L'ancien président du Liberia Charles Taylor, 64 ans, reconnu coupable jeudi de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre en Sierra Leone entre 1996 et 2002, est le premier ex-chef d'État condamné par la justice internationale depuis Nuremberg.
L'annonce de la condamnation de Charles Taylor, qui sera fixé sur sa peine le 30 mai, a été saluée par de nombreuses ONG et les États-Unis qui l'ont qualifiée de «message fort» envoyé aux criminels de guerre qui «doivent rendre des comptes».
Président du Liberia de 1997 à 2003, Charles Taylor a été reconnu coupable d'avoir «aidé et encouragé» une campagne de terreur visant à obtenir le contrôle de la Sierra Leone, dans le but d'exploiter ses diamants, lors d'une guerre civile ayant fait 120 000 morts entre 1991 et 2001.
Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) qui siégeait à Leidschendam, près de La Haye, où le procès avait été délocalisé pour raisons de sécurité, entendra le 16 mai les observations des parties sur la peine qui sera attribuée à l'ex-chef d'État et qu'il purgera en Grande-Bretagne.
Ce jugement est le premier rendu par la justice pénale internationale contre un ancien chef d'État depuis celui prononcé en 1946 par le tribunal militaire international de Nuremberg contre Karl Dönitz, commandant en chef de la marine allemande, qui avait succédé à Adolf Hitler à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il avait été condamné à dix ans de prison pour crimes de guerre.
L'accusation a également salué le jugement qui «apporte une certaine justice à toutes les victimes qui par milliers ont payé un prix terrible pour les crimes de Taylor», selon la procureure Brenda Hollis.
Pour Elise Keppler, responsable pour Human Rights Watch (HWR) des questions de justice internationale, «la condamnation de M. Taylor envoie un puissant message selon lequel même ceux qui occupent les postes les plus élevés peuvent être tenus de rendre des comptes pour les crimes graves» qu'ils auront commis.
Cris de joie à Freetown
L'avocat de Charles Taylor, Courtenay Griffiths, a affirmé de son côté que les preuves permettant d'établir la culpabilité de son client avaient été «achetées» par le bureau du procureur et dénoncé un procès «dicté par certains impératifs politiques».
L'avocat, assurant que M. Taylor avait accueilli le verdict avec «stoïcisme», a indiqué qu'il allait discuter avec son équipe d'un éventuel appel.
Les troupes de M. Taylor avaient combattu aux côtés des rebelles sierra-léonais du Front révolutionnaire uni (RUF), auquel l'ex-président fournissait armes et munitions en échange de diamants.
L'ancien président, vêtu d'un élégant costume bleu foncé, d'une chemise blanche et d'une cravate rouge, a pris de nombreuses notes sur un carnet durant la lecture du jugement qui a duré plus de deux heures. Il avait plaidé non coupable.
Les juges ont estimé qu'il avait eu «une influence significative sur le commandement du RUF». «Cependant, cette influence significative ne signifie pas qu'il avait le commandement ou le contrôle effectif», ont-ils souligné.
À Monrovia, la capitale du Liberia, dans un bar où étaient rassemblés une quarantaine de partisans de Taylor, le verdict a été accueilli dans un lourd silence. «Vous ne pouvez pas punir quelqu'un pour un crime sur lequel il n'avait pas de contrôle direct», a affirmé l'un d'eux.
Le verdict a été accueilli par des cris de joie à Freetown, la capitale de Sierra Leone, où l'audience était retransmise en direct au siège du TSSL.
Le procès de M. Taylor, arrêté en 2006 au Nigeria et qui avait plaidé non coupable, s'était ouvert le 4 juin 2007 et achevé le 11 mars 2011.
Le TSSL a déjà condamné à Freetown huit accusés pour des crimes commis en Sierra Leone à des peines allant de 15 à 52 ans de prison. – AfricaLog avec agence