Ce 18 juillet, le coordinateur du bloc politique FDP (Front Démocratique pour le Progrès), et président de l’Union des forces démocratiques a tenu une conférence de presse à Conakry, pour peindre, dans une déclaration de 5 pages, la situation politique, économique, sociale et sécuritaire de la Guinée. C’est du moins, ce qu’a vécu AfricaLog sur place.
Dans sa dite déclaration, le président de l’UFD, a affirmé que «la Guinée vit une violence endémique» depuis l’arrivée du RPG-arc-en-ciel au pouvoir. En dépit de la signature d’un accord politique le 3 juillet, entre le pouvoir et l’opposition pour la tenue des législatives dans un climat apaisé, Baadiko Bah a soutenu que les «premiers constats sur la mise en application des dispositions de l’accord politique jettent un sérieux doute sur la volonté du pouvoir de respecter ses engagements.» Même qu’actuellement les Guinéens sont inquiets et se demandent où va leur pays.
Le coordonnateur de FDP et président de l’UFD a appelé l’opposition guinéenne à la «mobilisation, afin de changer le cours des choses en recourant à tous les moyens légaux à sa disposition, y compris le texte de l’accord du 3 juillet 2013», faute de quoi, les Guinéens, selon lui, n’auront pas, le 24 septembre prochain, des élections libres, équitables et transparentes.
Dans son jugement de la situation sociale, il a déploré les violences intercommunautaires survenues dans la région administrative de N’Zérékoré, où populations koniankés et guerzés se sont livrées une bataille qui s’est soldée par des dizaines de morts. Le bilan officiel n'est pas encore fourni par le gouvernement qui a dépêché à N'Zérékoré, une importante délégation. C’est pourquoi, Mamadou Baadiko Bah a demandé à l’assistance une minute de silence en hommage aux «victimes innocentes d’une situation qu’ils n’ont pas créée.»
Dans ce qu’on pourrait appeler le réquisitoire contre le régime d’Alpha Condé, l’opposant, Mamadou Baadiko Bah, a déclaré que le processus électoral est biaisé, notamment dans la révision complémentaire des listes électorales. AfricaLog vous donne l’extrait de la déclaration.
«Même avec l’accord politique du 3 juillet 2013, il était clair que le pouvoir n’a pas renoncé à utiliser tous les moyens imaginables pour réaliser son objectif de s’emparer à tout prix de la prochaine assemblée, quand bien même la grande majorité de la population lui est défavorable. Tout est mis en œuvre pour vider l’accord de son contenu et précipiter les élections sans que le processus ne se déroule correctement. Nous avons vu la tentative de fixer la date des élections le 15 ou le 28 juillet, alors même que les conditions techniques d’une élection honnête, transparente et inclusive n’étaient pas remplies. Par la suite, nous avons eu la fixation du scrutin le mardi 24 septembre 2013. Cette manœuvre grotesque réduit presque à néant les possibilités de vote des Guinéens de l’étranger. La date limite de dépôt des candidatures a été abusivement fixée par la CENI au 20 juillet, alors même que les caractéristiques de notre système électoral ne permettent pas de réunir dans ce délai, les documents nécessaires. Plus grave, la révision complémentaire prévue par les accords est en train de tourner à la mascarade et ressemble à une opération escargot savamment montée pour «griller» les 15 jours alloués. Sur la base des rapports que nous recevons de nos représentants dans les CARLE, d’innombrables incidents récurrents et généralisés sont signalés :
- Equipes de saisie désorganisées et ne pouvant jamais être complètes avant 13 heures ;
- Pannes quasi-permanentes de toutes sortes survenant sur le matériel et ses accessoires ou périphériques ; la panne d’un seul maillon du système paralyse tout le processus ;
- Incompétence manifeste du personnel déployé par la CENI ;
- Confusion entretenue sur la couverture des frais des membres des CARLE pour les décourager;
- Limitation drastique des frais relatifs au fonctionnement du matériel (carburant), réduisant le temps de fonctionnement à quelques heures ;
- Tracasseries inutiles à l’endroit de certains citoyens désireux de se faire recenser. »
Selon Baadiko, le résultat de toutes ces anomalies révélées par des membres de CARLE (Commissions administratives de révision des listes électorales) n’est qu’un simple exemple, alors que le « temps passe. » Et de dire que si les « choses continuent en l’état, un nombre important d’électeurs et d’électrices ne pourront pas voter » et qu’il s’agit d’une « violation flagrante des accords passés » que l’opposition n’accepterait pas, prévient Baadiko Bah de l’UFD.
Dénonçant la situation économique et financière, le coordonnateur affirme que depuis l’installation de l’opposant historique Alpha Condé, le RPG-arc-en-ciel « n’a jamais présenté au pays de politique économique », préférant l’improvisation et le laisser-aller. Et de poursuivre: «Le contexte juridique est instable et non fiable. L’énergie et les infrastructures manquent cruellement. Mais c’est surtout la corruption effrénée, les empiètements et les tracasseries incessantes d’une administration omnipotente qui ont créé un environnement foncièrement hostile à l’entreprise et à l’investissement privé en général. Obligation est faite aux entreprises importantes d’embaucher de préférence des partisans du pouvoir, même ceux-ci n’ont pas les qualifications requises, de recourir exclusivement à des sous-traitants liés aux pontes du régime, de licencier des collaborateurs ne répondant pas aux critères communautaires du RPG. Le résultat ne s’est pas fait attendre. Pratiquement tous les investisseurs sérieux qui étaient venus en Guinée, encouragés par l’arrivée d’un civil élu au pouvoir, ont plié bagages. La casse est effroyable car elle touche aussi bien des anciennes entreprises que des nouvelles. Les Grands Moulins de Guinée, Nestlé, Sotelgui (vétéran des sociétés de téléphonie mobile en Guinée), la société FRIGUIA gérée par RUSSAL, BHP Billiton, VALE se sont retirées de la Guinée. Le conglomérat Rio Tinto qui avait pourtant mis sur la table une enveloppe de 700 millions de $, a gelé ses activités. » Tous les sous-traitants de ces entreprises ont fermé leurs portes, avec comme conséquences de milliers d’employés se sont retrouvés dans le chômage. Même que cela a créé une « catastrophe humanitaire dans certains cas comme à Fria qui dépendait entièrement de la première usine d’Alumine d’Afrique vieille de 60 ans… »
Parlant de la corruption et de la gestion exercée sur les ressources du pays, Baadiko accuse: «Dès l’entrée en exercice du nouveau président, après un round d’observation de quelques mois, les hauts cadres de l’Etat ont rapidement compris que le mot d’ordre de lutte contre l’impunité en matière de détournements des deniers publics n’était qu’un slogan de campagne électorale. On comprend mieux à présent pourquoi le pouvoir reste sourd à toutes nos interpellations de déclarer le patrimoine des dirigeants du pays comme l’exige explicitement la constitution guinéenne. Les pratiques antérieures de détournements, de corruption et d’affairisme se sont intensifiées pour se généraliser à tous les domaines de la vie publique du pays. Il est admis par les observateurs avertis que le niveau de corruption en Guinée n’a jamais été aussi élevé qu’aujourd’hui de haut en bas de l’échelle sociale et dans tous les domaines. Malgré l’extrême opacité du système qui n’est contrôlé par aucune institution crédible, des scandales vite étouffés éclatent de temps en temps. Nous avons eu les affaires de l’emprunt-fantôme de 25 millions de dollars à une société off-shore Palladino, l’emprunt de 150 millions de dollars consentis par des Chinois associés au gouvernement angolais, champion d’Afrique toutes catégories de la prédation du bien public et de la corruption, le vrai-faux virement de 11 milliards de FG dont on n’a aucune nouvelle du côté de la justice, le monnayage des bourses au ministère de l’éducation et plus récemment l’affaire de tentative de surfacturation massive des frais de correction des examens 2013 arrêtée juste à temps par le Ministère des Finances (…)
Une illustration presque parfaite de l’interaction entre la corruption et la faillite économique du pouvoir du RPG Arc en ciel est donnée par le cas de FRIGUIA : cette usine bazardée pour une bouchée de pain à RUSAL par le régime de feu Lansana Conté est à l’arrêt depuis plus d’un an. Des révélations publiques ont été faites récemment sur des versements de pots de vin à des pontes du pouvoir, numéro de compte de banque à l’appui. D’autres accusations aussi graves ont été lancées sur le financement de locations d’avions. Ainsi il est clair que le pouvoir, en accointance avec RUSAL n’est absolument pas en mesure de négocier avec cette société un arrangement gagnant-gagnant sauvegardant les intérêts de la Guinée et ceux des 4000 travailleurs jetés à la rue. Non seulement le gouvernement n’est pas en mesure de faire entendre raison à RUSAL pour reprendre l’exploitation de Fria, mais en plus, il lui a octroyé une nouvelle concession à Dian-Dian.Il faut également rappeler qu’à ce jour personne ne sait ce que le gouvernement guinéen a fait des 700 millions de dollars de Rio-Tinto. Peut-être ne le saura-ton jamais.»
Baadiko Bah a aussi pointé du doigt le pouvoir d’avoir fabriqué «à la hâte ses nouveaux riches, recrutés comme par le passé dans ses cercles familiaux.» Tous les marchés de travaux publics et bâtiment sont réservés de fait à des entreprises, placées à l’abri de la concurrence.
Mamadou Baadiko Bah fustige les serviteurs de l’Etat qui ont voulu à leur niveau s’opposer à ces pratiques maffieuses aient payé de leur vie. «A ce jour, rappelle-t-il, trois assassinats restent non élucidés : Mamadou Alpha Diallo, un ingénieur statisticien, Paul Cole un ingénieur informaticien travaillant sur les salaires fictifs dans la fonction publique et l’ancienne directrice du Trésor Madame Aissatou Boiro. Malgré tous les indices pointant sur des exécutions sommaires opérées par des professionnels, on continue à nous servir l’explication d’un crime crapuleux de petits bandits de quartier.»
Mamadou Baadiko Bah ne s’est pas montré moins amer quand il a abordé la question du changement, slogan de campagne du Président Alpha Condé. Selon lui, les Guinéens vivent, dans un changement à reculons. Car après deux ans et demi de pouvoir, le parti au pouvoir, le RPG-arc-en-ciel, «non seulement n’a pas positivement changé la Guinée comme il l’avait promis, en s’attaquant aux graves maux légués par les pouvoirs précédents, mais dans la plupart des fois, il les a aggravés. Comme par le passé, le pouvoir actuel ne profite qu’à une toute petite minorité, alors que le peuple croupit dans une misère indescriptible jamais connue auparavant (…) »
Il affirme que les actes positifs du pouvoir sont si minimes, qu’ils sont « noyés » par les maladresses dans la gestion des affaires publiques.
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