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Mi-mandat d’Alpha Condé: Le bilan selon Lansana Kouyaté

Jun 23, 2013
Mi-mandat d’Alpha Condé: Le bilan selon Lansana Kouyaté

«Le bilan est globalement négatif» redit Lansana Kouyaté du PEDN. Ce 23 juin, sur une émission d’une radio privée de Conakry, Lansana Kouyaté, le président du Parti de l’Espoir pour le Développement National, PEDN, ancien allié de taille du RPG-arc-en-ciel a fait le bilan des deux ans et demi de gestion du pouvoir par le Président Alpha Condé. Il a répété ce qu’il avait dit lors des 100 jours d’Alpha Condé au pouvoir.

Selon M. Kouyaté, le bilan à mi-mandat est négatif. C’est à se demander si la majorité des Guinéens lui renouvèlera la confiance pour conduire les destinées du pays, au terme de son premier quinquennat, qui interviendra en décembre 2015, comme le prévoit la Constitution.

AfricaLog vous livre l’intégralité du jugement de Lansana Kouayté du mi-mandat d’Alpha Condé, suite à l’entretien qu’il a accordé à un confrère de la place, depuis Paris où il séjourne depuis la suspension du dialogue inter-guinéen, le 9 juin dernier. Bonne lecture!

«Le bilan sera très bref. Parce qu’un bilan pour une entreprise suppose de faire tout ce qui a été mené pour amener cette entreprise au progrès. Pour une nation, il s’agit de faire aussi l’état de la situation pour savoir les efforts fournis qui ont amené cette nation au progrès. Je dirai, comme je l’ai déjà dit par le passé, que ce bilan est globalement négatif. Je l’ai dit au moment où les 100 jours étaient épuisés et où je me référai seulement aux tendances, en disant que le chemin qui a été emprunté est mauvais. Malheureusement, le diagnostic d’alors s’est trouvé avéré. De quoi, un peuple a besoin? Un peuple a besoin de paix, de stabilité, d’harmonie, de travail, de justice, de solidarité. Toute chose qui constitue notre désir. Mais où est la paix, la stabilité, l’harmonie? C’est d’abord ce qu’il fallait chercher. Que ce peuple-là s’exprime dans son aspiration au progrès, de façon unitaire. Mais le virus de la division a pénétré le corps et est en train de créer des dommages. Le travail? Il n’y a jamais eu moins de travail que maintenant. Les entreprises ne font que fermer en cascade. Forêt-Forte, Guinomar, SOTELGUI, RIO-Tinto qui a réduit fortement ses effectifs et du coup les entreprises qui sont des entreprises sous-traitantes telles que Fluor et Vale etc. ont dû fermer. Et où est parti aujourd’hui Global Alumina? Pourquoi ont-ils cédé leur part? C’est parce que le climat est à la défiance, est à la morosité. De toutes les façons posons la question au peuple. Parce que c’est le peuple qui doit ressentir l’actif du bilan et le gouvernement doit ressentir son passif. Mais demandez à ce peuple-là s’il est vraiment heureux aujourd’hui.

On va nous amener dans ce que j’appelle les agrégats économiques, en nous parlant du taux de croissance du Produit Intérieur Brut, PIB, et on va vous parler de ce qui a été fait, l’atteinte de l’initiative PPTE etc. C’est vrai que le stock de la dette de la Guinée a été réduit de 2.1 milliards de dollars. Cela est vrai, mais le travail a été commencé bien avant, sous le gouvernement de consensus. Mais parlant de cela, à quoi tout cela sert, s’il n’y a pas de répercussion directe sur la vie du peuple? Les prix n’ont jamais été si élevés. J’ai entendu le gouverneur de la Banque centrale l’autre jour (quand il était sur une des émissions d’une autre radio privée de Conakry), qui disait que malgré tout ce que le gouvernement a fait, les prix restent encore élevés sur le marché mais que la valeur de la monnaie reste stable. Cela est un aveu de faiblesse. Parce que tout ce que le gouvernement fait, comme il l’a dit, si les prix ne baissent pas, parce qu’il y a quelque chose de fondamental qu’ils ne peuvent pas faire. C’est celui de donner la confiance. L’économie repose sur la confiance, la monnaie repose sur la confiance. Et ce n’est pas le cas. C’est pourquoi aujourd’hui, le peuple s’appauvrit.

Création d’emploi? C’est vrai qu’ils en ont créé. Mais combien ils en ont supprimé? Toutes les entreprises dont j’ai parlées tantôt ont mis la clé sous le paillasson et les travailleurs se trouvent dans la rue avec leurs familles et les nombreuses charges. Et je dirai en parlant aussi du taux de croissance, puisqu’ils font référence à cela, que le taux de croissance du Produit Intérieur Brut était de 4,9% en 2008 au moment où je quittais et en 2009, après le gouvernement de consensus, il est retombé à -0, 3%. Aujourd’hui, on semble être à 3,9%. Mais je rappelle qu’aujourd’hui des pays limitrophes, je n’en citerai que deux, le Liberia est à 9,4% et la Sierra Leone est à 6%. Donc, ce n’est pas une performance, c’est une contre-performance. C’est parce que l’Etat ne marche pas bien. Et c’est là le pire. Parce que l’administration est en train d’être démantelée. Les fonctionnaires sont à leur place, mais ils ne jouent pas leur rôle et ils le disent à satiété et à qui veut l’entendre. Je crois qu’on n’a pas besoin d’être grand économiste, ni même un grand observateur, pour vivre ce que vivent aujourd’hui les Guinéens.

J’ai parlé de travail et la justice? La justice est malmenée par les injonctions du haut de l’Etat. Vous savez combien de fois l’impunité est en train de prendre place dans notre pays.
Et la solidarité? Qu’en reste-t-il ? Mais je dirai que l’association des pauvres n’est que l’admission des misères. La solidarité réelle ne peut pas s’exprimer quand tout le monde est pauvre, quand la paupérisation va de façon rampante. Même ceux qui avaient une certaine prospérité, ne peuvent plus l’avoir. Mais comme je le dis toujours, la richesse n’est pas le gradimètre. Le gradimètre c’est le bonheur. Le bonheur, on ne peut pas l’avoir seul. On l’a en commun.

«Le climat politique est exécrable»

Sur le plan politique, vous voyez bien la situation. Chaque fois qu’il y a un pas en avant, par la volonté, l’esprit de dépassement des acteurs politiques de l’opposition surtout, et après on vient crisper un couac qui nous fait prendre trois ou quatre pas en arrière. C’est toujours comme ça, c’est récurrent. Et depuis que Saïd Djinnit a été nommé, c’est le jour même de sa nomination qu’une date péremptoire qui ne peut pas être respectée, a été fixée, c’est-à-dire la date du 30 juin. Le jour de la nomination de celui qui devait venir, par le compromis, asseoir un chronogramme respectable et respecté. Malheureusement, après son arrivée, à son arrivée, cela est effiloché. Après le dialogue tant réclamé, auquel l’opposition a finalement cédé, nous avons abouti à des conclusions qui étaient claires. Waymark accepté, grâce à la sécurisation apportée par les différents experts et les conditions qui étaient mises pour permettre des élections transparentes et inclusives, malheureusement patatras, cette affaire d’incursion chez le président de l’UFDG est arrivée. Cela est récurrent. Je rappelle que le 27 août 2012, c’était la même incursion dans ma résidence. Tirs à balles réelles sur notre voiture. Cela a été vu, et le quartier était assiégé de gaz lacrymogène. Et mon départ à Kankan, c’était la même chose, à Fria, la même chose, à Koba, la même chose. Et c’est comme ça à chaque marche. Ma voiture a été d’abord démantelée, avant d’être brulée devant tout le monde, lors d’une des dernières marches. Alors le climat politique est exécrable, parce qu’il n’y pas de justice, de justice politique tout court. Le climat politique est exécrable, parce qu’on ne veut pas aboutir à la vraie démocratie. D’ailleurs qu’est-ce que c’est que la démocratie sans le respect des droits humains? La démocratie n’est rien sans cela et le respect du droit tout court, pour que les gens s’expriment librement. C’est cela le fondement de la démocratie. Mais nous sommes en train de parler d’une chose et torpiller son contenu. Donc, le climat politique est mauvais.

La sécurité, je n’ai pas besoin de vous le dire. Vous avez peur non pas d’être dans la rue, mais d’être chez vous. Vous le savez très bien parce que tout peut arriver.

Il faut que dans l’établissement du bilan, nous ne soyons pas complaisants. Si nous ne voulons pas que demain soit pire qu’aujourd’hui. Si nous ne voulons pas faire incitation à la haine. Il faut dire aux gouvernants de se ressaisir et de prendre au sérieux le serment que le Président de la République a fait à la nation, pour amener ce pays dans la démocratie. Malheureusement, tout cela est malmené aujourd’hui.

Le bilan est négatif. Il faut que le gouvernement se ressaisisse. Il faut que le Président de la République se ressaisisse et qu’il comprenne qu’il est le Président de toute la nation; qu’il comprenne qu’il est un élément fédérateur de toute la nation et qu’on peut effectivement se révéler. La Guinée devrait être aujourd’hui à un taux de croissance de deux chiffres si les bonnes politiques étaient mises en place, si l’administration fonctionnait normalement et si on ne prenait pas de mesures hasardeuses, sans lendemain, si on ne signe pas des accords aujourd’hui pour les défaire le lendemain. On fait, on défait tout ce qui est fait la veille. Alors, je pense que cela ne permet pas de camper le sérieux du gouvernement et c’est de cela qu’il s’agit.»

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