La Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao, 15 pays) a condamné jeudi la "rhétorique incendiaire" du camp Gbagbo qui vise des citoyens ouest-africains et a accusé des Etats de la région de fournir des mercenaires à son adversaire.
Dans un communiqué diffusé à Abuja où elle est réunie pour un sommet, la Cédéao annonce que James Victor Gbeho, le président de la commission de l'organisation a adressé un courrier en ce sens au président ivoirien sortant Laurent Gbagbo.
M. Gbeho y fait notamment référence à un récent "discours incendiaire" de Charles Blé Goudé, chef des "jeunes patriotes", les fervents partisans de M. Gbagbo, qui "incite ses partisans à prendre les armes contre des citoyens d'autres pays de la Cédéao et accuse des Etats de fournir des mercenaires à des opposants dans la crise ivoirienne".
La Côte d'Ivoire est plongée dans une grave crise depuis la présidentielle de novembre 2010. Laurent Gbagbo refuse de céder la présidence malgré la victoire reconnue par la communauté internationale de son adversaire Alassane Ouattara.
Plus de 450 personnes ont été tuées depuis l'élection selon l'ONU et les affrontements entre forces loyales aux deux camps font craindre une guerre civile. Selon l'ONU, au cours de la semaine écoulée 52 personnes ont été tuées.
M. Gbeho met en garde dans sa lettre contre "des attaques de civils innocents" installés en Côte d'Ivoire et dénonce les "discours de haine" de M. Blé Goudé, également ministre de la Jeunesse, comme un "acte inacceptable".
Il appelle M. Gbagbo "à dissuader personnellement (son) ministre et d'autres partisans de se livrer à des actes d'incitation et de céder à la tentation de cibler délibérément des civils, Ivoiriens, membres de la Cédéao ou d'autres étrangers résidant en Côte d'Ivoire.
Samedi, Charles Blé Goudé a appelé les jeunes Ivoiriens "qui sont prêts à mourir pour leur patrie, qui ne supportent plus l'humiliation que subit" leur pays, à se rendre à l'état-major "pour se faire enrôler dans l'armée afin de libérer la Côte d'Ivoire de ces bandits".
Laurent Gbagbo a accusé le président nigérian Goodluck Jonathan d'apporter une "assistance militaire" au camp de son adversaire Alassane Ouattara en "convoyant près de 500 mercenaires sur Bouaké" (centre), ce que le Nigeria a démenti.
Les participants au sommet ordinaire de deux jours consacré en partie à cette crise, se sont à nouveau réunis jeudi en milieu de matinée dans un grand hôtel de la capitale fédérale du Nigeria pour une session fermée à la presse.
Soulignant "l'engagement et la détermination collective" de la Cédéao pour mettre fin à la crise post-électorale, Goodluck Jonathan a dit mercredi espérer que cela serait possible "sans faire usage de la force légitime".
Il y a trois mois, les dirigeants ouest-africains ont menacé de chasser du pouvoir le président sortant Laurent Gbagbo par la force, s'il s'obstinait à refuser de céder la place à Alassane Ouattara, reconnu vainqueur par la quasi-totalité de la communauté internationale. M. Ggagbo occupe toujours la présidence et mercredi, des témoins ont fait état de la fuite vers l'est de milliers de personnes, pour échapper à des combats opposant les forces loyales à M. Gbagbo à des troupes pro-Ouattara, dans l'ouest du pays.
Le président de la Commission de l'UA, Jean Ping, a jugé "très préoccupants" les développements des dernières semaines, dans un message lu en son nom au sommet mercredi. Il a ajouté que l'UA était sur le point de nommer "un représentant de haut niveau" pour la Côte d'Ivoire.
L'option militaire dans ce pays semble pour l'heure écartée par la Cédéao.
John Shinkaiye, directeur de cabinet de Jean Ping, a rappelé mercredi à l'AFP que "la Cédéao et l'UA sont d'accord pour que la force soit notre dernier recours, après que toutes les voies pacifiques ont échoué". Alex Vines, directeur du programme Afrique de l'institut britannique Chatham House, n'envisage pas non plus à ce stade une intervention armée de la Cédéao et souligne que l'ONU "ne peut pas faire grand chose de plus".
"Nous n'allons pas voir une situation similaire à la Libye, avec des zones d'exclusion aérienne etc", a-t-il estimé. "Ca n'est pas une bonne nouvelle pour l'Ivoirien moyen", a jugé M. Vines, mettant en garde contre "un danger réel que cela se transforme en une guerre civile".
Les présidents Boni Yayi (Bénin), Blaise Compaoré (Burkina Faso), Ellen Johnson Sirleaf (Libéria), Amadou Toumani Touré (Mali), Abdoulaye Wade (Sénégal), Ernest Koroma (Sierra Léone) - AFP