L'ex-ministre de l'Intérieur gabonais André Mba Obame, arrivé deuxième à l'élection présidentielle mais qui revendique la victoire, assure qu'il sera bel et bien "président" du Gabon et dénonce une dérive sécuritaire du gouvernement.
"Je serai président de la République. Je ne peux pas dire dans combien de temps mais tant que je ne trahis pas l'immense confiance du peuple gabonais, l'issue est inéluctable", affirme André Mba Obame, 52 ans, surnommé "AMO". Comme l'opposant Pierre Mamboundou, arrivé 3e, il réside actuellement dans un "lieu sûr" où il a reçu l'AFP. "Je suis prêt à accepter toutes les tracasseries, les provocations. Je m'expose à des tentatives d'assassinat, à des complots. Les risques sont énormes. J'ai scellé un contrat avec le peuple gabonais, j'irai jusqu'au bout", déclare-t-il, un brin théâtral. AMO écarte toute possibilité de négociation avec son ancien meilleur ami, Ali Bongo, fils du président Omar Bongo décédé en juin, et vainqueur officiel du scrutin: "Les petits arrangements sous la table, les petites propositions à la sauvette, ça ne m'intéresse pas". M. Mba Obame dément également avoir constitué un "gouvernement de résistance avec M. Mamboundou comme Premier ministre", comme l'a indiqué la Lettre du Continent. "Ca ne correspond pas à ma logique républicaine de combat". "Clairement, j'ai gagné l'élection. La Cénap (commission électorale) n'a pas fait son travail jusqu'au bout, qu'elle le termine", dit-il. Lointain outsider au début de la campagne, il est arrivé premier candidat de l'opposition. Deuxième avec 25,88% des suffrages selon le résultat officiel, M. Mba Obame veut déposer avant samedi un recours pour tenter d'invalider l'élection d'Ali Bongo, crédité de 41,73% des voix. "Quelqu'un qui a vocation à diriger un pays doit croire en ses institutions. Des gens me disent que je donne le bâton pour que la Cour me batte, qu'elle ne lira pas le Droit. Si elle lit le Droit, elle ne peut que me donner raison. Les faits sont éclatants. On a débusqué beaucoup de fraudes. Les mécanismes de la fraude sont mis à nu". L'ancien ministre de l'Intérieur (2005 à juin 2009), qui avait été souvent critiqué par la société civile, affirme que les libertés individuelles sont en danger. "En quelques jours, on a connu une régression. (Avant) on n'allait pas chez les gens, les interroger sans raison, les garder sans raison. Même à l'époque du parti unique, cela ne se passait pas comme ça. Le bilan des violences politiques, la dizaine de morts dont on parle à Port-Gentil, c'est plus qu'en 42 ans sous le régime du président (Omar) Bongo", accuse M. Mba Obame, dont deux collaborateurs ont été arrêtés samedi. "On n'a pas de nouvelles depuis. Personne peut les approcher. Ca, c'est le Gabon maintenant. On (les autorités) a des comptes à rendre à personne, on interroge, on torture, on peut même tuer à huis clos. Personne n'a le droit à une explication". "C'est lui (Ali Bongo) qui dirige le pays, c'est le président de fait. Même avant le coup d'état électoral, c'était déjà lui", déclare-t-il. Malgré l'échec de la récente opération ville morte lancée par l'opposition, M. Mba Obame pense que "les gens se sont mobilisés pour l'élection. Il a suffi d'un coup de force pour que cette volonté de changement soit confisquée. Les gens n'acceptent pas et ne l'accepteront pas de sitôt." "Les gens estiment que +ville morte+, c'était timoré. Ils veulent des actions plus fortes, en découdre. Des gens attendent des mots d'ordre de violence, je me refuse à les donner. On ne veut pas exposer les vies des Gabonais", promet M. Mba Obame. "Ceux qui disent +On a gagné, et c'est fini+, ne savent pas ce qui se passe dans le pays", prévient-il. - AFP