Le président tunisien Zine El Abdine Ben Ali s'est engagé jeudi à quitter le pouvoir au terme de son mandat en 2014 et a ordonné la fin des tirs contre les manifestants, dans l'espoir d'apaiser un mouvement de contestation sans précédent.
"Je vous ai compris", a martelé à plusieurs reprises le chef de l'Etat, au pouvoir depuis 23 ans, dans un discours à la Nation, le troisième prononcé depuis le début des émeutes mi-décembre. Ce mouvement de contestation et sa sanglante répression ont déjà fait au moins 66 morts, selon une ONG.
Il a évoqué pour la première fois son avenir politique : "pas de présidence à vie et je refuse de toucher à la limite d'âge fixée par la Constitution".
Il avait été réélu en octobre 2009 pour un mandat de cinq ans et était sollicité par des membres de son parti pour se représenter en 2014. Mais les manifestants exigent depuis plusieurs semaines son départ.
La Constitution limite l'âge des candidats à la présidence à 75 ans et il était question pour ses partisans de l'amender pour qu'il se représente en 2014, date à laquelle il aurait 77 ans.
"Assez de tirs à balles réelles", a-t-il ajouté dans ce discours prononcé en tunisien dialectal, dans l'intention apparente de se faire comprendre par tous les Tunisiens. "Je refuse de voir de nouvelles victimes tomber (...) Assez de violences, assez de violences", a-t-il poursuivi, en affirmant que "personne ne serait plus inquiété à moins qu'il tente de se saisir de l'arme d'un agent de l'ordre".
Au moment même où il ordonnait la fin des tirs, deux civils étaient tués par la police à Kairouan, dans le centre du pays, selon des témoins.
Cet appel à la fin des violences intervient au moment où la communauté internationale se préoccupe de plus en plus de l'aggravation de la situation, la France ayant haussé le ton jeudi en dénonçant "l'utilisation disproportionnée de la violence".
Le chef de l'Etat a également promis la "liberté totale" d'information et d'accès à internet, sujets sur lesquels il était critiqué notamment par les Etats-Unis.
Premier résultat concret après le discours présidentiel, les sites internet qui étaient bloqués en Tunisie, notamment Dailymotion et You Tube, étaient de nouveau accessibles jeudi soir.
Faisant un aveu d'un caractère exceptionnel, le président tunisien a en outre admis avoir été "trompé" sur l'analyse de la crise sociale qui agite la Tunisie depuis près d'un mois et affirmé que l'enquête qu'il a ordonnée serait indépendante et établirait les "responsabilités de chacun".
"La situation aujourd'hui rend nécessaire un profond changement et de travailler main dans la main (le pouvoir et les opposants) pour le bien du pays", a encore déclaré le président tunisien.
Des dizaines de partisans du chef de l'Etat ont défilé jeudi soir dans le centre de Tunis aux cris de "Ben Ali, Ben Ali !", quelques minutes après le discours et malgré le couvre-feu.
Le mouvement de contestation a débuté à Sidi Bouzid (centre-ouest) avant de s'étendre à d'autres villes pour toucher la capitale et ses environs ces dernières 48 heures.
Jeudi, un manifestant a été tué dans le centre de Tunis, ont raconté des témoins à l'AFP. Les forces de l'ordre avaient au préalable tenté de disperser les manifestants à coups de bombes lacrymogènes avant de tirer, selon ces témoins.
La station balnéaire tunisienne de Hammamet, prisée par les touristes européens, a été livrée aux pilleurs jeudi en fin d'après-midi, selon des journalistes de l'AFP arrivés dans cette cité située à 60 km au sud de Tunis.
La présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), Souhayr Belhassen, a affirmé à Paris détenir une liste nominative de 66 personnes tuées depuis le début des troubles mi-décembre, dont huit dans la nuit de mercredi à jeudi dans la banlieue de Tunis.
Aucun bilan officiel n'a été publié sur ces dernières violences qui se sont déroulées malgré le couvre-feu nocturne imposé dans la capitale et ses environs depuis mercredi soir.
Plusieurs ONG de défense des droits de l'Homme ont par ailleurs demandé la mise en place d'une commission d'enquête internationale sous l'égide de l'ONU.
Le leader d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Abou Moussab Abdel Wadoud, a quant à lui appelé les manifestants tunisiens à la lutte armée afin de renverser le président tunisien, selon le service américain de surveillance des sites islamistes SITE. - AFP