La France et l'Iran ont scellé leur réconciliation lors de la visite mercredi à Téhéran du ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius qui a transmis une invitation au président iranien Hassan Rohani à se rendre à Paris.
Deux semaines après la signature d'un accord nucléaire conclu à Vienne entre l'Iran et les grandes puissances, dont la France, M. Fabius est le premier ministre des Affaires étrangères français à se rendre en Iran en 12 ans.
«Je suis porteur d'une invitation de la part du président de la République française au président iranien à se rendre en France, s'il le veut bien, au mois de novembre», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse commune avec son homologue iranien Mohammad Javad Zarif.
«Si j'avais à résumer en deux termes le sens et l'état d'esprit dans lequel j'accomplis cette visite, je dirais le respect et la relance», a ajouté le ministre français.
«Nous sommes deux grands pays indépendants, la France respecte l'Iran, sa culture, son rôle dans l'histoire (...) et ses souffrances, je pense aux souffrances qui ont été éprouvées pendant la guerre Iran-Irak (1980 - 1988), a ajouté M. Fabius.
M. Zarif, confirmant la relance d'un «dialogue politique au niveau ministériel» entre les deux pays, a indiqué qu'il porterait notamment sur «la lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue».
Il a souligné qu'après l'accord nucléaire de Vienne, Paris et Téhéran allaient «amorcer un nouveau chapitre dans le sens de l'intérêt commun».
M. Fabius a également évoqué le «respect que nous devons les uns et les autres aux engagements pris» lors de l'accord nucléaire conclu le 14 juillet entre l'Iran d'une part, et les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, la Chine, la Russie et l'Allemagne de l'autre.
Cet accord, obtenu après plusieurs années de difficiles négociations, vise à limiter au nucléaire civil le programme iranien en échange de la levée progressive et réversible des sanctions internationales imposées depuis 2006 à son économie.
Depuis sa conclusion, plusieurs responsables étrangers se sont rendus à Téhéran, dont notamment la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, mardi.
La position de la France lors des négociations nucléaires avait été qualifiée de «dure» à Téhéran.
M. Fabius a répondu à ces critiques, affirmant que la France avait eu une «attitude constante, ferme, constructive» dans le but «d'empêcher la prolifération nucléaire». «Le nucléaire n'est pas une babiole», a-t-il affirmé, il ne fallait pas «un accord au rabais», mais «robuste et incontestable».
«Avec la nouvelle donne - la levée des sanctions - la France a l'intention, si l'Iran le veut bien, d'être davantage présente dans toute une série de domaines, politique, économique, culturel», a encore dit le ministre français.
Il a annoncé la visite en septembre d'une délégation économique et commerciale française accompagnée du ministre de l'Agriculture et d'un secrétaire d'État aux Affaires étrangères.
Dans l'après-midi, M. Fabius a rencontré le ministre iranien du Pétrole, Bijan Namdar Zanghaneh.
«La compagnie Total a été présente pendant 20 ans dans les projets pétroliers (...) un nouveau chapitre va s'ouvrir pour les activités de cette société dans le développement des champs pétroliers», a dit M. Zanghaneh en ajoutant que les sociétés françaises participeraient aussi dans des projets pétrochimiques.
Dans une région en proie à de multiples crises et conflits, M. Fabius a noté que l'Iran «est une puissance influente» qui partage avec la France «le même attachement à la paix et la stabilité», en dépit de «différences», en particulier sur la Syrie, le Yémen et Israël.
La visite de Laurent Fabius a été précédée de vives critiques de milieux ultraconservateurs qui ont dénoncé notamment le soutien de Paris à l'Irak pendant la guerre avec l'Iran et le scandale du sang contaminé par le VIH dont des lots ont été distribués en Iran dans les années 1980, faisant des centaines de victimes.
Premier ministre à l'époque, M. Fabius a été innocenté par la justice française en 1999.
Ce qui n'a pas empêché un petit groupe de manifestants de protester contre sa visite près de l'aéroport de Téhéran où il est arrivé tôt le matin.
«Le sida, cadeau de la France à Téhéran», pouvait-on lire sur une pancarte portée par un de ces manifestants, dont certains ont été brièvement arrêtés par la police selon le site d'information Tasnim, proche des conservateurs.
Mais, signe de la volonté du gouvernement iranien d'éviter tout débordement, de nombreux policiers anti-émeutes quadrillaient les abords de l'ambassade de France et du ministère des Affaires étrangères. – AfricaLog avec agence