Les forces loyales à Laurent Gbagbo ont commencé jeudi à s'attaquer et à brûler des véhicules des Nations unies en Côte d'Ivoire, exacerbant les tensions entre le pouvoir détenu par le président sortant et l'organisation internationale qui a certifié l'élection de son rival, Alassane Ouattara.
"Le secrétaire général (de l'Onu) est très préoccupé par ce début d'attaques et d'incendies de véhicules des Nations unies par des forces régulières et irrégulières loyales à M. Gbagbo", a déclaré à New York Martin Nesirky, porte-parole de Ban Ki-moon.
Il a précisé que six attaques de ce genre avaient été perpétrées jeudi, dont une impliquant un véhicule militaire qui a été incendié.
D'après des responsables de l'Onu, une ambulance a reçu des jets de pierre qui ont blessé le chauffeur et le médecin.
En privé, des responsables de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire font état d'une situation de plus en plus tendue et propice à l'affrontement dans la cité lagunaire.
Ils affirment que les forces loyales à Laurent Gbagbo ont changé de tactique et, refusant la confrontation militaire, poussent désormais la population à s'attaquer de préférence aux véhicules de l'Onuci.
Cela complique singulièrement la tâche des casques bleus de l'Onuci, forte de 10.000 militaires et policiers, pour riposter à ces attaques dans ce pays puisqu'il n'est pas question pour l'Onu de blesser des civils.
"Gbagbo est en train de monter ses foules en colère contre l'Onuci", déclare un diplomate de l'Onu. "Et si les casques bleus ouvrent le feu sur la foule, ce sera le chaos total".
Certains responsables de l'Onu affirment redouter que le président sortant ne cherche à provoquer les casques bleus à tirer sur des civils dans le but de déclencher un vaste mouvement de boomerang qui contraindrait l'Onuci à plier bagages.
Convoi de l’ONU refoulé
Laurent Gbagbo avait demandé en décembre le retrait de son pays du contingent de l'Onu, ce à quoi s'est refusée l'Onuci en contestant la légitimité de la requête du chef de l'Etat sortant.
A New York, le Conseil de sécurité devait approuver (demain) vendredi un renfort de 2.000 hommes en faveur de l'Onuci mais selon des diplomates, le vote a été repoussé à la semaine prochaine.
Les forces fidèles à Laurent Gbagbo ont levé jeudi leur blocus autour du quartier d'Abobo, à Abidjan, qui avait été le théâtre de heurts entre camps politiques adverses. Six policiers y sont ont été tués mercredi. Il y avait eu cinq morts la veille.
Des habitants ont dit n'avoir entendu aucun coup de feu durant la nuit et que les militaires étaient partis jeudi matin.
Le général Philippe Mangou, chef d'état-major de l'armée, a annoncé qu'un couvre-feu avait été décrété entre 19h00 et 06h00 à Abobo et que des véhicules blindés de l'armée boucleraient le quartier. Jeudi aux premières heures, il a déclaré qu'il avait empêché l'Onuci de pénétrer à Abobo en raison de sa partialité.
"D'après le dernier compte rendu que nous avons reçu, le commandant de l'opération (de l'Onu) a été refoulé et a fait demi-tour", a-t-il dit à des journalistes après avoir rencontré Gbagbo dans sa résidence
"C'est de la provocation. C'est honteux de leur part parce que la mission initiale, c'était une force impartiale, c'était de faire l'interposition, de nous amener à la paix mais là, ça devient autre chose et nous trouvons que c'est véritablement honteux de la part de cette force-là", a-t-il ajouté.
Un capitaine de l'Onu ayant requis l'anonymat a déclaré que le représentant de l'Onu en Côte d'Ivoire, Choi Young-jin, se trouvait dans le convoi repoussé par les forces fidèles à Laurent Gbagbo.
Selon Navi Pillay, Haute-Commissaire aux droits de l'homme de l'Onu (HCDH), un troisième charnier a été découvert en Côte d'Ivoire.
Les Nations unies se sont vu refuser l'accès aux trois sites, dont un qui contiendrait 80 corps, a-t-elle dit à Reuters à Genève. Le troisième charnier se trouverait à Issia, près de Daloa, mais l'Onu n'a pu vérifier son existence, a ajouté son porte-parole, Rupert Colville. - Reuters