Le capitaine Moussa Dadis Camara, à la tête de la Guinée depuis neuf mois, a affirmé lundi qu'il n'avait pas pris le pouvoir pour aboutir "à un affrontement", après la répression sanglante de manifestations d'opposants ayant fait au moins 58 morts.
"Je voulais sortir pour aller (sur le terrain), tellement que j'étais vraiment écoeuré quand on m'a informé", a-t-il déclaré dans une interview accordée à la radio sénégalaise RFM. "J'ai dit que je vais aller (sur le terrain) si effectivement les gens... je préfère alors mourir, parce que je n'ai pas pris cette Nation pour un affrontement", a dit le chef de la junte, qui s'exprimait d'une façon décousue et confuse, sans finir la plupart de ses phrases. Sans pouvoir confirmer le bilan de 9 morts alors avancé par RFM, le capitaine a semblé dépassé par les évènements: "A un certain moment donné, j'ai demandé à aller sur le terrain pour voir ce qui s'est passé, mais les gens m'ont dit de rester et qu'ils sont en train de faire le point de la situation". "Le matin, vers 10H00 (locales et GMT), je me réveille, j'apprends qu'il y a des gens qui sont en train d'aller vers le stade en masse (...) Ils ont défoncé le portail du stade du 28-septembre, ils ont saccagé le commissariat de police où ils ont pris même certaines armes" a-t-il dit. "Les leaders (de l'opposition) sont tous partis pour le stade (...) Ils (les manifestants) ont saccagé, il n'y avait plus d'ordre (...) J'ai dit de ne rien faire à ces leaders, que je ne voudrais pas qu'il y ait une goutte de sang", a assuré le chef de la junte. Un rassemblement de plusieurs dizaines de milliers d'opposants, que la junte avait interdit, a été réprimé lundi dans le sang par les forces de l'ordre, dans le plus grand stade de Conakry. Au moins 58 manifestants ont été tués par balles, selon une source hospitalière, et deux dirigeants de l'opposition blessés par les militaires. La foule de manifestants exprimait notamment son opposition à une éventuelle candidature du capitaine Dadis Camara à la présidentielle prévue en janvier. Le chef de la junte a jugé de son côté que le "seul problème, c'est le simple fait qu'une bonne partie de la population demande ma candidature: ça ne met pas à l'aise les leaders (de l'opposition) et c'est ce qui fait qu'ils ont coupé le dialogue". "Ils disent que le président Dadis ne doit pas être candidat (...) mais je ne me suis même pas encore officiellement déclaré candidat" a-t-il insisté. Ces derniers mois, le capitaine Dadis Camara soulignait sans cesse que l'armée avait pris le pouvoir "sans effusion de sang", le 23 décembre 2008, au lendemain du décès du président Lansana Conté qui régnait sans partage sur le pays depuis 1984. La Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) a appelé la communauté internationale à "réagir fermement". Ancienne puissance coloniale, la France a condamné "avec la plus grande fermeté" cette "répression violente" et les Etats-Unis se sont déclarés "profondément inquiets".