L'opposante rwandaise Victoire Ingabire, rentrée d'exil en janvier et candidate déclarée à l'élection présidentielle d’août au Rwanda, a été arrêtée mercredi à Kigali et sera jugée pour "collaboration avec une organisation terroriste" et "négation du génocide".
Mme Ingabire est présidente des Forces démocratiques unifiées (FDU), un parti encore officieux mais qui l'a désignée comme candidate à la présidentielle d'août prochain à laquelle devrait participer Paul Kagame, l'ancien chef rebelle au pouvoir depuis 1994.
"Elle a été arrêtée aujourd’hui (mercredi) à Kigali. Elle est accusée de collaboration avec une organisation terroriste, +divisionnisme+, négation et minimisation du génocide" des Tutsi au Rwanda en 1994, a indiqué à l’AFP un haut responsable du parquet général qui a requis l’anonymat.
Selon cette même source, elle doit être présentée au parquet à Kigali mercredi après-midi. Le porte-parole de la police rwandaise, Eric Kayiranga, a confirmé cette arrestation.
"Elle a été arrêtée ce 21 avril vers 10 heures (08H00 GMT). (...) La police va procéder à son acheminement vers les instances du parquet", a-t-il déclaré à l'AFP.
"On la suspecte d'avoir commis des crimes graves. On a des preuves suffisantes pour qu'elle soit traduite devant les juridictions", a assuré M. Kayiranga.
Elle est notamment accusée d’association avec les rebelles hutu rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), basées dans lest de la République démocratique du Congo (RDC), et dont certains ont participé au génocide de 1994, a précisé la source judiciaire.
Le 16 janvier, le jour même de son retour au Rwanda, l’opposante dont le parti n'a pas encore été officialisé, avait demandé, après avoir déposé des gerbes de fleurs à un mémorial du génocide à Kigali, que les auteurs de crimes commis contre les Hutu en 1994 soient également jugés.
Le régime rwandais accuse depuis Mme Ingabire, une Hutu, d'avoir nié, par de tels propos la réalité du génocide de 1994, au cours duquel au moins 800.000 personnes selon l'ONU, essentiellement Tutsi, avaient été tuées.
Elle a été interrogée à plusieurs reprises par la police et s'est vu interdire fin mars de quitter le territoire. Elle a annoncé à plusieurs reprises son intention de participer au scrutin présidentiel.
Dans un communiqué, les FDU ont condamné cette "violente arrestation". "C'est une tragédie pour le Rwanda qu'un appel à la justice pour tous les Rwandais, sans distinction d'ethnie ou d'affiliation politique, et au dialogue national (...) soit transformé en de telles accusations(...)", selon les FDU.
L'arrestation de Mme Ingabire est "un défi à la dignité du peuple rwandais mais également à la communauté internationale, en particulier aux gouvernements étrangers qui sponsorisent le régime", ajoute le communiqué.
Ces dernières semaines, les FDU avaient dénoncé "un nombre croissant de menaces, d'agressions et de harcèlements subis par l'opposition à l'approche de la présidentielle".
Le président sortant Paul Kagame, dont le Front patriotique rwandais (FPR, ex-rébellion) avait mis fin en 1994 au génocide, doit participer à la présidentielle d'août. Homme fort du pays, il avait été élu président en 2003 lors de la première élection présidentielle post-génocide.
Cette arrestation intervient par ailleurs après l'interpellation, la mise à l'écart ou la fuite à l'étranger de plusieurs hauts responsables de l'armée et anciens cadres du régime, Tutsis anglophones issus des rangs de l'ex-rébellion FPR. - AFP