Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a demandé jeudi aux juges de l'autoriser à mener une enquête sur des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre commis en Côte d'Ivoire depuis l'élection présidentielle du 28 novembre 2010.
"Le bureau du procureur demande aux juges d'autoriser une enquête sur les crimes qui auraient été commis en Côte d'Ivoire", a déclaré le procureur Luis Moreno-Ocampo, lors d'une conférence de presse à La Haye, où siège la CPI.
Le procureur argentin souhaite enquêter sur les crimes les plus graves commis durant la période allant du 28 novembre 2010, date du second tour de l'élection présidentielle qui a vu la défaite du président sortant Laurent Gbagbo au 6 mai, date à laquelle les forces de son rival Alassane Ouattara ont pris le contrôle du dernier quartier d'Abdidjan qui leur résistait, Yopougon, selon une source proche du dossier.
Durant cette période, "au moins 3.000 personnes ont été tuées, 72 ont disparu et 520 ont fait l'objet d'arrestations et de détentions arbitraires et plus de 100 cas de viol ont également été rapportés", affirme le bureau du procureur dans un communiqué.
Le procureur de la CPI fonde sa demande d'enquête notamment sur des rapports d'ONG ivoiriennes et internationales, des témoignages de citoyens et des rapports d'organisations internationales, selon une source proche du dossier.
Ces informations "fournissent une base raisonnable pour croire que les forces pro-Gbagbo et les forces pro-Ouattara ont commis des crimes relevant de la compétence de la CPI", souligne le communiqué.
Une délégation de neuf membres du bureau de M. Moreno-Ocampo, menée par la procureure adjointe Fatou Bensouda, se rendra dès lundi en Côte d'Ivoire.
Elle sera chargée notamment d'évaluer les conditions de sécurité dans lesquelles l'enquête pourrait être menée, selon une source proche du dossier.
Le président ivoirien Alassane Ouattara avait dans une lettre datée du 3 mai demandé à M. Moreno-Ocampo d'enquêter sur les "crimes les plus graves" commis lors des violences post-électorales dans son pays.
En vertu du principe de complémentarité, la CPI ne juge des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité que lorsque la justice d'un pays ne peut ou ne veut pas le faire elle-même.
Au moins un millier de personnes, selon l'Onuci, avaient été tuées dans l'ouest du pays, où les Forces républicaines (FRCI) d'Alassane Ouattara avaient pris Duékoué le 29 mars au lendemain d'une offensive qui avait conduit à la chute de Laurent Gbagbo, qui refusait de céder le pouvoir après sa défaite électorale.
La semaine dernière, au moins huit personnes ont été tuées par des éléments des forces armées qui ont porté au pouvoir M. Ouattara, lors de plusieurs incidents, notamment à Abidjan, a annoncé jeudi l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci).
C'est la deuxième fois depuis la création de la CPI en 2002 que son procureur souhaite ouvrir une enquête de sa propre initiative.
Il peut aussi être saisi par un Etat partie au Statut de Rome ou par le Conseil de sécurité des Nations unies. Aucun délai n'est fixé aux juges pour rendre leur décision.
La CPI est le premier tribunal international permanent chargé de poursuivre les auteurs présumés de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide. - AFP