On l'a vu consoler les victimes des tornades en Alabama, discourir devant de jeunes diplômés à Miami, puis enfiler son smoking pour faire rire un parterre de journalistes en se moquant de Donald Trump. Barack Obama venait pourtant de prendre l'une des décisions les plus importantes de son mandat, un secret qu'il a porté pendant 72 heures, sans rien laisser paraître.
Dès vendredi, le chef de la Maison avait en effet donné le feu vert à l'opération qui allait entraîner la mort de l'ennemi numéro un de l'Amérique, Oussama ben Laden.
Après avoir décidé de lancer l'assaut, Barack Obama, accompagné de son épouse Michelle et de leurs filles Sasha et Malia, quittait la Maison Blanche pour une journée de déplacements chargée, avec trois étapes dans deux Etats différents.
En Alabama, l'un des Etats les plus durement touchés par les tornades meurtrières qui ont frappé le sud du pays, Barack Obama a écouté la douleur des victimes et mesuré l'étendue des dégâts à Tuscaloosa, où des maisons ont été entièrement rasées.
Il a pris ensuite la direction de la Floride et de Cap Canaveral. Barack Obama a maintenu cette étape, même si le lancement d'Endeavour, l'avant-dernier vol des navettes spatiales américaines avant leur mise à la retraite, avait été repoussé pour des raisons techniques bien avant qu'il ne quitte l'Alabama. Il s'est tenu au programme malgré tout, visitant les installations de la NASA en famille avant de rencontrer en privé Gabrielle Giffords, la représentante démocrate grièvement blessé par balle par un tireur fou. Son époux, Mark Kelly, est le commandant de la navette.
Dans la soirée, le chef de la Maison Blanche a prononcé un discours pour la remise des diplômes à la faculté de Miami Dade avant de regagner Washington.
Le lendemain, un Barack Obama en smoking se prêtait de bonne grâce au traditionnel numéro présidentiel pour le dîner annuel de l'Association des correspondants de la Maison Blanche. Tout sourire à la tribune, il a tourné en dérision ses sondages en chute libre et ménagé quelques piques bien senties au milliardaire Donald Trump, qui l'attaquait depuis des semaines, doutant notamment qu'il soit vraiment né aux Etats-Unis.
Forcé de publier dans la semaine son acte de naissance intégral, Barack Obama s'est vengé en imaginant la Maison Blanche transformée en casino façon Las Vegas si jamais le milliardaire, possible prétendant à la candidature républicaine, l'emportait en 2012. Et a ironisé sur le poids des responsabilités de son détracteur, qui avait renvoyé un candidat dans son émission de télé-réalité Celebrity Apprentice. "C'est le genre de décisions qui m'empêcheraient dormir", a-t-il raillé, dans une répartie encore plus savoureuse rétrospectivement.
Dimanche, Barack Obama arpentait le terrain de golf de la base aérienne Andrews, comme souvent le week-end quand le temps s'y prête. Un parcours rapidement expédié en neuf trous, au lieu des 18 habituels. Au bout de quatre heures, le président est reparti, laissant les journalistes qui suivent ses sorties penser que la fraîcheur et la pluie avaient motivé sa décision.
En réalité, Barack Obama était attendu à une ultime réunion pour passer en revue les préparatifs de l'opération avant de lancer l'assaut sur la résidence de Ben Laden. Après-coup, quelques infimes indices auraient peut-être pu laisser penser qu'il se passait quelque chose d'important. Le chef de la Maison Blanche est allé directement au Bureau Ovale, avec ses chaussures de golf, sans prendre le temps de repasser par ses appartements. Et, sur les clichés, il apparaît tendu, la mâchoire serrée.
Ce n'est que quelques heures plus tard, peu avant minuit dimanche soir, que le président annonçait solennellement à la nation que les forces spéciales américaines venaient de tuer Oussama ben Laden au Pakistan. - AP