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La France au pilori dans l'affaire des " biens mal acquis"

Jun 24, 2009

Dans un rapport sans concessions rendu public ce mercredi, l'association CCFD-Terre Solidaire fait le point sur le dossier des "Biens mal acquis". Et n'épargne pas la France, taxée de complaisance à l'égard de certains dictateurs.

Deux ans après un document de travail explosif sur les "biens mal acquis" (BMA), le CCFD-Terre Solidaire (Comité contre la Faim et pour le Développement) récidive avec un rapport étoffé (206 pages), qui devrait semer le trouble jusque sous les dorures du Quai d'Orsay. Sera-t-il, comme le premier texte, décisif dans la mise en branle du processus judiciaire? Outre les fortunes personnelles et opaques d'une trentaine de chefs d'Etat (africains, mais aussi asiatiques ou sud-américains), l'ONG y met en lumière le "paradoxe français". Celui d'un pays doté d'un arsenal législatif complet, qui continue pourtant à se heurter à "un mur politique".

Aux yeux d'Antoine Dulin et Jean Merckaert, co-auteurs de cette étude, "la France s'affiche volontiers comme la première de la classe sur la scène internationale [dans la lutte contre la corruption], la locomotive tirant ses partenaires du G8 par l'exemple". Pourtant, s'empressent-ils d'ajouter, "elle est bonne dernière à l'heure de saisir ou de restituer les avoirs ou les biens mal acquis qu'elle abrite".

Même si elle a impulsé la création du GAFI (Groupe d'Action Financière) pour lutter contre le blanchiment d'argent en 1989, même si l'organisme Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins) a reçu 14 000 déclarations de soupçon en 2006, "les faits sont têtus", la France est à la traîne.

Longueur des procédures, problèmes de traduction simultanée, mauvaise volonté; pour le CCFD, tous ces handicaps "corroborent le triste constat des magistrats signataires de l'Appel de Genève en 1996: les frontières n'existent plus pour l'argent sale, mais pour la justice, si".

Encombrante Françafrique

Englué dans un double discours avec ses anciennes colonies, Paris rechigne encore à décortiquer les biens "français" de certains dirigeants africains, parmi lesquels le Congolais Denis Sassou-Nguesso et le Gabonais Omar Bongo, récemment décédé. Peut-être parce que l'Etat cherche d'abord à défendre ses "intérêts immédiats", et ceux de ses entreprises (Total, BNP Paribas, Bolloré, Vivendi, Suez, Pinault-Printemps-La Redoute, etc.) très actives dans ces pays.

Dans son rapport, l'association regrette que Paris batte pavillon de complaisance pour certains potentats pirates: "Si la France braquait aujourd'hui les projecteurs sur les biens et avoirs des dictateurs sur son sol, elle devrait également expliquer pourquoi elle est si longtemps restée leur terre d'asile [...] D'autant que certains des dictateurs en cause ont su se protéger en conservant quelques informations gênantes pour l'ancienne métropole".

"Avancée historique"?

Pourtant, le CCFD ne perd pas espoir. En jugeant recevable, en mai, la plainte déposée contre trois chefs d'Etat par la section française de l'ONG Transparency International, la juge parisienne Françoise Desset a peut-être ouvert la voie à la désignation d'un juge d'instruction, donc à une enquête approfondie visant le Gabon, le Congo et la Guinée équatoriale.

Pour le CCFD, cette décision, contraire à l'avis du parquet, pourrait être "une avancée juridique historique". Le Comité porte même une requête: "La saisie conservatoire des avoirs et des biens situés sur son territoire et appartenant à des dirigeants notoirement autoritaires ou corrompus. Lesdits dirigeants devraient alors justifier devant le tribunal l'origine licite de leur fortune".

En guise d'argumentaire, l'organisation rappelle que la France n'a eu aucun mal à geler les avoirs d'Oussama Ben Laden en septembre 2001, ou à obtenir un accord de principe sur l'extradition de l'ex-dictateur panaméen, Manuel Noriega, en août 2007. En somme, les leviers existent, suffit-il encore de vouloir les actionner. – L’Express

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