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Massacre de Zogota: Jean-Marie Doré accuse le pouvoir

Aug 21, 2012
Massacre de Zogota: Jean-Marie Doré accuse le pouvoir

Jean-Marie Doré accuse la délégation conduite par le ministre des Affaires étrangères, Dr. Edouard Niankoye Lamah d’avoir planifié l’assassinat des cinq ressortissants de Zogota comme représailles des dégâts causés sur les installations de la société VALE.

Jean-Marie Doré, ancien Premier ministre guinéen de la transition, et président de l’UPG (Union pour le Progrès de la Guinée), a tenu une conférence de presse ce 20 août, au siège national de son parti, dans une banlieue de Conakry, a vécu AfricaLog.com.

Il a dénoncé les massacres de Zogota, la répression de Siguiri ainsi que le silence du gouvernement sur la crise que traversent les travailleurs de l’usine Rusal de Fria, première localité industrielle de la Guinée.

Parlant essentiellement du massacre de Zogota, Jean-Marie Doré n’a pas manqué d’exprimer sa colère et d’accuser le pouvoir d’avoir délibérément tué 5 villageois de ladite localité, entre «minuit trente et deux heures du matin».

On sait que ces villageois ont été tués mains nues, mais on ignorait des détails sur les circonstances de leur mort. Compte tenu des informations que dispose l’UPG, Jean-Marie déclare donc, «le moment venu pour éclairer l’opinion nationale et internationale. Pourquoi? Non seulement, il y a eu des déprédations couronnées malheureusement par des tueries planifiées et exécutées de sang de froid, mais parce qu’il est indispensable que de telles choses ne se répètent plus ni à Boké, ni à Labé ni à Kankan et encore moins en Forêt qui souffre d’une douleur intolérable de plusieurs sources» a-t-il martelé.

Arrêt sur les causes

Selon l’ancien Premier ministre, l’UPG, son parti, a mené des enquêtes qui indiquent que les cinq morts de Zogota ont été tués de façon macabre. Les habitants de Zogota vivent de l’agriculture. Le gouvernement qui a octroyé à VALE une convention pour l’exploitation du minerai de fer de la localité, leur a dit de quitter à condition d’une «indemnisation superficielle.»

Extrait des explications de Jean-Marie Doré: «On aurait dit déguerpissement, mais on a choisi indemnité superficielle, parce que le montant de l’indemnité est fonction de la superficie déguerpie. Vale a fait les chèques et a remis à l’autorité sous-préfectorale sous la supervision de l’autorité préfectorale avec l’œil vigilant du Gouverneur. Mais depuis, les paysans n’ont senti ni l’odeur, n’ont vu ni la couleur, n’ont pesé ni le poids de l’argent. Alors, en désespoir de cause, les paysans ont chargé le président de district du village de Zogota, d’aller voir le préfet et le prier de distribuer l’argent. Le président du district, (Niankoye Kolié Ndlr), est parti pour voir le préfet de N’Zérékoré, Hassan Sanoussy Camara. Celui-ci a demandé au chef du village de Zogota: de quel argent vous parlez. Il dit: L’argent pour le déguerpissement. Hasan Sanoussy lui rétorque: Je vous interdis de venir me parler de cette affaire. Je n’ai pas d’argent pour vous et ne revenez plus ici. Si vous revenez, ce qui vous arrivera sera terrible. Le président du district, en bon délégué, est parti rendre-compte en disant aux habitants de Zogota: Il semble que la situation devient plus difficile que nous le pensions, parce que le Préfet m’a dit qu’il n’a pas d’argent pour nous. Les paysans ont dit: Non, parce que tu ne comprends pas bien le français. Tu vas retourner avec le sous-préfet de Kobéla (d’où relève Zogota ndlr). Le président du district de Zogota retourne à N’Zérékoré avec le sous-préfet de Kobéla. Le préfet leur demande: qu’est-ce qui se passe? -Il se passe qu’on attend toujours l’argent. -Quel argent ? -L’argent du déguerpissement ! -Qu’est-ce que je t’ai dit l’autre jour? Je t’ai dit de ne plus mettre les pieds ici. Toi, le sous-préfet, tu représentes l’autorité de l’Etat, retourne à Kobéla. Celui-là, il va voir! On le met en prison. Le président du district de Zogota a été détenu pendant 24heures. Après, il retourne voir ses habitants qui ont dit: ou bien on nous rend nos terres, ou bien on paye nos indemnités. Et aussi bien que le préfet tient ce langage-là, nous allons interdire l’accès au site de la société.»

Jean-Marie Doré marque une pause avant de poursuivre: «Je suis pour le règne du droit. Partout où le droit est égratigné, nous devons veiller à dénoncer pour qu’il soit rétabli dans son intégrité afin de faciliter la cohabitation entre les hommes et les choses sur cette terre (...) Je ne suis pas d’accord qu’un citoyen se fasse justice(…)», et il continue: «Les paysans ont donc coupé des troncs d’arbre, pour joindre l’acte à la parole. Mais ils ne sont pas les seuls mis en cause. On leur avait dit que la priorité pour l’embauche serait accordée aux ressortissants de la localité. Le personnel non qualifié aurait la priorité sur tous les emplois. Au fur et à mesure que l’on s’approcherait des fonctions de cadres et d’ingénieurs, on accorderait la priorité aux locaux, à compétence égale avec les autres Guinéens …» Mais surprise! Lorsque les jeunes de Zogota se sont rendus au siège de la société pour être engagés, on leur dit de «payer entre 3 et 4 millions de francs guinéens, selon le niveau de l’emploi, puis on les refoule. Puisque ce sont des paysans, c’est rare dans cette zone qu’un paysan ait 4 millions sous la natte. Mais ce qui les énerve, ils voient sur le site, des bagas, des soussous, des malinkés, des diakankés, qui occupent les emplois qu’on peut mieux faire avec les gens de Zogota… Ils s’informent d’où viennent ces gens? Ils trouvent une liste sur laquelle le préfet propose 40 personnes, le gouverneur 40 personnes, le secrétaire général à l’administration 20 personnes. Et ces gens-là menacent la société de prendre leurs recommandés, sinon ils vont lui créer des difficultés. Donc, la société embauche les recommandés des autorités au grand dam des locaux qui exercent librement leur droit d’être embauchés par une société qui leur a pris leur terre… Ils sont désemparés. Voilà pourquoi, en plus des paysans, les jeunes de la sous-préfecture de Kobéla se sont fâchés. Et les deux colères se sont rencontrées le jour où les paysans ont commencé à barrer l’accès à la société. Certains énervés se sont attaqués aux installations de la société, ils ont incendié des contenairs, saccagé les ordinateurs et démolis beaucoup de choses. Au bruit de ces casses, le gouvernement a envoyé une délégation ministérielle de cinq membres, conduite par le ministre des Affaires étrangères, Edouard Niankoye Lamah, ressortissant de N’Zérékoré.»

Jean-Marie Doré se permet un jugement de valeur. «Cette délégation a commis une faute. Ils sont allés directement sur le site non pas dans le village pour rencontrer les autorités du moment, et se sont arrêtés où s’est passé la casse, sans aller s’informer auprès des paysans sur la cause de leur énervement. Là, ils se sont apitoyés sur les installations et ont dit que ça ne restera pas impuni. Le Président a dit: il faut qu’on fasse un exemple. Ce n’est pas normal.»

Les ministres ne se sont pas contentés de dire cela sur le site, ils sont allés à la radio rurale de N’Zérékoré pour le réaffirmer. «Alors que les gens avaient appris qu’il y a une délégation venue de Conakry. La déclaration des ministres à la radio rurale a confirmé la rumeur de la présence de la délégation qui n’a pris contact qu’avec les autorités administratives, qui ont une action nocive sur les activités économiques…», a poursuivi l’ex Premier ministre qui a ajouté: «C’est après leur déclaration à la radio qu’ils se rendent maintenant chez le président des sages, dans le quartier Dorota, à N’Zérékoré. Les jeunes qui avaient entendu la déclaration sont énervés. La concession du sage était remplie de jeunes énervés, excités, se sentant insultés et bafoués. Quand les ministres sont venus, ils lui ont dit avant de partir: Doyen, c’est le Président qui a dit qu’il faut faire un exemple. Les gens ont pensé que c’était une déclaration de mise en garde.»

Accusation et description des circonstances du massacre

Jean-Marie Doré a accusé la délégation ministérielle d’avoir planifié l’assassinat des cinq villageois de Zogota en ces termes: «C’est cette délégation-là qui, assurément, a planifié le massacre, sur l’ordre de qui à Conakry, je n’ai pas encore la preuve formelle, mais on suppose que les autorités locales ne peuvent pas se permettre d’envoyer l’armée sur un théâtre d’opération sans l’aval des autorités qui commandent et l’armée, et la gendarmerie et la Police.» Il y ajoute le préfet de N’Zérékoré qui aurait des complices tapis à l’ombre du pouvoir central à Conakry.

Selon M. Doré c’est dans la nuit du départ de la délégation ministérielle pour Conakry à 00h 30, dans des camions de police, de gendarmerie et de l’armée, venus de Macenta et de Guéckédou, qu’une équipe comprenant «un nombre indéterminé de militaires, de gendarmes et de policiers a débarqué dans le village de Zogota, mais s’est heurtée aux troncs d’arbres qui empêchent la circulation. Alors, ils sortent des tronçonneuses et commencent à scier les troncs d’arbres. Au vacarme provoqué par les tronçonneuses, les habitants de Zogota se réveillent. Ils demandent au président du district d’aller voir ce qui se passe. Dès qu’il se présente, on l’attrape. On commence à le frapper. On le ligote. On l’attache à un véhicule et on le traîne. On veut tirer, quelqu’un dit: non, si vous tirez, les balles ne rentreront pas. Il faut prendre le couteau qu’il a sur lui pour l’égorger. Mais avant de l’égorger, on lui tape sur les testicules, (Jean-Marie Doré s’excuse auprès des dames, ndlr).» Et de poursuivre: «Après, on l’égorge comme un mouton de tabaski, d’une oreille à l’autre». Emotion dans la salle. Jean-Marie Doré estime qu’il faut dénoncer l’acte, car, on ne «doit pas tuer un Guinéen, si ce n’est que la loi qui l’ordonne. Et la loi ne l’ordonne que par la bouche du juge. C’est ça l’Etat de droit. Quelque soit le crime d’un citoyen, il faut qu’il soit jugé conformément à la loi et que les voies de recours soient épuisées…»

Reprenant sa narration des détails du massacre de Zogota, l’orateur a expliqué: «Le frère du président du district qui le suivait est pris aussi, ligoté. Des gens, (guides qu’on a pris pour leur connaissance des lieux ndlr), ont dit aux militaires: Lui, vous ne pouvez pas le tuer en le tirant n’importe où. Il faut le tirer à l’œil. Ainsi dit, ainsi fait. Et on tue trois autres personnes dans des conditions horribles. (Or le militaire n’a pas la mission d’arrêter des gens, cette mission revient à la Police et à la Gendarmerie, mais qui ont aussi des limites. En Guinée, à partir de 18h, on ne peut plus arrêter un citoyen jusqu’à 6h du matin.)» Jean-Marie Doré indique qu’une sixième victime, faite prisonnière après l’assassinat des cinq villageois, a succombé des suites de la torture qu’elle a subi. Elle aurait été ligotée, torturée, de Zogota au camp militaire de N’Zérékoré, soit sur une distance de plus de 65 kilomètres. Une trentaine de gens ont été arrêtés alors qu’ils avaient été réveillés par des coups de feu et voulaient savoir ce qui se passait, déclare Jean-Marie Doré, selon lequel ces informations lui auraient été livrées par des sources bien informées.

Demande de sanction

L’ancien Premier ministre qui accuse Hassane Sanoussi Camara, le Préfet de N’Zérékoré qui serait en complicité avec des responsables à Conakry, a déclaré qu’il faut identifier, les commanditaires, les punir à la hauteur de leur faute parce que l’acte est irréparable et constitue «une soustraction frauduleuse et criminelle dans le potentiel humain de la patrie. Il faut punir ceux qui ont fait cela. Il faut punir ceux qui ont planifié cela. Il faut punir ceux qui ont ordonné cela.»

Des réactions violentes en l’air

Et de marteler qu’il va dénoncer la violation «frontale, flagrante, ostentatoire des droits humains en Guinée.» Il se dit révolté: «ce qui est révoltant dans cette affaire, on a le sentiment que les autorités gouvernementales méprisent les Forestiers. Ce n’est pas bien ça. Parce que chacune de nos populations régionales a ses qualités et ses défauts. Le Forestier ne réagit pas immédiatement, mais quand vous l’acculez, alors le retour du bâton n’est pas bien…», a-t-il soutenu avant de parler de dénoncer la répression de Siguiri, la situation de la crise à l’usine d’Alumine de Rusal à Fria. Nous y reviendrons!

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