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Gabon: Trois "vainqueurs" pour un fauteuil

Sep 01, 2009

Attente, tension, intox: si Ali Bongo se dit "largement gagnant", ses rivaux Pierre Mamboundou et André Mba Obame revendiquent eux aussi la victoire. Et le pays, tiraillé entre la crainte du coup de force, la peur du chaos et l'espérance, retient son souffle.

Le scénario de cette ultime journée d'août, lendemain d'un scrutin présidentiel à un seul tour indécis et tendu, surprendra davantage les candides que les candidats. Que sait-on en ce lundi, vers 18H00 (17H00, heure de Libreville)?

Ceci. D'abord, chacun dans son style et avant même la diffusion du moindre résultat officiel, trois candidats -dans l'ordre d'apparition en scène, Pierre Mamboundou, André Mba Obame et Ali Bongo Ondimba- ont revendiqué la victoire. Pas un chiffre et trois présidents: qui dit mieux ?

Ensuite, la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cénap), seule habilitée à dévoiler le verdict des urnes, envisage de le faire au mieux demain mardi, et "plus probablement mercredi".

Enfin, et malgré la sérénité affichée en haut-lieu, la fébrilité du pouvoir sortant, palpable à l'approche de l'échéance, devient visible aux carrefours. Pour preuve, le déploiement à la mi-journée de militaires et de policiers en tenue anti-émeute, notamment aux abords des "matiti", les quartiers populaires de la capitale.

Rembobinons le film. Dimanche, vers 22H00 locales, l'opposant historique Pierre Mamboundou, patron de l'Union du peuple gabonais (UPG), dégaine le premier. En lice sous les couleurs d'une Alliance pour le changement et la restauration, l'homme à l'écharpe rouge claironne dans l'enceinte de son QG, avec la solennité qu'il prise tant, que "l'aube d'une nouvelle ère vient de se lever sur notre pays", et annonce la formation, "avant la fin de la semaine", d'un gouvernement de 30 ministres maximum. Il est question dans son adresse de "jour d'allégresse" et de "victoire finale".

Quelques heures plus tard, alors que la presse attend la déclaration annoncée d'Ali Bongo, c'est au secrétaire général du Parti démocratique gabonais (PDG) qu'échoit l'honneur de révéler que "les résultats nous donnent très vraisemblablement gagnants". Deux tours d'horloge après, l'ancien ministre de l'Intérieur André Mba Obame indique à son tour qu'il sort des isoloirs "largement en tête, pour ne pas dire vainqueur". En fait, l'ex-complice d'Ali le dit, prédisant qu'il "sera proclamé président de la République dans quelques jours".

Des sms qui dénoncent le fraude

Ce lundi, le fils aîné du défunt chef de l'Etat remet le couvert, cette fois en personne: "Des informations fondées me donnent largement gagnant." Suit une précision qui sonne comme un avertissement: "J'attends maintenant que les instances compétentes annoncent officiellement ces résultats." Gageons que la guérilla verbale nous réserve d'autres morceaux de bravoure de cet acabit.

Il est un mystère que l'aurore n'aura nullement dissipé: le désistement tardif de l'ex-Premier ministre Casimir Oyé Mba, annoncé en catimini par son entourage après l'ouverture du scrutin, et sans être assorti de la moindre consigne de vote. Deux jours auparavant, le même Oyé Mba avait pourtant démenti son ralliement à André Mba Obame et assuré qu'il restait dans la course.

Une folle rumeur, colportée par texto, suggère qu'Oyé Mba, "menacé de mort", aurait fui au Cameroun après avoir acquitté une caution prohibitive... D'autres sms, parvenus en cascade, satureront les portables des "veilleurs de nuit" électoraux. L'un détaille l'issue de l'empoignade dans tel bureau de la région d'Oyem (nord); l'autre dénonce les "fraudes éhontées" commise à l'ambassade du Gabon à Paris, l'un des centres de vote de la diaspora, théâtre en début de soirée d'échanges d'invectives et de bousculades.

Pendant ce temps, la "soirée spéciale" de la RTG1, première chaîne publique gabonaise, suit son cours indolent, troublé de temps à autres par la sortie musclée de l'émissaire d'un prétendant de l'opposition. On y débat longuement de la mobilisation des femmes; avant qu'un correspondant en poste dans le Haut-Ogooué, le fief du clan Bongo, précise que là-bas, la mécanique électorale tourne "comme une machine bien huilée". Et nous rappelle qu'avant de rallier la capitale, Ali Bongo a accompli son devoir civique. Où ça? Dans sa bonne ville de Bongoville. – L’Express