Ce 23 novembre, le procès du gouverneur de Conakry, Cdt Sékou Resco Camara et ses deux co-accusés Colonel Amadou Bangoura et Alfred Sovoguilavogui, respectivement Directeur régional de la police de Conakry et Directeur de la sûreté urbaine, a repris au Tribunal de première instance de Kaloum. Ils sont inculpés pour usurpation de titre et de fonction, de menaces, injures publiques, violences et voies et fait, diffamation, dénonciation calomnieuse et complicité, suite à une plainte de l’ordre des avocats.
Ces avocats accusent notamment le Gouverneur de Conakry d’interférer dans les affaires judiciaires et de séquestrer un avocat dans l’exercice de ses fonctions. Mais devant la barre, les accusés ont tous plaidé non coupables. Le procès s’est déroulé dans une ambiance presque indescriptible. Dès son entrée dans la salle, le Gouverneur, encore en costume noir, cravate rouge, emporté par la forte mobilisation «des hommes de troupe», narguait les avocats. Il disait aux photographes de lui faire des photos souvenir. La salle envahie par plusieurs agents de la police judiciaire, venus selon eux soutenir «leurs chefs», était dans une chaleur torride. Les officiers de police judicaire ont, à plusieurs reprises interrompu le procès, à chaque fois qu’ils estimaient que leurs supérieurs étaient enfoncés. Plusieurs fois de suite, la présidente du Tribunal, Mme Kadiatou Traoré, a essayé vainement de les calmer.
Le Gouverneur Sékou Resco a mainte fois répétés qu’il n’a eu à faire qu’à un Président d’ONG, non à un avocat ou à un groupe d’avocats. Il a martelé qu’il ne répondra qu’aux questions relatives à l’ONG, MDT «Mêmes Droits pour Tous». La partie civile a estimé que si «c’est le prévenu qui définit les règles du procès», elle demande au tribunal de suspendre l’audience pour qu’ils puissent se concerter. Mais la présidente a indiqué au Gouverneur qu’il est de son droit de répondre ou non aux questions des avocats, «mais vous devez répondre aux questions qu’on vous pose,» leur lance-t-elle. C’est dans cette ambiance qu’une coupure d’électricité est intervenue aux environs de 19h GMT.
La juge a saisi l’occasion pour annoncer que l’audience est renvoyée au lundi, 28 novembre. A leur sortie de la salle d’audience, les avocats des deux parties ont réagi.
Pour la partie civile, Me Traoré s’est exclamé: «De mémoire d’avocat, je n’ai jamais assisté pris à une pareille audience où la salle est envahie par des civils et des hommes en uniformes qui viennent jusqu’à la barre, pour proférer des menaces verbales à l’endroit des avocats de la partie civile, cela sous l’œil complaisant du tribunal et du parquet. Cela est une première.» Me Traoré est inquiet pour les avocats qui poursuivent ces gros bonnets de l’Etat. Il indique: «Aujourd’hui, ce procès se pose en termes de sécurité pour les avocats de la partie civile. Mais quoi qu’il en soit, nous sommes des avocats. Nous avons décidé de défendre les causes de ce genre. Le Gouverneur est défendu aujourd’hui par des avocats, le directeur de la sûreté urbaine également, mais pourquoi veulent-ils refuser à l’autre partie d’avoir des avocats?»
Les avocats ont souvent eu maille à partir avec les hommes en uniformes militaires en Guinée. Mais, «lorsque ces hommes ont eu maille à partir avec la justice, ce sont les mêmes avocats qui les ont appelés», a souligné Me Traoré. Avant d’ajouter que «le droit à la défense est un principe consacré par le citoyen guinéen, si nous risquons pour cela, nous l’assumons. Mais, vous comprendrez que nous ne pouvons plus compter sur le tribunal pour assurer notre sécurité. Et quoi qu’il en soit nous irons jusqu’au bout». «Nous ne sommes pas là contre quelqu’un ou pour quelqu’un, mais pour l’Etat de droit,» a renchérit un de ses confrères.
Me Maurice Lamey Kamano, l’avocat principal de la défense, lui, a d’autres choses à dire. Alors que la phase des plaidoiries et du réquisitoire n’a pas eu lieu, Me Lamey tranche: «L’audience de ce jour nous a permis de connaître réellement ce qui s’est passé et de faire la preuve que tout ce qui a été retenu contre nos clients, n’était que contre-vérité, n’était qu’affabulation. Aucune des infractions visées, n’est établie.» La partie civile dit qu’elle est menacée de mort… Me Lamey de s’exclamer: «Oh, mais que n’avons-nous pas entendu? Ce ne sont que des contrevérités. Le ballon est dégonflé. Dès le départ, nous avons dit que ce dossier est vide. Aujourd’hui, nous repartons confortés dans la conviction que ce dossier est un faux dossier. Et à l’audience prochaine, nous en ferons davantage la démonstration. Nous demanderons au tribunal de faire laver la souillure faite à ces grands commis de l’Etat qui risquent leur vie pour la sécurité des citoyens dans la cité, plutôt de les récompenser, les encourager, on les traîne dans la boue. Mais à quelque chose malheur est bon. Car nous avons démontré que c’est le voleur qui a crié au voleur…»
L’avocat a insisté qu’il n’y a pas eu de menaces de mort contre qui que ce soit. «Ils n’ont qu’à raconter tout ce qu’ils veulent. D’ailleurs dans la citation à comparaître, personne n’en fait état. On a voulu noircir le tableau pour nuire à nos clients…», a clamé Me Maurice Lamey Kamano.
Dès la sortie du Gouverneur du tribunal, les mareyeuses et vendeuses de poissons se sont mis à l’applaudir.
Tout sourire, avec un mouchoir blanc qu’il agitait par sa main droite, saluait la foule. Un cortège impressionnant d’agents de la police à bord d’un camion et de deux pick-up l’ont accompagné à sa résidence quelque part, dans la commune de Kaloum. La nuit venait de tomber sur Conakry.
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