Comme annoncé, l’opposition, à travers le Collectif et l’ADP, a effectivement lancé ses opérations de contestations du pouvoir ce jeudi, 10 mai 2012.
Le pouvoir ne s’y est pas opposé. Seulement, il a donné des consignes aussi bien au camp d’en face qu’à ses hommes que sont les forces de maintien d’ordre:
- Le Gouverneur de la Ville de Conakry: «l’autorité communale a autorisé la manifestation avec un seul itinéraire dont le point de départ est ENCO 5 et se poursuit sur la route Le Prince jusqu’à l’esplanade du stade du "28 septembre", point final de la manifestation».
- Le Chef d’Etat Major Général des Armées: «invite les unités de la gendarmerie et de la police qui sont responsables des opérations de maintien de l’ordre à agir avec professionnalisme dans le strict respect des droits des citoyens et de la dignité humaine. L’usage des armes à feu est formellement interdit sauf en cas de légitime défense. Tout homme en uniforme qui sera appréhendé avec ou sans arme dans un mouvement de foule ou isolé, sera sanctionné conformément au règlement de service dans l’armée».
- Moustapha Naïté, Mouvance présidentielle: «au niveau du mouvement de la jeunesse de la majorité présidentielle, je dois avouer que c’est un moment d’inquiétude. Quand on sait qu’il y a une culture de violence dans notre pays, il y a lieu de s’inquiéter quand on est soucieux de la paix, de la quiétude dans la cité».
Côté opposition, c’est Sidya Touré de l’UFR qui situe, vers 9h, ce jeudi: «On a un quartier général au siège de notre parti. Nous sommes là pour essayer de suivre la situation et nous préparer à aller rencontrer les militants au stade». Parlant de l’itinéraire défini par le gouverneur, Sidya de réagir: «nous n’avons rien demandé au gouverneur. Nous nous avons toujours notre programme. Je ne crois pas que ce soit son rôle. Il s’agit de sortir et de marcher pour aller à l’esplanade du "28 septembre"» Parlant des consignes données au militants, le Président de l’UFR précise: «il s’agit de sortir, de marcher pour démontrer à ce gouvernement, que les Guinéens ne sont, non seulement pas d’accord sur la manière dont on veut mener ce processus électoral avec une fraude massive, avec des contre-vérités tous les jours, avec des déclarations qui se contredisent, avec le feu qui prend dans les bureaux chaque fois que l’on parle d’élection ici, mais également, les Guinéens ne sont pas d’accord sur la manière dont le pays est géré depuis 15 mois... »
Ceci rapporté, le Collectif des Partis politiques pour la finalisation de la transition et l’Alliance pour la Démocratie et le Progrès (ADP) ont fait sortir leurs militants pour des manifestations dont le point de départ est ce jeudi, 10 mai: «nous sommes révoltés par cette accumulation de mauvaise foi, de mensonge, de complicité au niveau le plus élevé de l’Etat» s’était indigné Cellou Dalein Diallo de l’UFDG lors de la conférence de presse de l’opposition. Pour lui, «on va faire des marches dans tout Conakry, pour un départ. Tout le monde va sortir, tous nos militants et sympathisants pour dire "non" à cette violation de nos droits ; "non" à ce refus de transparence».
Suivant le tronçon autorisé, les militants et leurs leaders ont donc emprunté la rue aux environs de 11h sur le tronçon allant du carrefour d’ENCO 5 à l’esplanade du stade du "28 septembre".
En dépit de quelques incidents signalés de par et d’autres, c’est très satisfaits que les leaders se sont adressés à leurs militants au point d’arrivée:
- Aboubacar Sylla, Président de l’UFC: «grand merci pour cette démonstration de force. Vous avez montré que vous êtes un peuple convaincu. L’homme, c’est sa parole. La promesse est sacrée. Qu’est-ce qu’on ne vous a pas promis avant les élections ?» Et le leader de l’UFC de citer les promesses : l’eau, l’emploi pour les jeunes, la sécurité, de grandes routes en bon état, le sac de riz à 20 000 GNF, qui n’ont pas été tenues. Il va marteler que «l’homme, c’est sa parole. L’opposition, c’est une parole et elle l’a respecte». M. Sylla de conclure par cette invite: «nous vous demandons de rester mobiliser. Tout ce que nous cherchons, c’est faire de la Guinée un pays démocratique et prospère. Ce que nous voulons, c’est éviter une nouvelle dictature en Guinée. Plus jamais de dictature en Guinée. C’est pour cela, qu’il faut des élections transparentes en Guinée. On aura une Assemblée qui va être un contre-pouvoir. Qui va obliger l’Exécutif, qui va obliger le gouvernement à respecter les lois de la République.»
- Amadou Oury Ditinn Diallo, leader du PUD: «vous avez espéré quand il [Alpha Condé, ndlr] a eu le pouvoir, parce qu’il est élu». Et M. Diallo d’affirmer: «nous disons que nous voulons des élections crédibles parce que le RPG n’aura au maximum que 10 sur 100» avant de révéler: «quand on apprend qu’un haut cadre de ce pays est allé loger dans un hôtel à 10 000 euros par jour, c’est grave. C’est grave pour ce pays… » Il a terminé en scandant: «halte aux voleurs, halte aux menteurs, halte aux manipulateurs, nous voulons la démocratie, halte à Lousény et sa CENI, nous voulons des responsables de la CENI crédibles».
- Mouctar Diallo des NFD qui avait finalement perdu la voix, dira quand même: «le pouvoir d’Alpha Condé est illégitime et impopulaire. Malgré qu’ils ont le pouvoir et les moyens de l’Etat, malgré qu’ils distribuent des millions et millions, malgré leur propagande, ils n’ont pas pu jusque-là à mobiliser 200 (deux cents) personnes. Et vous, sans qu’on ne vous donne de l’argent, avec conviction, détermination, vous avez réussi à vous mobiliser en termes de centaine et de centaine. Alpha Condé est mal élu. Continuons la mobilisation. Montrons au Président Alpha Condé et à son gouvernement que nous n’accepterons pas des élections frauduleuses. Nous refusons la CENI actuelle, nous refusons un recensement bidon, nous exigeons la recomposition de la CENI avec un Président intègre et impartial».
- David Camara, Secrétaire général de la NGR d’Ibrahima Abe Sylla: «tout le monde se posait la question de savoir si la NGR aurait participé à cette manifestation. Notre présence ici aujourd’hui est pour prouver que la NGR reste à part entière membre du Collectif des Partis politiques pour la finalisation de la transition. Le sens de notre combat est de faire en sorte que ce pays s’achemine vers des élections législatives libres, transparentes, crédibles dans une atmosphère de paix».
- Sidya Touré de l’UFR: «c’est nous en réalité les républicains de ce pays». Sidya Touré d’énoncer les desiderata de l’opposition: «nous ne voulons pas de la CENI telle qu’elle est. On ne l’accepte pas. Nous ne voulons pas d’un fichier électoral qui est fabriqué uniquement par Alpha et son Gouvernement». Des conditions qui seraient la base de toutes leurs revendications «parce que si nous organisons les élections sans les satisfaire, ça veut dire qu’il n’y aura jamais de stabilité dans notre pays et il n’y aura jamais de confiance ni à l’intérieur ni à l’extérieur. Alors mobilisons-nous. Restez mobilisés, aujourd’hui, demain, après-demain, jusqu’à … » devait-il inviter.
- Cellou Dalein Diallo, Président de l’UFDG: après avoir fait observé une minute de silence en la mémoire des disparus du 28 septembre 2009 au stade du même nom, il a remercié les militants pour «votre participation active au succès de la présente manifestation.
Je disais tout à l’heure, que les leaders politiques se sont exprimés. M. Alpha Condé et son gouvernement n’ont pas voulu nous écouter. Les partenaires techniques et financiers se sont exprimés. M. Alpha Condé et son gouvernement n’ont pas voulu les écouter. La société civile et le Réseau des femmes anciennes Ministres et parlementaires se sont exprimés, on n’a pas voulu les écouter.
Je crois aujourd’hui, le peuple de Guinée s’est exprimé. J’espère qu’il va écouter. Parce que nul ne peut contester que la manifestation d’aujourd’hui n’est que l’expression de la volonté de notre peuple dans sa diversité».
Après avoir évoqué la présence des militants venus des cinq communes de la capitale, Cellou Dalein a insisté: «Dans cette manifestation, c’est la Guinée dans sa diversité qui s’est exprimée. Et j’espère que M. Alpha Condé va en tenir compte. Parce que ce que les autres (militants et sympathisants de l’ADP et du Collectif), le citoyens et les citoyennes guinéens, les partenaires techniques et financiers, la société civile dans toutes ses composantes, ils ne veulent que d’une chose : que la Guinée soit paisible et démocratique».
Pour Cellou Dalein, «ils [Alpha et le Gouvernement] ne connaissent pas, ils n’entendent pas la raison. Ils ne veulent pas du dialogue franc et honnête. Ils veulent que la rue s’exprime. Et vous vous êtes bien exprimés. Je voudrais vous féliciter pour la discipline et la sagesse. Vous n’avez provoqué personne».
Avant de conclure le leader de l’UFDG a invité à la poursuite des manifestations: «je souhaite que demain, ça soit plus fort qu’aujourd’hui».
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