Trois ténors de l'opposition sénégalaise ont été investis mercredi à Dakar candidats à la présidentielle de février, signe de la désunion dans le camp contestant la candidature du président Abdoulaye Wade, 85 ans, au pouvoir depuis douze ans, qui se représente pour un nouveau mandat.
Devant des milliers de leurs partisans, ont été investis Ousmane Tanor Dieng, leader du Parti socialiste (PS), parti qui a dirigé le Sénégal de 1960 à 2000, et deux ex-Premiers ministres du président Wade, Idrissa Seck, de la coalition "Idy4president" et Moustapha Niasse, de l'Alliance des forces de progrès (AFP).
M. Tanor Dieng a affirmé avoir "conscience de la tâche immense" qui l'attendait pour "redresser le pays", victime selon lui de la "gouvernance calamiteuse" de Wade, au pouvoir depuis 2000, qui n'a "même pas été capable de préserver les acquis démocratiques, économiques et sociaux".
Idrissa Seck a dit accepter avec "humilité" son investiture "pour briser les chaînes du désespoir" dans son pays où "les bols sont vides", où "les enfants en haillons" sont toujours plus nombreux dans les rues de Dakar, où "nos jeunes et vaillants militaires mal équipés se font tuer tous les jours et prendre en otage en Casamance", région sud du Sénégal en proie à une rébellion armée.
"Le Sénégal ne peut pas être condamné à un tel destin de misère, d'asservissement et d'injustice", a-t-il affirmé.
Moustapha Niasse, entouré de plusieurs opposants historiques, a également sévèrement critiqué le bilan du président Wade.
Jusqu'au 2 décembre, MM. Tanor Dieng et Niasse concouraient pour une candidature unique de ce qui était alors la plus grande coalition d'opposition, Benno Siggil Sénégal (S'unir pour un Sénégal debout).
Mais après la désignation de M. Niasse comme candidat de Benno Siggil, M. Tanor Dieng annonçait qu'il maintenait sa candidature. C'en était fini du rêve d'une candidature unique d'un vaste pan de l'opposition.
Quant à Idrissa Seck, ancien homme de confiance du chef de l'Etat au point d'être considéré comme son "fils spirituel", il en est devenu un des plus farouches adversaires après avoir été écarté du pouvoir et en butte à la justice pour "malversations financières", accusation dont il a été lavé.
Un but, en finir avec Wade
Ces candidatures s'ajoutent à celles d'un autre ancien Premier ministre de Wade, Macky Sall, de Youssou Ndour, star internationale de la chanson, ainsi que d'une quinzaine d'autres petits candidats.
La liste des candidats retenus sera publiée fin janvier par le Conseil constitutionnel, un mois avant le premier tour du 26 février.
Dans l'incapacité de s'unir face à lui, le seul point commun de l'ensemble des candidats est pourtant de vouloir en finir avec le règne du président Wade, investi le 23 décembre candidat à sa réélection par le Parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir).
Réélu en 2007 pour cinq ans après une réforme constitutionnelle en 2001 qui a institué un quinquennat renouvelable une fois, M. Wade se représente cette fois pour sept ans après le rétablissement du septennat en 2008.
Désunis mais pour la plupart membres du Mouvement du 23 juin (M23), une soixantaine de partis d'opposition et d'organisations de la société civile, estiment qu'il a déjà épuisé ses deux mandats légaux.
Ses partisans affirment que le décompte doit se faire à partir de 2007, sur la base de la nouvelle Constitution de 2001.
Les nouvelles investitures ont eu lieu deux semaines après des violences politiques au cours desquelles un dirigeant socialiste, Barthélémy Dias, a tué par balle un partisan du PDS, affirmant avoir agi en "légitime défense" au moment où sa mairie d'un quartier de Dakar était attaquée par des "nervis" du pouvoir. – AfricaLog avec AFP