Son parcours éducationnel la conduit dans plusieurs pays africains et Européens sous la direction de son père, fonctionnaire à l’ONU. A sa retraite, ce dernier ramène sa famille dans son pays d’origine : La RD Congo. Sandrine y termine ses études secondaires qu’elle avait commencées ailleurs. A l’Université de Kinshasa, elle se fait admettre en Polytechnique. Une passion justifie son choix : L’électricité. Pour parfaire cette passion, elle se retrouve à l’Université de Toledo, Ohio, Etats-Unis ou elle obtient un BS et un MS en Génie Electrique. Aujourd’hui, cette épouse et mère est celle qui a développé le système hybride Batterie/Pile à combustible pour voiture électrique. Entretien.
AfricaLog : Comment est née la passion de l’électricité en vous ?
Sandrine Ngalula Mubenga: A l’âge de 17ans, j’ai faillis mourir faute d’électricité. En effet, je devais être opérée en urgence mais l’Hôpital Général de la ville de Kikwit, dans la province de Bandundu en RDC ou je me trouvais à l’époque, n’avait pas de carburant pour faire fonctionner le groupe électrogène... Ma vie dépendait de l’électricité. Au bout de trois jours, l’Hôpital Général réussit à s’approvisionner en carburant et la chirurgienne m’opéra. C’est cette expérience qui me fit réaliser à quel point l’électricité était importante. Par la grâce de Dieu, j’en sortis vivante. Mais combien de gens meurent-ils à cause du manque d’électricité dans des milieux comme Kikwit ? Je me suis alors décidée d’en connaître plus sur l’électricité. Comme j’ai eu la chance d’avoir une famille qui a toujours encouragé l’intellect pour les filles comme pour les garçons, je me suis lancée dans les études sur l’électricité… Aujourd’hui je suis ingénieur en électricité, avec un BS et un MS en Génie Electrique.
De quoi est donc faite la voiture à hydrogène qui est votre invention ? Comment fonctionne-t-elle et quand pensez-vous qu’elle pourra être lancée sur le marché ?
Tout d’abord, je souhaiterais clarifier que j’ai développé un système hybride batterie/pile à combustible pour voiture électrique. La voiture électrique était déjà produite par une compagnie américaine qui nous a sponsorisés. D’ailleurs ce sponsor compte commercialiser ce système hybride que j’ai développé d’ici là. Une fois que mon système est intégré à la voiture électrique, l’hydrogène à l’état gazeux est utilisé dans la pile à combustible pour produire de l’électricité à bord même du véhicule. Si on ne souhaite pas rouler avec l’hydrogène, la batterie fournit l’électricité nécessaire.
Quels sont les effets positifs de ce système que vous avez mis en place ?
Ce système ne pollue pas l’environnement. En effet, le seul déchet est l’eau.
Après que le système hybride fut développé, il fallait trouver un moyen de générer l’hydrogène gazeux d’une manière écologique. C’est ainsi que nous avons intégré une station qui utilise l’énergie solaire pour décomposer l’eau en hydrogène et oxygène. Des panneaux solaires photovoltaïques (6 kW) fournissent l’électricité nécessaire à une machine à électrolyse pour décomposer l’eau en oxygène et hydrogène. L’hydrogène produit est ensuite stocké dans un tank à l’état gazeux et distribué à travers une pompe. Cette pompe à hydrogène ressemble à une pompe à essence sauf que vous pompez de l’hydrogène au lieu de l’essence. Je fis cette recherche sous le guide du Dr. Thomas Stuart, quand je poursuivais ma maîtrise en Génie Electrique à l’Université de Toledo, Ohio, USA.
Comment cette voiture fonctionnera-t-elle pendant l’hiver, vu qu’elle a besoin de soleil pour renouveler son énergie?
Cette voiture n’a pas besoin de soleil pour renouveler son énergie. L’énergie solaire est utilisée pour produire l’hydrogène à la station. La voiture elle-même utilise une pile à combustible. Il n’est pas conseillé de faire fonctionner la pile à combustible dans de basses températures, en dessous de 3 degrés Celsius, pour ne pas endommager la membrane qui se trouve dans la pile. Il n’est donc pas recommandé d’utiliser cette voiture en hiver.
Le Gouverneur et le Sénateur de l’Etat d’Ohio vous ont personnellement félicité pour cette invention. Que vous ont-ils dit concrètement?
L’Université de Toledo a un centre sur les énergies renouvelables. Ce centre m’avait demandé d’exposer la voiture électrique avec mon système hybride pour les visites officielles du Sénateur Voinovich, ex-Gouverneur Républicain d’Ohio et de la Congressiste démocrate Marcy Kaptur. Le sénateur me félicita, et me posa quelques questions pour savoir comment le système fonctionne et quels obstacles restent à franchir pour que les voitures hybrides avec pile à combustibles deviennent une réalité. Deux jours plus tard, je fus félicitée par la Congressiste, lorsqu’à son tour, elle visita le centre.
Pouvez-vous nous donner des détails sur le système solaire portable dont vous êtes aussi l’auteur ? Est-il déjà commercial ?
C’est un système que j’ai conçu pour mon projet de fin de licence en Génie Electrique.
C’est un système portable qui a la taille d’une boite à chaussure. A l’aide d’un panneau solaire flexible, le système génère de l’électricité à tension basse 12V et le stocke dans des piles rechargeables. L’électricité produite peut être utilisée pour faire fonctionner les appareils électroniques. Par exemple, quand vous allez sur la plage, vous exposez le panneau solaire au soleil et vous branchez votre radio à mon système, et voilà, vous avez de l’électricité ! Ce système n’est pas commercial.
Comment la R.D.Congo et l’Afrique pourront-elles profiter de votre invention et quels sont vos conseils, propositions et projets pour ‘’l’électricité pour chaque maison’’ d’ici peu ?
La RDC tout d’abord peut profiter du système sur plusieurs plans : sur le plan éducatif, sur le plan de l’environnement et sur le plan commercial. Nous sommes à une ère ou la protection de l’environnement est récompensée. La RDC peut bénéficier de ce système si les infrastructures technologiques sont mises en places. J’aimerais aussi vous rappeler que ce sont deux choses différentes de créer un système dans un laboratoire, et de voir ce système utilisé dans la vie courante. Quand à ‘’ l’électricité pour chaque maison’’, nous ne manquons pas de sources d’énergies renouvelables en RDC : Nous avons du soleil en abondance, du méthane et le fleuve Congo qui est le 2eme fleuve le plus puissant au monde après l’Amazone par son débit d’eau. Nous avons donc un potentiel pour l’énergie solaire, la biomasse, l’énergie hydraulique et l’énergie éolienne. Utilisons-les de manière à en faire bénéficier tout le monde ! Changeons de mentalité, et essayons de chercher le bien de tous au lieu de chercher le bien personnel. Je suis en train de travailler sur un plan pour électrifier la R.D.Congo à partir d’un mélange d’énergies renouvelables et fossiles.
Interview réalisée par Andy Kalala