Les avions de combat occidentaux ont pilonné des objectifs en Libye pour la cinquième nuit consécutive jeudi, sans parvenir à empêcher les chars des forces loyalistes de bombarder plusieurs villes rebelles ou à déloger leurs blindés du carrefour stratégique d'Ajdabiah.
Les chars de l'armée libyenne, réduits au silence pendant la journée par les raids aériens de la coalition emmenée par les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, sont revenus à la faveur de l'obscurité près du principal hôpital de Misrata, une ville rebelle à 200 km à l'est de Tripoli, et ont bombardé le secteur, rapportent des habitants et des insurgés.
Des tireurs embusqués pro-Kadhafi se trouvent également dans la ville, la troisième de Libye avec 300.000 habitants, et continuent de semer la terreur, ont déclaré des habitants. Un porte-parole des insurgés a déclaré que les snipers avaient tué 16 personnes, sans que ces informations soient vérifiables.
A Tripoli, une forte explosion a été signalée en pleine nuit par les habitants. "Nous venons d'entendre une autre explosion. On voit de la fumée. Il y a des gens sur les toits. Il semble que c'est dans un secteur militaire près de l'école d'ingénierie (dans le quartier de Tadjoura)", a témoigné l'un d'entre eux.
Un officier de l'armée américaine a déclaré que la coalition avait rempli son objectif d'imposer une zone d'exclusion aérienne au-dessus des régions côtières du pays et s'en prenait aux blindés des forces kadhafistes. Il a fait état de 175 sorties en 24 heures, dont 113 pour les avions américains.
RENFORTS À ZENTANE
Le ministre français de la Défense, Gérard Longuet, a déclaré que les raids aériens français avaient permis de détruire une dizaine de véhicules blindés en trois jours.
La résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'Onu, sous le mandat duquel agissent les armées occidentales, stipule "que la coalition dispose de tous les moyens pour protéger les populations civiles. Or ce qui menace ces populations aujourd'hui, ce sont les chars, l'artillerie", dit-il dans un entretien au Figaro publié jeudi.
Le gouvernement libyen dément que son armée conduise des opérations offensives et affirme que ses troupes ne font que se défendre face aux attaques des insurgés.
Mais un habitant de la petite ville de Zentane, au sud-ouest de Tripoli, près de la frontière tunisienne, a déclaré que les forces kadhafistes acheminaient des renforts de troupes et de blindés pour attaquer cette localité tenue par la rébellion.
Dans l'Est, les insurgés restent bloqués devant Ajdabiah, porte d'entrée de la Cyrénaïque aux mains des insurgés, à 160 km du fief rebelle de Benghazi.
La télévision d'Etat libyenne a déclaré que les avions de la coalition avaient frappé Tripoli et Djafar, au sud-ouest de la capitale. Des habitants de la capitale ont fait état de huit explosions dans l'est de la ville.
Les responsables du gouvernement accusent les forces occidentales d'avoir tué des dizaines de civils, mais n'ont montré aux journalistes présents dans la capitale aucune preuve étayant leurs affirmations. L'armée américaine dément que des civils aient péri dans les raids.
PAS D'ACCORD À L'OTAN
Pendant que les combats font rage, les Etats membres de l'Otan ne sont pas parvenus à un accord pour prendre la direction des opérations militaires à la place des Etats-Unis, en raison des réserves turques, selon des diplomates.
Les Etats-Unis avaient l'intention de remettre samedi la direction des opérations à l'Alliance, une semaine après les premières frappes, mais l'échéance sera probablement repoussée, puisqu'un délai de 72 heures est nécessaire pour mettre les décisions en oeuvre. Ce transfert reste toutefois une question de jours, a souligné la Maison blanche.
La Turquie ne veut pas voir l'Otan prendre le commandement d'opérations susceptibles de faire des victimes civiles ou se charger de l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne tandis que les avions américains, britanniques et français bombardent les forces libyennes.
Face aux réserves turques et arabes, la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont décidé d'assurer le pilotage politique des opérations militaires en Libye, qui seront conduites et planifiées par l'Otan, a fait savoir Paris.
Alain Juppé, chef de la diplomatie française, a par ailleurs annoncé la réunion, mardi prochain à Londres, d'un "groupe de contact composé de l'ensemble des pays participant à l'opération, plus l'Union africaine, plus la Ligue arabe, plus tous les pays européens qui voudront s'y associer, de façon à bien marquer que le pilotage politique de l'opération, ce n'est pas l'Otan, c'est ce groupe de contact". - Reuters