Les Ivoiriens se rendaient dimanche aux urnes pour le second tour d'une élection présidentielle historique qui doit clore une décennie de crises politico-militaires, un scrutin dans le calme après une semaine de violences parfois sanglantes.
Quelque 5,7 millions de personnes ont commencé à 07H00 (locales et GMT) - ou un peu plus tard, en raison notamment de manque de matériel électoral - à départager le sortant Laurent Gbagbo et l'ex-Premier ministre Alassane Ouattara, qui avaient réuni 38% et 32% des suffrages au premier tour le 31 octobre.
La participation avait alors été exceptionnelle (83%), mais dans de nombreuses zones l'affluence semblait moindre ce dimanche à la mi-journée.
"Je suis venue pour que mon pays soit libéré avec ces élections", "libéré de la guerre, la violence", a expliqué à l'AFP Elisabeth Ahoussi, commerciale, dans le quartier administratif du Plateau à Abidjan.
Naguère rare exemple de stabilité en Afrique de l'Ouest, le pays a plongé dans la tourmente après le coup d'Etat de 1999 et le putsch raté de 2002, qui a entraîné des affrontements et la prise de contrôle du nord par une rébellion rebaptisée Forces nouvelles (FN).
Etudiante venue spécialement d'Abidjan pour voter dans sa ville de Bouaké (centre), fief des FN, Aminata Coulibaly reconnaissait avoir "peur": "on vient voter mais on ne sait pas comment ça va se terminer".
Le scrutin, à l'issue totalement incertaine, se déroulait dans le calme et sous la surveillance de discrètes forces de l'ordre.
Ce climat contraste avec la campagne, marquée par des affrontements entre partisans des deux camps qui ont causé la mort d'un militant pro-Gbagbo et fait de nombreux blessés.
Samedi après-midi dans le quartier populaire d'Abobo, fief de M. Ouattara à Abidjan, au moins trois personnes ont été tuées lors de heurts entre police et opposants qui protestaient contre le couvre-feu instauré pour la nuit et jusqu'à mercredi.
La mesure a été décrétée à la surprise générale par le chef de l'Etat, qui a dit vouloir "dissuader quelques extrémistes".
Si le camp Ouattara y a vu aussitôt une volonté de "fraude", les longues discussions de samedi entre les candidats et le médiateur, le président burkinabè Blaise Compaoré, n'ont abouti pour l'heure à aucun changement concernant le couvre-feu.
Les deux prétendants ont lancé ensemble un appel au calme et se sont engagés à respecter le verdict des urnes.
Durant la semaine écoulée, ils avaient eux-mêmes créé un climat électrique en s'accusant à longueur de meetings de toutes les épreuves qu'a connues le pays en une décennie, et en se traitant mutuellement de "putschiste".
Chacun s'est livré à d'impressionnantes opérations de séduction en direction de l'électorat d'Henri Konan Bédié, essentiellement son ethnie baoulé (centre).
Arrivé troisième avec 25%, l'ex-président a voté "tout naturellement" pour Alassane Ouattara, "candidat du RHDP" (Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix), alliance qu'ils ont forgée en 2005 après des années de déchirements.
"Nous sommes confiants", a-t-il dit dans un quartier chic d'Abidjan. Mais le camp Gbagbo estimait que la base de M. Bédié ne suivrait pas en masse sa consigne de vote.
De fortes pressions se sont exercées sur la commission électorale en vue d'une annonce des résultats plus rapide qu'après le premier tour, où l'attente avait créé tensions et rumeurs. Elle ne s'est pas cependant engagée formellement sur ce point, et a trois jours pour proclamer le vainqueur sur la base des données provisoires. - AFP