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Le "Cri de cœur" de Rabiatou Sérah Diallo

Aug 27, 2012
Le "Cri de cœur" de Rabiatou Sérah Diallo

«Je n’ai pas peur d’Alpha Condé», lance, à la surprise des membres du CNT réunis en plénière, leur Présidente. «Personne ne me fera démissionner. Même le président de la République ne peut rien», lâche-t-elle avec assurance. «C’est le cri de cœur d’une personne qui a participé à la confection jusqu’à l’accouchement de la démocratie dans notre pays», martèle Hadja Rabi.

Incroyable mais vrai, Hadja Rabiatou Sérah Diallo a exprimé son ras-le-bol vis-à-vis du Pr. Alpha Condé, le samedi 25 août. C’était à la faveur de la plénière du Conseil National de la Transition (CNT) dont elle est la Présidente.

La "dame de fer" du syndicalisme guinéen entendait par cette action, dénoncer ce que des observateurs qualifient de «virulence infondée» contre sa personne par certains politiciens, notamment. Une sortie de Rabi qualifiée, par ailleurs, d’inopportune, car la cible choisie n’étant pas la mieux indiquée, Alpha Condé.

Il faut souligner que cette expression de colère de Hadja Rabi est consécutive aux réactions qui ont suivi à la remise du document de sortie de crise que les représentants des Institutions républicaines, sous sa direction, ont produit et remis, il y a une semaine, au Président de la République.

La question que l’on se pose à présent, est-ce que cette attaque, car c’en est une, de la Présidente du CNT était vraiment opportune à l’encontre du Chef de l’Etat ( ?)

Pour les uns, c’est oui. Pour les autres, non. Chacun avançant des arguments en fonction de sa perception de la situation. Et pour cause. Les acharnements contre Rabi seraient plutôt du côté de l’opposition politique.

Deux (2) faits majeurs expliqueraient le comportement de la bonne dame à l’encontre du Président qu’elle était sensée, jusqu’à maintenant, protégé ou du moins à qui elle a accordé un état de grâce que beaucoup prenait pour une «peur» vis-à-vis de lui.

- le premier est la réaction du Chef de l’Etat lorqu’il lui a été remis le mémorandum. Alpha Condé aurait deux observations majeures dont une très acerbe que n’aurait pas appréciées la délégation de repréentants d’Institutions républicaines qui étaient en compagnie de Rabi.

- à la vue du dernier paragraphe du document, il n’a pas dû apprécier le nom de Dr Makalé Traoré, pourtant sa directrice de campagne présidentielle: «qu’est-ce que le nom de cette (…)».

On a préféré se passer du terme utilisé par Alpha, par respect pour notre lectorat. Il a demandé que soit biffer le nom de cette dernière, sinon qu’il ne recevrait pas le mémorandum. «Mais, il a gardé quand même son texte. Et c’est lui, Alpha qui a fait publier ledit texte sur le Net. Même les membres du CNT, par exemple, n’ont pas eu accès au document signé. Il n’y a eu que deux copies qui se trouvaient avec la Présidente qui n’a voulu donner en exemplaire à personne», a rapporté une source proche du CNT.

Avec la remarque qu’il venait ainsi de faire à Rabi par rapport au nom de Dr Makalé, est une raison suffisante pour que la Présidente du CNT ne fasse pas publier le texte.

- le deuxième fait majeur, il a dit ouvertement à Rabi, qu’il ne veut pas aller dans un accord politique parce qu’il sait que ça n’aboutirait pas. Alpha a dit que si on veut aller rapidement aux élections, d’éviter cette voie-là. Comme pour dire qu’il ne s’entendra pas avec les autres de la classe politique.

La seule voie qu’il choisit, c’est celle de la loi. Ou, le CNT prend une loi d’habilitation qui lui permet de légiférer par ordonnance.

Un analyste d’interpréter: «En réalité, ce qu’il voulait dire, c’est de légiférer par ordonnance».

Notre interlocuteur de révéler: «les représentants du CES, du CNC et Mgr David Gomez, 2ème Vice-président du CNT, avaient mis Hadja Rabi en minorité pour accepter le principe [par rapport au souhait du Président de la République]. Mais Rabi n’a pas accepté. C’est pour cela qu’on a mis la loi en lieu et place de loi d’habilitation». En réalité, ce serait une violation de la constitution par le Président Alpha.

Pour revenir à la seconde partie de la session plénière du CNT, samedi, qui était réuni pour la ratification de deux projets de lois relatives au Fonds Monétaire International (FMI): l’un sur la révision générale des quotes-parts, l’autre sur un amendement visant la réforme du Conseil d’Administration des Fonds Monétaire International (FMI), Rabi a pris la parole.

C’est donc, au cours de cette prise de parole pendant laquelle devait être fait le compte-rendu des activités menées ces derniers temps, notamment les démarches des Institutions républicaines ayant abouti à la rédaction du mémorandum de sortie de crise.

Ainsi, la "dame de fer" qui a sur la conscience les attaques qui fusent depuis un certain temps contre sa personne face à sa «mollesse» à s’impliquer ou à se faire entendre la voix pour une sortie de la situation de blocage dans laquelle le pays se trouve, Hadja Rabi introduit, en des termes patriotiques: «Je vous dis aujourd’hui, j’ai honte que la Côte d’Ivoire, la Libye, le Sénégal ont fini d’organiser leurs élections. Je voudrais vous dire ici que j’ai un parti. Mon parti, c’est la Guinée. Et moi, en tant que Présidente d’une institution, un pouvoir exécutif est élu, nous reconnaissons un Président de la République, je ne peux pas travailler indirectement sans aller le voir. Tu peux ne pas aimer Alpha, mais c’est lui que Dieu nous a donné pour le moment. Moi, je ne cire pas les chaussures de quelqu’un. Vous ne me verrez dans aucun département. Je ne pars pas à la présidence si je n’y suis pas invitée».

Et le ton de monter, soudain: «Je n’ai pas peur d’Alpha Condé. Je n’ai pas peur de lui. Je n’ai pas besoin de me glorifier».

Elle temporise le ton: «Je ne rends pas visite à un parti politique. Moi, c’est le pays qui m’intéresse. C’est cette population qui souffre pour avoir ses acquis. Le pays souffre. Si dans mon intervention, j’ai vexé un d’entre vous, je prie de m’en excuser. C’est le cri de cœur d’une personne qui a participé à la confection jusqu’à l’accouchement de la démocratie dans notre pays».

Et elle repart: «Ces derniers temps, j’ai entendu beaucoup de choses : que Rabi a trahi la nation. Qu’elle doit démissionner. Personne ne me fera démissionner. Je ne démissionne pas. J’ai une origine qui est le mouvement social. Seul le syndicat ou la CNTG [Confédération nationale des travailleurs de Guinée, NDLR] peut me dire de démissionner et que je démissionne. Même le président de la République ne peut rien. Mais, aujourd’hui à la minute, pour la paix dans ce pays, si le peuple me le demande, je vais le faire. Ma centrale syndicale me le demande, je vais le faire. Mais une autre personne me le demande, je ne démissionnerai pas».

Pour celui qui suit les actualités politiques en Guinée, ce que la Présidente du CNT qualifie de «cri de cœur», peut surprendre. Elle qui se trouvait dans l’antichambre de la peur la veille de la prestation de serment du Président Alpha Condé et celle qui s’exprime ainsi aujourd’hui, on voit que beaucoup d’eau aura coulé sous le pont. Elle a été vraiment bien conditionnée pour oser hausser le ton aujourd’hui. On se souvient de son gémissement le jour du retour du général Sékouba Konaté de Rabat, alors qu’il rentrait au pays pour la cérémonie de passation de pouvoir au nouvel élu des Guinéens, Alpha Condé.

Ce jour, à l’aéroport, le Président [encore] de la transition a eu des mots durs, on s’en souvient à l’encontre du Ministre de l’Economie et des Finances [de l’époque et actuel, car il a été reconduit], Kerfalla Yansané, lorsque ce dernier, sur instruction du Président-élu Alpha Condé, le Premier-ministre du gouvernement de transition, Jean Marie Doré avait demandé de bloquer toutes les sorties d’argent. On connait la suite.

Et, ce jour, on voyait une Rabiatou Sérah, craignant à coup sûr pour son avenir politique, approcher des diplomates occidentaux et faire des jérémiades: «vous m’avez abandonnée, vous m’avez abandonnée, … ».

Et sachant sa proximité d’avec le leader de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo, elle a passé toute la première année du mandat du Pr. Alpha Condé dans la crainte d’être débarquée du jour au lendemain, au gré de l’humeur de ce dernier. Elle oubliait qu’elle avait une arme redoutable qui la "légitimait" et qu’il n’est pas facile de la débarquer: la constitution.

Après avoir été bien préparée par certains juristes éminents, Rabi se rend compte finalement et elle l’exprime aujourd’hui: «Je n’ai pas peur d’Alpha Condé. Je n’ai pas peur de lui. Personne ne me fera démissionner. Je ne démissionne pas. Même le président de la République ne peut rien».

Où était-elle lorsque le Président Alpha Condé violait la Constitution dans ses dispositions, au point qu’il soit accusé de parjure?

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