«Sékouba Konaté a payé la caution et le matériel de campagne électorale de certains candidats», dixit Jean Marie Doré de l'UPG.
Premier ministre de la transition, phase 2, Jean Marie Doré redescend dans l’arène pour d’abord, rappeler: «depuis le 3 avril 1992, date de notre agrément officiel, nous avons affirmé que nous sommes du centre».
Le leader de l’UPG parle de ses relations avec les Présidents Sékou Touré, Lansana Conté et Alpha Condé. Il parle en levant même un coin du voile sur l’apport que le Président de la transition, général Sékouba Konaté a apporté à certains leaders alors candidats à la présidentielle de 2010. Des leaders qui l’attaqueraient aujourd’hui. C’était au cours d’une interview le samedi, 10 décembre 2011 dont AfricaLog vous propose de larges extraits.
Le leader de l’UPG a commencé par situer l’opinion sur les motifs de sa récente absence au pays:
Jean Marie Doré: Je suis parti en Suisse parce que j’ai eu des problèmes de santé au mois d’avril. J’ai été traité. Mais mon professeur m’a soumis à un contrôle régulier pour bien s’assurer que je suis rétabli. Donc, j’ai été deux fois à Genève. Après mon premier séjour, pour un simple contrôle, je ne sais pas par quel tour de passe-passe, les gens ont découvert que je suis parti sur une civière et que ma tombe serait quelque part.
- Quid de cette rumeur ?
Vous savez les gens parlent pour le plaisir. Quand ils n’ont rien à faire, ils s’amusent à leur guise puis ils expriment leur état d’âme, leur souhait ou leur fantasme. Vous ne pouvez pas empêcher cela.
- De la prolifération des partis politiques qu’il a toujours dénoncée
A l’UPG, nous sommes un parti constant. Pour affirmer sur la place publique une vérité, nous évaluons les données de fait. Et nous voyons si ces données de fait s’étendent sur l’avenir. Alors, nous posons notre diagnostic. Donc, ce que j’ai dit en octobre, est encore plus valable aujourd’hui comme facteur de complication de la vie politique nationale.
Et puis, ces partis sont reconnus en violation flagrante de la loi, pour la plus part. Et cela, la responsabilité incombe au Ministre de l’Administration du Territoire. Parce que la charte des partis qui organise la reconnaissance des partis, leur fonctionnement, est claire et catégorique: pour qu’un parti soit reconnu et agréé pour tel, il faut qu’il ait des représentants au moment du dépôt de la demande d’agrément, qu’il ait au moins huit représentants résidents dans chacune des régions naturelles, qui sont des notabilités connues. Il faut que le parti naisse national.
Aujourd’hui, j’ai une longue liste, des gens restent aux Etats-Unis, en France, en Hollande, n’importe où en Afrique, ils écrivent au Ministère : "j’ai décidé de créer un parti qui s’appelle X, tel sera le responsable à Conakry", et on donne un agrément. Non, il y a la violation de loi.
J’ai répété au Ministre qui est conscient de ce que je dis. Je ne suis pas là pour dénoncer un parti qui a été mis en scène par le Ministre. Donc, je dénonce le fait que le Ministre ait violé la loi. Celui qui a été agréé, je n’ai rien contre lui mais, je dénonce la violation de la loi à l’occasion de l’agrément qui a été donné et qui viole une loi organique de l’Etat guinéen, une loi très importante ; parce que c’est sur la base de cette loi, que nous avons des activités légales.
Donc, il faudrait que la reconnaissance des partis repose sur le respect de la charte des partis, qui est une loi organique. Ça c’est un. Deuxièmement, ces partis fonctionnent toujours en violation de la loi. Par ce qu’un parti politique, d’après la charte des partis politiques, doit avoir un siège, doit avoir une administration, une comptabilité, faire des rapports périodiques à la Cour des comptes, organiser régulièrement ses congrès. Toutes choses qui n’existent pas. Si vous enlevez cinq partis, à la limite dix, il ne reste rien. Ce sont des sigles. Et ça encombre le débat.
Aujourd’hui, nous insistons pour que la CENI soit représentative des différents courants politiques importants de ce pays, parce que la CENI est le sous produit de l’activité des partis politiques en 2006.
- De son départ de l’Alliance pour la Démocratie et le Progrès (ADP)
Je ne voulais pas parler de ce sujet qui, pour moi, ne représente plus d’intérêt. C’est moi qui ai eu l’idée de créer l’Alliance. Et je me suis adressé à mon ancien Ministre de la Communication [de l'information, ndlr], M. Aboubacar Sylla.
Puis, M. Charles Pascal Tolno [du PPG, ndlr], M. Oumar Bah du Parti de l’Unité et de la Liberté, puis M. Ibrahima Condé du PSDG sont venus. On a créé une alliance à six. Parce que le sixième, c’était le PEDN de M. Kouyaté [Lansana, ndlr].
Quand les représentants de M. Kouyaté sont venus, ils ont informé qu’ils adhèrent à l’ADP à condition, et c’est une condition sine qua non, à condition que M. Kouyaté en soit le Président. Je dis mais, si on commence par attribuer des postes pour une alliance à six, ça ne peut pas aller. M. Sylla est le porte-parole. C’est moi qui ai proposé M. Sylla comme porte-parole. Ça suffit. On n’a pas besoin du Président. Ils ont dit dans ces conditions, ils ne restent pas dans l’alliance.
Mais, quelques jours après, ils sont revenus dire que "bon, on a convaincu notre Président", qu’il accepte d’être simple membre. Mais que si M. Kouyaté peut être le deuxième porte-parole à l’étranger. Je dis, "mais, non. On ne pas être le porte-parole d’une alliance qui fonctionne en Guinée à l’étranger. Comment il va savoir ce que nous faisons ici au jour le jour. Laissons M. Aboubacar Sylla [de l'UFC, ndlr] seul, porte-parole. Voilà.
Et fondamentalement, l’ADP est créée comme une structure du centre. Pourquoi ? Parce que le gouvernement du Président Alpha Condé, le Collectif des partis politiques [pour la finalisation de la transition, ndlr] animé à titre principal, par mes amis Sidya Touré et Cellou Dalein Diallo, posait les problèmes dans un langage extrême. Toutes choses qui ne nous convenaient pas par notre éducation, par notre formation. Parce que ce n’est pas la vigueur des mots qui fait l’argument. Si on veut arriver à une solution, il faut parler dans le respect réciproque. Ce n’est pas s’insulter toute la journée. Donc, c’est pourquoi nous ne pouvions pas entrer dans le Collectif. Il fallait donc, créer une structure du centre qui cherche la voie moyenne pour raccommoder les différentes tendances qui dérivent de loin, les unes des autres. Avec une option centriste, absolument, fondamentalement.
L’ADP, c’est l’Alliance pour la Démocratie et le Progrès. Le pivot, c’est le centrisme; et nous avons dit, mais si en dépit du fait que nous sommes du centre, si par hasard nos revendications recoupaient celles du Collectif, étant donné que nous sommes tous de l’opposition, il ne faudrait pas se chamailler devant les autorités. Mais nous allons avec notre propre vision, nos méthodes de travail et notre langage propre.
Je vais en Suisse, je reviens, il y a beaucoup de décisions qui ont été prises en commun par l’ADP et le Collectif et nous avons eu le sentiment net, vous voyez la confirmation aujourd’hui, l’ADP est devenue un appendice du Collectif des partis.
Je ne peux pas accepter que l’alliance qu’on a créée pour servir d’équilibre et de facteur de rapprochement entre les différentes tendances qui doivent se parler pour que la Guinée avance, devienne un jouet entre les mains d’une des extrêmes. Je reviens maintenant [de Suisse, ndlr] l’ADP est devenue un appendice du Collectif des partis. Non seulement, ils épousent le langage guerrier de l’ADP (sic) [un lapsus certainement, ndlr] mais encore, un certain nombre d’actions sont prises ensemble, toutes choses qui ne nous concernent pas.
J’ai appelé les responsables de l’ADP, je leur ai dit, si ça continue comme ça, nous allons quitter l’ADP. Par ce que nous sommes un parti du centre, nous ne pouvons pas entrer dans une alliance extrémiste. Visez tous les discours de l’UPG depuis le 3 avril 1992, date de notre agrément officiel, nous avons affirmé que nous sommes du centre. Et puis voilà, on a quitté. Je ne vois pas pourquoi il faut en faire une affaire, ce n’est pas une affaire.
- Jean Marie Doré roule-t-il pour le pouvoir ou pour l’opposition?
J’ai entendu ces inepties, j’allais dire ces imbécilités de la part de personnes qu’on devrait pendre pour changer de camps.
Certains ont appartenu à cinq gouvernements différents; d’autres ont été Premiers ministres et ont servi fidèlement Lansana Conté comme Monsieur Sidya Touré qui a inventé le fameux slogan "Ton pied, mon pied". C’est son affaire, ça ne me regarde pas.
- De ses relations avec Lansana Conté et Sékou Touré
Moi, je n’ai jamais été pour Lansana Conté. Mais, le Président Lansana Conté était le Président légal de mon pays. Quand il y avait des problèmes graves qui interpelaient la responsabilité du pays, au lieu de l’insulter, j’allais le voir, pour lui dire que je ne suis pas d’accord. Et souvent, avec le temps, il a accepté.
Le Président Lansana Conté a entrepris une guerre injuste contre le Libéria. Vous pouvez demander à toute la classe politique, lisez les journaux, j’ai combattu le fait que Lansana Conté ait pris faits et cause l’ULIMO dans ce pays. Moi, je n’ai jamais été le serviteur de Lansana Conté.
Certains disent "oui, il était avec Sékou Touré". Sékou Touré était mon ami. J’ai quitté la Guinée par un acte injuste de Sékou Touré. Et j’ai aperçu qu’on ne pouvait pas accepter comme ça. Il a donc fait faire des démarches auprès de Siradiou Diallo, Bah Mamadou, Kaké Ibrahima mais, ceux-ci ont eu peur de rentrer. Moi, par l’intermédiaire de mon oncle, et je l’ai dit à l’occasion de trois conférences de presse au siège de notre parti, le Président Tolbert [du Libéria, ndlr] s’est entremis entre lui et moi (sic), et je suis rentré ici. Et Sékou Touré a respecté scrupuleusement ses engagements pour ma sécurité, etc. Il est devenu mon ami. Est-ce la première fois que je dis que Sékou Touré était mon ami ? Ecoutez, on n’a pas besoin de dénoncer les guinéens.
J’ai fait un livre que je n’arrivais pas à me décider à publier. Parce que nous parlons d’unité nationale, de réconciliation nationale. Si on diffuse les documents qui venaient de toutes les régions de la Guinée – Basse Guinée – Fouta – Haute Guinée – Forêt – où les gens se dénonçaient mutuellement au Président de la République, vous verrez que la responsabilité de Sékou Touré est limitée dans les débordements. Mais il était Chef de l’Etat, c’est lui qui doit endosser les dérives. Parce qu’il avait les moyens de les arrêter. Mais, c’était mon ami. J’assume la responsabilité de mon amitié avec Sékou Touré. C’était au grand jour en Guinée. Je ne suis pas comme eux qui changent comme des caméléons, selon la couleur du jour. Je ne suis pas comme ça.
- De ses amitiés au sein de la classe politique
Dans l’opposition, j’ai des amis. Mais, ça ne veut pas dire, parce qu’ils sont mes amis, nous avons les mêmes points de vue. Si nous avions les mêmes points de vue, on serait dans le même parti.
- Du caractère changeant de l’homme
Ceux qui ont fait parti du gouvernement de Kouyaté [Lansana, ndlr], puis ils ont fait partie du gouvernement de Souaré [Ahmed Tidiane, ndlr], ce n’est pas mon affaire. Ce sont eux qui varient; pas moi.
- Ils auraient été approchés
Ils ont accepté, donc. Ce qui compte, c’est leur présence. S’ils ne voulaient pas, ils n’allaient pas entrer dans le gouvernement. Moi, Ahmed Tidiane Souaré m’a proposé d’être Ministre d’Etat, j’ai refusé. Mais, comme c’est un ami, il a insisté, j’ai envoyé Papa Koly et Aly Gilbert Iffono. Aly Gilbert a été un excellent Ministre. C’est pourquoi, dans le gouvernement de la Transition, je l’ai encore pris comme Ministre de la Décentralisation. C’est un homme compétent. C’est un homme affable, discret et efficace.
Donc, si les gens disent "s’il [Jean Marie Doré, ndlr] n’est pas dans l’ADP, il est dans le RPG", je n’ai pas besoin d’aller … Alpha Condé est un vieux copain avec Siradiou Diallo et Bah Mamadou.
Aujourd’hui, nous restons deux sur la scène [les deux autres sont décédés, ndlr], nous qui sommes venus et qui avons créé des partis et dont les partis ont émergé.
Regardez les partis qui ont émergé. C’est le PRP de Siradiou, c’est l’UNR de Bah Mamadou, c’est l’UPG de Jean Marie Doré. Regardez les autres partis, ils sont devenus quoi?
- De sa proximité d’Alpha Condé
Mais, non ! Ecoutez, vous pouvez être en désaccord total avec moi, nous sommes des amis. Mais ça ne nous empêche pas de nous fréquenter. Alpha Condé, s’il fait mal ; je vais lui dire publiquement que ce qu’il fait n’est pas bien. Je crois, c’est ce qui renforce les bases de l’amitié. Je n’ai aucune raison d’aller le flatter. Pourquoi vous voulez que je le flatte? S’il fait bien, je lui dis que c’est bien. S’il fait mal, je lui dis que ce n’est pas bon.
Je l’ai dit à la RTG, qu’il faut qu’il me dispense de l’occasion de le blâmer. S’il [Alpha Condé] pose un bon acte, je vais le féliciter. Je vais personnellement le féliciter. Pas par téléphone. S’il fait mal, de la même manière, je vais aller le trouver pour lui dire qu’il est en train de s’écarter de la bonne voie. De mon point de vue.
Mais, tous ces gens qui crient, sont les opportunistes. Certains ont été ministres pendant onze ans. Certains ont été Premiers ministres. Ils se courbaient devant Lansana Conté. Ils étaient à genoux devant Lansana Conté. Ils lui ciraient ses chaussures. Moi, je n’ai jamais ciré les chaussures de Lansana Conté. Certains ont vécu de Lansana Conté, moi, je n’ai jamais vécu de Lansana Conté.
Certains sont allés ramper chez Moussa Dadis Camara. D’autres sont allés ramper chez Konaté [général Sékouba, ndlr].
- Et le déballage
Konaté a payé la caution et le matériel de campagne électorale de certains autres. Alors! Konaté était mon chef hiérarchique dans le gouvernement. Il ne m’a jamais donné un franc. Mais certains qui parlent, qui se disent opposants radicaux, il leur a donné de l’argent pour payer leur caution et il a payé les quantités de t-shirts dans un contenair.
- Des noms de bénéficiaires
Mais, non. C’est une question d’éducation. Quand je vois quelqu’un se rouler par terre en me disant "Jean Marie Doré, tu es ceci, tu es cela", alors si je me mets aussi dans la poussière pour dire ceci ou cela, nous devenons deux imbéciles. Un homme bien élevé ne se met pas dans la poussière sur la place du marché, pour se rouler.
- De l’objet de son prochain déplacement pour l’intérieur du pays
Un parti qui va s’engager dans la campagne doit continuer à faire la sensibilisation mais d’une manière plus systématique. C’est ce qu’on appelle la pré-campagne. Il me parait que la pré-campagne est plus importante que la campagne officielle qui est une occasion pour les uns et les autres de montrer leurs programmes en public. Pour le moment, il faut aller voir les militants, faire le porte-à-porte. Aller de sous préfecture en sous-préfecture, de district en district.
Mais mon voyage-là, n’est pas à proprement parler, l’occasion d’une tournée politique. C’est un mélange de tournée politique et de voyage privé, parce que je vais assister au mariage de mon neveu au village.
- De l’itinéraire
Je vais saisir l’occasion pour faire un arrêt à Mamou, Faranah, Kissidougou, Guéckédou, Macenta, N’zérékoré et avant la cérémonie, j’irai à Yomou et à Beyla. A mon retour, en janvier [2012, ndlr] je vais entreprendre une tournée systématique. Non seulement moi-même, mais tous les membres de la direction nationale de notre parti en impliquant les responsables des bureaux régionaux de coordination, les sections, les sous-sections, les comités de base et les corporations. C’est ça la vraie campagne électorale. Quand vous avez fait cela, vous attendez, parce qu’en ce moment-là, vous avez une idée de l’assise du parti sur le plan organisationnel et sur le plan électoral.
- Du bilan des 12 mois de gestion du Président Alpha Condé
Si vous vous souvenez, au siège de notre parti, j’ai dit "je ne suis pas comme les autres qui demandent un bilan au bout de cent jours". Ça c’est ignorer la réalité de la Guinée. Aucun homme d’Etat, aussi génial qu’il peut être, ne peut régler les problèmes guinéens en cent jours. C’est pourquoi, j’ai dit, "j’attends la fin de l’année pour donner mon diagnostic". Parce que quand j’étais Premier ministre, mon gouvernement a posé des actes.
A un moment donné, le Président Alpha Condé a porté un jugement négatif sur la gestion de notre gouvernement. Mais, je crois, qu’aujourd’hui il a réévalué son appréciation de l’action que nous avons menée. Pourquoi? Parce que, vous savez, près de 60%, il se peut que je me trompe un peu plus ou un peu moins, 60% des cadres qui sortent de nos universités ne travaillent pas. Pour plusieurs raisons, dont notamment, le bas niveau de la formation et la mauvaise qualité de l’enseignement donné mais surtout, parce qu’il n’y a pas d’investissement.
On ne crée pas les emplois par décrets. Le gouvernement le plus puissant ne peut pas dire, "à partir d’aujourd’hui, il y a cent mille emplois". Ce n’est pas comme ça. Il faut investir pour que les entreprises créées puissent offrir des emplois aux guinéens.
Donc, j’attends, dans notre intervention à la fin de l’année, nous ferons un diagnostic de la situation. Ce qui a été fait, ce qui n’a pas été fait, ce qui aurait dû être fait; nous en parlerons calmement, libérer la contrainte du temps.
Propos recueillis et transcrits par AfricaLog.com