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«L’histoire telle que je l’ai vécue, je n’en ai jamais vue», a dit un vieux à Siguiri

Nov 05, 2010

Violences ethniques à Siguiri, un pas sur la trace des pilleurs. Les 22 et 23 octobre 2010, le centre urbain de Siguiri a été le théâtre de violentes attaques de domiciles et de lieux de commerce des ressortissants peulhs de la Moyenne Guinée par des militants et sympathisants du RPG d’Alpha Condé. De mémoire des siguirinkas, jamais de tels évènements ne s’étaient produits-là, ni en 1991, ni en 1993 encore moins en 1998. «L’histoire telle que je l’ai vécue, je n’en ai jamais vue», a dit un vieux dépassant la soixantaine. «Autres temps, autres mœurs », dit-on.

Les 28 et 29 octobre, en arrivant à Siguiri, tout visiteur qui promène un temps soit peu son regard, est frappé par les traces des pillages de domiciles, kiosques, barres, boutiques et magasins, tous réduits à des débris de fer ou en morceaux de bois ou encore en des bâtiments qui n’existent que de nom, leur contenu ayant été incendié ou emporté. Les témoignages concordants confirment que tous ces lieux appartenaient aux ressortissants du Foutah Djallon.

Dans le marché de Siguiri, situé au cœur de la ville, la moitié d’un bâtiment a deux étages disposant d’une vingtaine de boutiques, kiosques et autres baraques a été pillé et incendié. Une épaisse couche de fumée sur son mur montre la hauteur des préjudices causés. Ledit bâtiment appartenait à un certain Baba Hann, opérateur économique à Conakry. La même image s’offre au visiteur qui fait un tour dans le reste du marché. Il y a paradoxe.

Des témoignages concordants indiquent que ces kiosques, bars, boutiques et magasins, partis en fumée, pillés ou vandalisés, appartiennent à des ressortissants de la Moyenne Guinée, jugés militants et sympathisants de l’Alliance «Cellou Dalein Président »,par des siguirinkas proches de l’Alliance Arc-en-ciel de Alpha Condé, du RPG.

Dans plusieurs quartiers de la ville de Siguiri, dont Labé-Koura ou Ponba-daakö ou encore Camp-Köfè, Siguiri-Koura 1 et 2, Sökourala, c’est le même spectacle de traces des pillages menés dans « onze domiciles » encore appartenant à des peulhs de la Moyenne Guinée et installés à Siguiri, pour la plupart, il y a plusieurs dizaines d’années.

Au quartier Labé-Koura, M. Abdoulaye Diallo, opérateur économique à Siguiri, assis sur un tabouret, au milieu de sa concession démolie, dégage quelques débris de ce qui reste de sa maison pour faire la prière de 14h avec son frère M. Mamadou Thiörori Diallo qui a eu de la peine pour se lever et nous accueillir.

Le regard hagard, M. Abdoulaye Diallo, avec vive émotion dans la voix, accepte de témoigner : « Je suis venu à Siguiri auprès de feu mon père, en 1988. En 1993, les siguirinkas avaient menacé de nous chasser. Idem en 1998. La semaine dernière, après avoir fini de faire ma lecture matinale du Coran, chez mon maître, j’ai pris ma moto pour me rendre au marché. J’étais entrain de déjeuner ce samedi matin, quand j’ai aperçu une foule se diriger, avec des coupes-coupes, des haches et des barres de fer, scandant en malinké, qu’elle va chasser les peulhs de leur territoire. J’ai pris la fuite. Arrivé au Pont-bada, j’ai trouvé qu’il frappait deux de mes amis. J’ai essayé de fuir, ils m’ont jeté des pierres. J’ai été égratigné au front, mais je suis arrivé chez moi et ordonné toute la famille d’entrer dans les chambres et j’ai fermé ma cour. Mais un instant après, le groupe est venu. J’avais deux fusils de chasse, j’ai tiré deux coups en l’air pour les dissuader de démolir ma concession. Ce groupe s’est sauvé mais, un troisième est venu casser le portail. J’ai encore tiré plus de huit coups de feu, pour alerter les militaires viennent me secourir, car je ne suis pas à plus de deux cent mètres du camp d’infanterie de Siguiri. Mais j’ai été victime de trois fois de casses, aucun sage, aucun homme en tenue, ni aucun imam n’est venu s’enquérir de ce qui s’est passé chez moi. Je me suis rendu compte après que la foule a fini de piller ma maison, emporté ce qu’elle a pu et détruit le reste, que je ne suis pas la seule victime. Ils ont frappé mon frère qui s’en est sorti avec une entorse. Ils ont blessé ma première fille sur son épaule et son sein gauche. Ils ont sorti nos motos pour les casser et les brûler dehors. C’est ainsi que certains voisins nous sont venus au secours. Ce fut la débandade. »

Ce 28octobre, Abdoulaye Diallo a fini de rapatrier sa famille à Dalaba, il ne reste que son frère Mamadou Thiörori Diallo, né en 1976 à Dalaba. Mais il n’a pas été victime de pillage de domicile, il dit avoir perdu dans un des magasins, plus de quatre cent quarante deux millions et poussières de francs glissants, un autre, que les pilleurs n’ont défoncer, a été incendié par de l’essence. «C’est mon principal lieu de garde d’objets de valeurs et d’argent. Les papiers de ma concession, de trois de mes parcelles, les papiers de contrats de bail, et cinq millions de francs Cfa, que je venais d’emprunter, ont été emportés par le feu. En plus du riz et du sucre d’une valeur de quatre vingt sept millions de francs guinéens, ont été emportés.»

Il déclare qu’après avoir demandé le secours au Cdt de l’infanterie de Siguiri, celui-ci lui aurait dit: «C’est vous qui les avez provoqué chez eux, on ne peut pas intervenir.»

Devanture jonchée d’habits, d’articles divers et d’ustensiles de cuisine, nous sommes au domicile de M. Ibrahima Diogo Barry, également opérateur économique de Siguiri, ressortissant de la Moyenne Guinée, fieffé de l’Ufdg. Dans les chambres de la maison principale, l’on ne voit que des habits éparpillés un peu partout, des matelas, des thermos cassés, le reste est calciné. Au salon, se trouve un matelas d’une place et d’autre âge, servant aujourd’hui de lit au propriétaire des lieux, que nous avons porté absent. Dehors, une poule qui caquetait, cherchait à picorer devant une cuisine vide, aux battants emportés. Egalement, des témoignages concordants indiquent également qu’une nourrice de trois mois, y a été violée par une vingtaine de pilleurs. Elle aurait eu aussi ses deux bras cassés. Les membres de la famille, à en croire une source proche de la famille, se sont réfugiés dans la République du Mali voisine.
Portail cendre, calé par une grosse pierre, nous sommes à l’entrée de la concession de l’opérateur économique El Hadj Mamadou Kenda, au quartier Labé-Koura. C’est là qu’a été tué son ami, M. Ibrahima Bah, vieil opérateur économique de Kankan, le samedi 23 octobre 2010, dans la furie des siguirinkas du Rpg contre les peulhs. Il ne reste dans la demeure de Kenda, qu’une voiture Peugeot 505 et d’une Mercédès violette immatriculée RC 2590 S. Le propriétaire des lieux, vendeur de Cigarettes, s’est enfui vers le Mali, après avoir perdu, dit-on, quelques 650 cartons de cigarettes dont le prix par carton, varie entre 1 million et 1 million 500 mille francs Guinéens.

El Hadj Moustapha, du quartier Siguiri-koura 2, à quelques mètres du Camp d’infanterie fustige le mutisme et l’indifférence des autorités civiles et militaires de Siguiri. Il a ramené sa famille au Foutah, mais il dit qu’il a peur : « Les Malinkés de Siguiri nous menacent de mort si Cellou Dalein sort victorieux au second tour, face à Alpha Condé, leur leader. » Quel sort serait-il réservé au scrutin du 7 novembre prochain ? « Moi, je pense qu’il y a deux solutions qui s’offrent aux organisateurs de l’élection. Un, faire voter tous les militants de l’Ufdg d’où qu’ils sont allés, ou bien annuler les voies de la circonscription électorale de Siguiri. » Sur quoi se base-t-il pour affirmer cela ? « Plus de la moitié des militants de l’Ufdg de Siguiri ont pris la fuite. Ceux qui sont restés, ne veulent pas aller voter à la date prévue. Les malinkés disent que Alpha Condé ne doit pas avoir de concurrent après le premier tour de la présidentielle. » El Hadj Moustapha, encourage les électeurs pourtant à sortir massivement pour voter.

El Hadj Lamine Diallo, vendeur de motos et de marchandises diverses, est un autre opérateur économique de Siguiri, victime des actes de vandalisme du samedi 23 octobre. Il raconte : « Je suis à Siguiri depuis 1981. J’ai beaucoup investi ici, mais aujourd’hui, les malinkés de Siguiri ont tout emporté et tout gâté. Ils voulaient détruire ma concession, mais mon voisinage est intervenu pour les empêcher. La foule a cassé tout de même, les vitres de mas maison. Des amis m’ont aidé a ramené ailleurs une grande partie de ma famille. Mes amis de Conakry m’ont promis de m’envoyer une voiture pour rentrer au Foutah avec le reste de ma famille. » Il dit avoir été victime de cent vingt moto de marque, entre autres, « Super No 1 » et « Super Original ». Il ajoute : « Les pilleurs ont épargné un de mes magasins, du fait que c’est un des leurs que j’ai employé là-bas pour la vente de mes motos. Il y avait là-bas 48 motos. C’est le seul magasin qui me reste aujourd’hui. » Il accuse : « Lorsque je suis allé vers les agents des forces de l’ordre et de sécurité, ils m’ont dit qu’ils n’ont pas reçu l’ordre d’intervenir pour rétablir l’ordre et sauver nos biens et propriétés. C’est alors que je suis allé chez Tidiane Traoré, représentant du Rpg à Siguiri, parce que c’est avec lui j’ai baillé la terre pour construire mes boutiques. Il n’y était pas ? J’ai appelé M. Savané, son ami du Rpg. Quand celui-ci a appelé Tidiane Traoré, ce dernier lui a dit : ah ! Mais on a fini de déclencher le mouvement… Je n’ai pu avoir de secours pour sauver mes biens. Mais ce qui me fait mal, les malinkés nous doivent beaucoup d’argent à travers les crédits que nous leur avons fait. Mais on n’ose pas les leur réclamer, ni ce qu’ils nous retiré. Je ne peux plus rester à Siguiri.»

Dans la concession d’un certain M. Diallo, caché quelque part à Siguiri, les siguirinkas jureraient de le tuer dès qu’ils le retrouveront, nous y arrivons au crépuscule. Dans la cour, pas une âme qui respire, si ce ne sont une dizaine de caprins, cinq à six de ses canards, deux bovins. Les canards ont élu domicile sur le matelas, laissé dehors, au milieu de la devanture. Les moutons devant la cuisine, garde encore leur espoir, à chaque fois qu’un visiteur s’y rend. Ils s’y approchent comme pour rechercher leur propriétaire. Dans la cuisine, une chèvre et son chevreau, y passent la nuit. Un trou percé au mur de la cuisine, leurs servent de porte d’entrée et de sortie. Ils sautent dehors à chaque fois qu’un visiteur s’y introduit. M. Diallo, fieffé de l’Ufdg aurait rapatrié sa famille et cherchait à évaluer, en catimini, les dégâts subits par les ressortissants de la Moyenne Guinée, d’où lui-même est originaire.

Une vieux peulh ancien de l’administration, rencontré quelque part dans une ruelle menant vers la cité administrative de Siguiri, a témoigné : « L’acte était prémédité. La stratégie du Rpg est de chasser les peulhs de Siguiri, pour préparer la fraude en faveur de Alpha Condé.» Au bord des larmes, notre interlocuteur a ajouté : « El Hadj Pathé Barry, originaire de la sous-préfecture de Saramoussaya, préfecture de Mamou, né à Siguiri il y a 82 ans, a quitté Siguiri hier matin (jeudi 28 octobre Ndlr). Il était le représentant des sages peulhs à Siguiri. Il a ses enfants ici. C’est un handicapé, qui a donné toute sa vie à Siguiri. Il a plus de 22 enfants mariés à Siguiri, mais il a quitté Siguiri avec les larmes. Nous l’avons prié de rester, mais il a menacé de se suicider, c’est alors qu’on l’a envoyé à Saramoussaya. Cela m’a donné à réfléchir. Il n’y a pas de raison qu’on nous batte, qu’on nous tue à Siguiri. Nous avons passé plus de la moitié de notre existence ici… Mais nous allons quitter avec un pincement au cœur, pour des raisons politiques. »

Comme ces témoins, il y en a eu plusieurs autres victimes accusées d’avoir fait que Cellou Dalein Diallo a été deuxième à Siguiri, devant Mamady Diawara du PTS, natif de la localité et après Alpha Condé. Ce sont entre autres : Mamadou Aliou Barry qui déclare «qu’aucun être humain, si intelligent soit-il, ne pourra jamais dire avec exactitude, les pertes que les peulhs ont subies à Siguiri entre vendredi 22 et samedi 23 octobre 2010. »

Ce ressortissant de Tougué, de la localité de Koïn-Kansangui, rencontré à la gare routière de Siguiri le 28 octobre alors qu’il venait d’assister au départ de sa famille, raconte qu’il a été victime des pillages comme les autres ressortissants de la Moyenne Guinée, au nez et à la barbe des forces de sécurité et de l’ordre, basées à Siguiri. D’où il réside il y a une trentaine d’années. Il a dit qu’il cherchait des moyens pour son retour définitif à son Tougué d’origine.

Le lendemain, nous l’avons croisé en plein marché de Siguiri, avec en main des cartes de recharges téléphoniques. Comme un mendiant, il nous a interpellé et confié avoir perdu «une caisse condamnée » d’où il mettait du lundi au vendredi «dix mille francs guinéens, chaque jour, il y a une vingtaine d’années.»

Abdoul Aziz Diallo, originaire de Labé, Hafia, victime des pillages dans les boutiques de M. Baba Hann a dit: « Je rentrais d’un voyage sur Conakry, mais on m’a tout emporté. J’avais apporté beaucoup de marchandises dont je ne peux estimer la valeur. » Il accuse, comme ces prédécesseurs, les autorités d’être restées indifférentes face aux exactions commises par les militants du RPG sur les militants de l’UFDG.

Nous avons, en vain essayé, de joindre un certain Daye Kamissoko, jeune membre influent du RPG, plusieurs fois cité, par les militants du camp adverse dans la conduite des scènes de pillages enregistrées à Siguiri. Son numéro de téléphone, nous a toujours joué aux abonnés absents.
Nous avons été indexé, à plusieurs reprises, par des jeunes siguirinkas nerveux, pour nous demander de ne pas photographier les lieux vandalisés, pillés ou détruits par certains d’entre eux. A la gare routière de Siguiri, nous avons été arrosé de tous les noms d’oiseau, pour avoir photographié un camion, qui venait de faire son plein de passagers pour Dinguiraye. – AfricaLog.com
 

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