Pour le fonctionnaire aujourd’hui au cœur de la controverse, il aurait mieux valu ne jamais prendre la mallette maudite. Mais, entre le doute et l’honneur d’un homme, il ne faut pas hésiter un instant : il faut choisir l’honneur. Surtout quand on s’appelle Alex Segura, qu’on ne crève pas de faim, qu’on a eu le courage de souvent dénoncer les dérives de gouvernance du pays d’affectation et qu’on a soi-même alerté sa hiérarchie sur « l’avoir toxique » imprudemment promené d’aéroport en aéroport.
Du reste, passées les premières surprises, on peut même se réjouir du fait que c’était de l’argent que le fonctionnaire de Bretton Woods aurait transporté à son insu et pas une de ces valises piégées dont Al Qaeda a le secret. L’affaire reste pourtant révélatrice à bien des égards. En premier lieu, par la malheureuse tentative de rattrapage des autorités sénégalaises qui reste doublement grave : d’abord, c’est le président Wade lui-même qui semble avaliser le principe du cadeau en argent, même s’il incrimine le montant trop élevé à ses yeux. On est où ? Ensuite, les mêmes autorités essayant de dédramatiser l’affaire, assurent que c’est une pratique courante. Traduction : les prédécesseurs de Segura et peut-être d’autres fonctionnaires internationaux qui y ont occupé au Sénégal des postes aussi sensibles ne peuvent s’étonner de l’incident. Soit ils ont accepté le colis ni vu ni connu, soit ils l’ont décliné avant le salon officiel de Dakar-Yoff. En second lieu, la justification tentée par les autorités sénégalaises est d’une gravité absolue qui ne manquera pas relancer le débat sur la relation entre les Institutions de Bretton Woods qui se voient en pompiers et l’Afrique où elles passent plutôt pour les pyromanes. Enfin, sujet délicat, les réactions à cette affaire donnent comme l’impression qu’il y a une sorte de déterminisme par lequel passent nos grilles d’analyses et nos certitudes. Car disons-le franchement, Si Alex Segura était Africain et noir, que se serait-il passé ? – Le Républicain