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Rapport synthèse sur la crise scolaire à Labé

Nov 05, 2012
Rapport synthèse sur la crise scolaire à Labé

Récemment, des manifestations d’élèves de la Préfecture de Labé ont été enregistrées suite à la mutation des chefs d’établissements du lycée "général Lansana Conté", du lycée Hoggo M’Bouro et du collège Konkola. Affectation que les élèves ont vite fait d’assimiler à «des limogeages pour raison politique».

A travers ces manifestations, les élèves réclamaient ainsi le retour à leurs postes respectifs des chefs d’établissements déplacés.

Afin de parer au plus pressé et au regard de la tournure qu’avaient commencé à prendre les choses, une Commission Indépendante de Médiation sur ladite crise, qui y sévit depuis le 25 octobre, a été mise sur pied.

Ladite Commission a terminé son travail. Le document est adressé au Ministre de l’Enseignement Pré-Universitaire et de l’Education Civique, qui est signataire de l‘acte d’affectations à travers la décision n° 2012/427/MEPU-EC/CAB/DRH du 15 octobre 2012.

Votre site s’est procuré une copie dudit document:

«Introduction

Dans l’après-midi du Lundi 29 octobre 2012, le Préfet de Labé a organisé une réunion de concertation autour de la crise scolaire qui sévit à Labé depuis le 25 octobre 2012.

L’objectif de la rencontre est d’explorer ensemble les solutions de sortie de crise. En effet, les 25 et 29 octobre 2012 les élèves des établissements scolaires de Labé sont descendus dans la rue pour protester contre la décision n° 2012/427/MEPU-EC/CAB/DRH du 15 octobre 2012 portant, entre autres, sur l’affectation de:

- Mme Mariama Tata Bah de son poste de proviseur du lycée Général Lansana Conté à l’Inspection Régionale de Labé,
- Monsieur Boubacar Taran Diallo précédemment proviseur du lycée Hoggo M’Bouro – DPE Labé dans les mêmes fonctions au lycée de Koubia – DPE Koubia et
- Monsieur Mamadou Saliou Diallo précédemment principal du collège Konkola – DPE Labé mis à la disposition de l’Inspection Régionale de l’Education de Labé.
Cette réunion de concertation a regroupé 71 participants représentant les structures ci- après : l’administration scolaire, les coordinations des APEAE, l’intersyndicale de l’éducation, la société civile, la section de l’OGDH de Labé, les partis politiques évoluant à Labé, le conseil communal, les comités de coordination des lycées de Hoggo M’bouro, Général Lansana Conté et de Wouro et le projet ‘’La Baïonnette Intelligente’’.

A l’issue de cette rencontre, une Commission Indépendante de médiation a été mise sur pied par décision N°092 en date du 29 octobre 2012, chargée d’explorer les solutions de sortie de crise. Cette commission indépendante est composée de :
1. Elhadj Amadou Thiam, Maire de la Commune Urbaine (Président de la commission),
2. Monsieur Aboubacar Souaré, Conseiller Technique du projet ‘’La Baïonnette Intelligente’’ (modérateur/rapporteur),
3. Elhadj Bhoye Barry, Intersyndicale de l’éducation
4. Monsieur Idrissa Sampiring Diallo, section OGDH de Labé
5. Monsieur Alpha Ousmane Diallo, Intersyndicale de l’éducation
6. Monsieur Mamadou Maladho Diallo, CROSC (Conseil Régional des Organisations de la Société Civile)
7. Monsieur Alpha Oumar Moromy Diallo, CR/APEAE
Le mandat confié à cette commission indépendante a consisté à rencontrer les comités de coordination des élèves des lycées cités plus haut, les APEAE et les trois chefs d’établissement mutés en vue d’explorer les solutions de sortie de crise.
1- Rencontre avec les représentants des coordinations des élèves :
La Commission Indépendante de Médiation a siégé le lundi, 29 octobre 2012, de 18h à 22h, dans les locaux du projet ‘’La Baïonnette Intelligente’’ sis au quartier Kouroula dans la Commune Urbaine de Labé, avec les représentants des coordinations scolaires sus- mentionnées.
Les échanges ont porté sur les causes des manifestations et les pistes de solution pour la sortie de crise.

1.1. Les causes des manifestations

Selon les représentants des coordinations scolaires, les élèves ont été choqués par la mutation des chefs d’établissements du lycée Général Lansana Conté, du lycée Hoggo M’Bouro et du collège Konkola. Pour eux, cette mutation aurait des dessous politiques et serait ciblée. En effet, seuls six cadres de l’IRE de Labé sont concernés par la décision du Ministre. Cette décision est datée du 15 Octobre, alors que les cours ont déjà commencé. Mme Mariama Tata Bah, proviseur du lycée Général Lansana Conté, en particulier, a été victime de harcèlement politique de la part du DPE et de l’IRE de Labé dans le but de l’obliger à adhérer au parti RPG Arc-en-ciel.
Par ailleurs, les élèves ne comprennent pas qu’on destitue des chefs d’établissements qui ont fait preuve de compétence dans la gestion de leurs écoles respectives. A leurs yeux les bons résultats enregistrés à Labé au cours des deux dernières années lors des examens sont dus à leur engagement.

1.2. Les pistes de solution

D’après les élèves, pour une sortie de crise, il est nécessaire que les autorités régionales et préfectorales sollicitent auprès du Ministre de l’Enseignement pré-universitaire et de l’éducation civique qu’il rétablisse les chefs d’établissements mutés à leurs postes antérieurs en faveur de la paix sociale dans la préfecture de Labé.

En vue de permettre aux autorités régionales et préfectorales de Labé de négocier la sortie pacifique de crise avec le Ministre concerné, les élèves, à travers les représentants de leurs coordinations, s’engagent à observer une période de trêve de dix jours ouvrables allant du Mercredi 31 octobre 2012 au mardi 13 novembre 2012. Pendant cette période, ils s’engagent à reprendre les cours. En contrepartie, ils demandent aux autorités régionales et préfectorales de l’éducation de surseoir à toute passation de service dans les trois établissements concernés.

Un communiqué de trêve de 10 jours ouvrables (du 31 octobre au 13 novembre 2012) invitant les élèves de Labé à reprendre les cours a été rédigé par les coordinations des élèves, les APEAE, l’Intersyndicale de l’Education, la Société Civile et la Section OGDH de Labé et diffusé dans la soirée du mardi 30 octobre 2012. Suite à ce communiqué, les cours ont effectivement repris le mercredi 31 octobre 2012.

2- Rencontre avec les chefs d’établissement concernés

Mardi le 30 octobre 2012, entre 10h et 15h, la Commission Indépendante de Médiation s’est entretenue avec deux sur trois des chefs d’établissements concernés, en l’occurrence Mme Mariama Tata Bah et Mr Boubacar Taran Diallo respectivement proviseurs des lycées Général Lansana Conté et Hoggo M’Bouro, le principal du Collège Konkola, Mr Mamadou Saliou Diallo, étant en ce moment en pèlerinage à la Mecque. Il ressort des entretiens ce qui suit:

- Mme Mariama Tata Bah affirme avoir été victime d’un harcèlement politique acharné de la part du DPE et de l’IRE depuis leur prise de service à Labé en 2011, harcèlement qui a consisté à exercer une pression sur elle pour l’obliger à rejoindre le RPG-Arc-en-ciel. En diverses circonstances, à son bureau, au bureau du DPE comme celui de l’IRE, à son domicile propre et à celui du DPE, le DPE et l’IRE ont combiné conseils et menaces, l’accusant dans un premier temps d’avoir proféré des injures à l’endroit du Chef de l’Etat sur les antennes de la Radio Espace Foutah, la disculpant dans un second temps de cette accusation tout en ‘’l’invitant’’ à rejoindre le parti au pouvoir sous peine de perdre sa quiétude et son poste.

- Mr Boubacar Taran Diallo a expliqué à la commission qu’il lui a été reproché par le DPE et l’IRE d’avoir pris sur lui l’initiative de recevoir une colonie de vacances en provenance du Sénégal sans l’autorisation des autorités compétentes alors que rien ne prouverait son engagement dans cette affaire. Par ailleurs, l’IRE organise une kermesse dans l’enceinte de son établissement sans l’en informer et lui reproche par la suite l’échec de ladite kermesse qui n’aurait rapporté que 600.000 Francs Guinéens au lieu de 12.000. 000 escomptés. Et lors d’une rencontre préparatoire de la rentrée des classes 2012-2013, l’Inspecteur Régional de l’Education aurait signifié à toute l’assistance qu’il n’approchera que ceux qui sont du même bord politique que lui et que quiconque n’est pas de ce bord sera muté hors de la commune urbaine de Labé. Voilà que Boubacar Taran se retrouve muté à Koubia, malgré les résultats excellents auxquels il est parvenu durant les deux dernières années (57,73 % en 2012).

3- Rencontre avec les APEAE

Cette rencontre a eu lieu dans l’après-midi du 30 octobre 2012 dans la salle de réunion du projet «La Baïonnette Intelligente».

3.1. Les causes des manifestations

Selon les responsables des APEAE, les causes des manifestations se situent à deux niveaux. D’un côté, les mutations des chefs d’établissement de Hoggo M’Bouro, Général Lansana Conté et Konkola se présentent comme les conséquences d’un règlement de compte politique. Le Président du bureau de l’APEAE du lycée Général Lansana Conté affirme avoir trouvé le DPE et l’IRE de Labé au domicile de Mme Mariama Tata Bah. Les raisons de leur visite seraient une tentative de la forcer à rejoindre le RPG-Arc-en-ciel si elle tient à rester en paix et à sauvegarder son poste. De l’autre, la colère des élèves s’expliquerait par le fait que des informations de presse ont révélé que le SAAF, en complicité avec son chef, le DPE a été pris sur le vif en train de vendre des fournitures scolaires au siège de la DPE, un dimanche par des policiers. A ce sujet, le Président de la coordination régionale des APEAE de Labé affirme avoir appris de l’IRE de Labé en date du 11 octobre 2012 lors d’une réunion interne que le SAAF a reconnu s’être rendu coupable de vol de cahiers et a été entendu sur PV à la Sûreté Régionale de Labé.

3.2. Pistes de solution:

Aux yeux des responsables des APEAE, la solution à la crise scolaire à Labé réside dans le rétablissement à leurs postes des Proviseurs des Lycées Général Lansana Conté et Hoggo M’Bouro et du Principal du Collège Konkola qui ont fait preuve d’efficacité, d’engagement et de rigueur dans l’encadrement des élèves et qui ont obtenu de brillants résultats aux examens nationaux au cours des deux dernières années. Ils considèrent cette mesure comme étant la condition pour la restauration de la paix sociale à Labé. Sans cette mesure et passée la période de trêve, il sera impossible de maîtriser les manifestations de rue qui vont se déclencher inévitablement.

4- Analyse des résultats

La première question qui s’impose à l’esprit, c’est pourquoi une décision d’affectation d’enseignants (acte administratif en principe banal) suscite-t-elle tant d’émoi et de tumulte et plonge toute une Commune Urbaine, chef-lieu de région administrative, dans le désarroi?

Les informations recueillies par la Commission et une lecture attentive des évènements mettent en évidence les enjeux politiques de cette décision ministérielle d’affection. En effet un cadre de la sécurité de Labé abordé sur cette question déclare spontanément: «On a remplacé un cadre de l’UFDG par un cadre de l’UFDG. Où est le problème ?». Aussi au cours de la réunion de concertation organisée par le Préfet de Labé sur la crise scolaire à Labé, il s’observait un ping-pong entre deux camps manifestement adverses : d’un côté les partisans du RPG-Arc-en-ciel qui se sont acharnés à défendre la position suivante : l’affectation d’un fonctionnaire est chose normale dans une administration et la décision d’un Ministre est irréversible. De l’autre, des représentants de la société civile qui ont perçu une sanction enveloppée habilement dans une décision d’affectation. Et l’observation du cadre de la sécurité et la polémique entre ces deux camps adverses révèlent le caractère éminemment politique de cette décision qui, du reste, est prise après que les cours aient commencé.

En outre, les chefs d’établissement de la Commune Urbaine concernés par ladite décision jouissent de l’estime des élèves et de leurs parents en raison des bons résultats scolaires attribuée à leur compétence et à leur engagement. Il se trouve que leur affectation n’a pas un caractère promotionnel mais revêt plutôt celui d’une «mise au garage».

Et les témoignages de harcèlement politique particulièrement sévère à l’endroit du proviseur du Lycée Général Lansana Conté (Mme Mariama Tata Bah militante connue de l’UFDG) dénotent le caractère punitif de la décision d’affectation.

On remarquera que c’est pour la première fois à Labé qu’une décision d’affectation d’enseignants pousse les élèves à descendre dans les rues pour dire leur indignation. Et pour que des élèves prennent un tel risque (des gendarmes ont déjà saccagé le Lycée Hoggo M’Bouro, brutalisant proviseur et élèves, le 17 février 2012), c’est qu’ils sont persuadés que ces enseignants sont dévoués pour leur réussite.

La deuxième question qui se pose c’est pourquoi le vol présumé des fournitures scolaires par le Directeur Préfectoral de l’Education de Labé et le Chef Section des Affaires Administratives et Financières (ce dernier a été entendu par la Sûreté de Labé sur PV) n’a pas donné lieu à l’ouverture d’une instruction judiciaire afin d’inculper ou de disculper les présumés coupables.

Une telle mesure est indispensable pour restaurer la moralité de l’institution éducative autour de laquelle circulent des rumeurs disqualifiantes du genre : maintenant l’école est dirigée par des voleurs ou ils ne veulent pas que nos enfants réussissent. Ceux-là mêmes sur qui pèsent le soupçon de vol ne devraient-ils pas demander cette instruction judiciaire pour mettre fin à ces rumeurs et réhabiliter éventuellement leur image aux yeux de la population?

Par ailleurs, les élèves de Labé ont montré qu’ils sont bien organisés et soucieux de leur réussite scolaire. Ils savent ce qu’ils veulent. Ils ont accepté une trêve et ont repris immédiatement les cours. Mais cette trêve ne signifie pas la fin de leurs revendications. Et ce n’est pas un déploiement d’actions répressives qui résoudra la crise scolaire à Labé. Un tel déploiement ne fera que détruire la confiance des enfants dans les institutions de leur pays et dans le changement démocratique annoncé.

Conclusion et Recommandations

La Commission Indépendante de Médiation félicite le Préfet de Labé pour son initiative en faveur de la restauration de la paix et remercie les acteurs rencontrés pour leur bonne volonté et leur franche collaboration. Elle se félicite des résultats immédiats enregistrés à savoir l’observation d’une trêve de 10 jours ouvrables et le retour des élèves en classe.

Toutefois, au regard de ce qui précède, la Commission recommande aux autorités préfectorales et régionales de Labé de diligenter les négociations avec le Ministre de l’Enseignement Pré-Universitaire et de l’Education Civique pour une satisfaction rapide des revendications formulées à savoir le retour à leurs postes des chefs d’établissement de Labé mutés. Cette mesure s’impose à cause des dessous politiques qui semblent avoir motivé les mutations.

La non satisfaction des revendications mettrait en péril la paix sociale avec des conséquences imprévisibles. Il est à craindre que la reprise des manifestations à Labé entraîne des troubles dans d’autres villes du pays et donne lieu à des violences qui vont traumatiser les enfants du pays, victimes innocentes des oppressions politiques.

En attendant, qu’au besoin, une enquête menée par une commission professionnelle indépendante soit organisée pour faire la lumière sur cette affaire, la Commission demande aux autorités de Labé de prendre toutes les dispositions utiles pour protéger les milieux scolaires des manipulations politiciennes.

La Commission Indépendante de Médiation déconseille toute réponse brutale aux revendications des élèves. Une réponse brutale ne fera que radicaliser leur position et détruire leur confiance envers le système politique en place. On ne devrait pas oublier que seule une jeunesse critique est capable de préserver le pays de l’enlisement politique et de participer à la construction de la démocratie.

Enfin, en cette phase d’apprentissage de la démocratie, il est important de respecter le droit à la manifestation consacré par l’article 10 de la Constitution et le droit pour tout citoyen d’adhérer librement et volontairement à un parti politique de son choix.
Fait à Labé, le 31 octobre 2012
La Commission»

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