, Salou Djibo a nommé Mahamadou Danda au poste de Premier ministre. Un civil qui avait été - entre autre - porte-parole du gouvernement de transition de Mallam Wanké, il y a dix ans. Histoire, pour le "sauveur de la démocratie", de donner un gage plus éclatant de ses bonnes intentions ? – France 24