Des anciens combattants rebelles ont haussé le ton en Libye, réclamant leur part dans le prochain gouvernement intérimaire en cours de formation, sur fond de tensions après la nomination d'un chef d'état-major par des officiers de l'ancienne armée.
Abdelhakim Belhaj, chef du Conseil militaire de Tripoli qui disposerait d'une petite armée de fidèles, a réclamé jeudi soir "certains portefeuilles ministériels bien précis" dans le prochain gouvernement, dont la formation devrait être annoncée dimanche.
Pour mener à bien la délicate transition après quatre décennies de règne sans partage de Mouammar Kadhafi, le Premier ministre Abdel Rahim al-Kib a affirmé que son gouvernement serait composé de technocrates. Mais c'était sans compter les pressions des tribus et des factions armées.
Ancien chef du Groupe islamique combattant en Libye (GICL), M. Belhaj a appelé à un "gouvernement fort avec la collaboration de tous les thowar", ces civils qui ont pris les armes contre le régime de Kadhafi, répartis en dizaines de brigades qui n'ont pas été démantelées.
"Il est dangereux de dire que le travail des thowar est fini" maintenant que le régime de Kadhafi est tombé et que le pays est "libéré", a-t-il ajouté d'un ton menaçant, lors d'un discours à l'occasion d'un défilé militaire à Tripoli.
L'un de ses rivaux, Abdallah Naker, chef du Conseil des thowar de Tripoli, a réuni jeudi soir des commandants de plusieurs régions du pays pour dénoncer la nomination dans l'est du pays d'un chef d'état-major pour la nouvelle armée, qui attend toujours d'être officiellement reconstituée.
Dans la matinée, environ 150 officiers et sous-officiers de l'ancienne armée libyenne, ralliés à la rébellion, s'étaient réunis à Al-Baïda, à 200 km de Benghazi (est), pour approuver à l'unanimité la nomination de Khalifa Haftar comme chef d'état-major et annoncer la "réactivation" de l'armée.
Sorti des rangs de l'académie militaire de Benghazi et formé dans l'ancienne Union soviétique, M. Haftar a fait défection après le conflit entre le Tchad et la Libye à la fin des années 1980, et a ensuite gagné les Etats-Unis. Il est rentré en Libye en mars pour rejoindre la rébellion.
Rassemblés en ce qu'ils ont appelé l'"Union des thowar de Libye", les participants à la réunion autour de M. Naker ont réclamé le report de la nomination d'un chef d'état-major jusqu'à ce que le nouveau gouvernement soit formé.
"Nous n'avons pas été consultés pour la nomination d'un chef d'état-major. Nous avons des compétences mais ils ne nous ont pas donné l'occasion de présenter nos candidats", a déclaré M. Naker, à la tête lui aussi de quelques milliers de combattants.
Originaire des montagnes de Nefoussa, au sud-ouest de Tripoli, Abdallah Naker a lui aussi réclamé que les thowar aient une place dans le prochain gouvernement.
"La transparence et la non marginalisation des thowar", c'est tout ce que nous demandons du prochain gouvernement, a-t-il déclaré tard dans la soirée. "Le chef d'état-major doit être un des thowar qui étaient sur le terrain de la bataille", a-t-il ajouté.
Outre les anciens combattants rebelles, les islamistes, durement réprimés sous l'ancien régime, représentent comme dans les autres pays du "Printemps arabe" la force politique montante et la plus organisée du moment en Libye.
Les Frères musulmans libyens ont ouvert jeudi soir à Benghazi, berceau de la rébellion, leur premier congrès public dans le pays depuis près de 25 ans.
"C'est un jour historique pour nous et pour le peuple libyen", a déclaré à l'AFP Souleimane Abdel Kader, le chef de la confrérie en Libye.
La confrérie assure promouvoir un islam modéré et se dit prête à partager le pouvoir dans le cadre d'un Etat démocratique. "Nous voyons dans l'islam le fondement de la liberté, de la justice et de l'égalité", a insisté M. Abdel Kader. – AfricaLog avec AFP