Au moins trois jeunes ont été tués par balles samedi à Abidjan, selon des témoins, lorsque les forces de l'ordre fidèles au président ivoirien sortant Laurent Gbagbo ont dispersé des partisans d'Alassane Ouattara qui entendaient répondre à l'appel à une "révolution" à l'égyptienne.
"Trop c'est trop, Gbagbo dégage": près de trois mois après le scrutin du 28 novembre qui a plongé le pays dans la crise, le camp de M. Ouattara, reconnu président par une grande partie de la communauté internationale, voulait par cette opération suivre les traces des Tunisiens et des Egyptiens pour chasser le sortant.
Mais les Forces de défense et de sécurité (FDS), qui dès vendredi soir avaient annoncé un couvre-feu nocturne pour tout le week-end dans la moitié sud contrôlée par le régime Gbagbo, ont dispersé à balles réelles et à coup de gaz lacrymogènes les rassemblements dans les quartiers populaires d'Abobo (nord) et Koumassi (sud).
Quand les FDS "sont arrivés sur le rond-point" d'Abobo, fief de M. Ouattara, "ils ont tiré sur la foule, la population s'est éparpillée mais ils ont poursuivi les gens", a raconté à l'AFP un habitant.
"Trois jeunes ont été tués par balles", a-t-il indiqué, faisant état de plusieurs blessés. Ce bilan a été confirmé par deux autres témoins. Des heurts à Abobo ont fait au moins une dizaine de tués parmi les FDS depuis janvier.
Dans les deux quartiers, les lieux de rassemblement ont été bouclés par les forces de l'ordre, suscitant la colère des manifestants qui avaient édifié des barricades de tables et de pneus enflammés.
"Ils vont devoir nous tuer tous aujourd'hui, nous n'accepterons pas ça parce qu'Alassane a gagné les élections!", lançait un jeune.
Le Premier ministre de M. Ouattara, le chef de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) Guillaume Soro, a exhorté ces derniers jours les Ivoiriens à "faire la révolution" comme en Tunisie et en Egypte, après avoir échoué à mobiliser la population depuis fin 2010.
Si à Abidjan, coeur du pouvoir, les manifestations ont été mises en échec, des rassemblements se sont déroulés dans le nord tenu par les FN depuis 2002.
Ce regain de tension survient alors que l'Afrique tente une nouvelle médiation pour clore une crise marquée par des violences qui, depuis mi-décembre, ont fait au moins 300 morts selon le dernier bilan de l'ONU.
Un panel de cinq chefs d'Etat désigné par l'Union africaine, présidé par Mohamed Ould Abdel Aziz (Mauritanie) et comprenant Idriss Déby Itno (Tchad), Jacob Zuma (Afrique du Sud), Blaise Compaoré (Burkina) et Jakaya Kikwete (Tanzanie), doit se réunir dimanche à Nouakchott.
Ils retrouveront les experts de l'UA en charge du dossier, qui leur présenteront le rapport auquel ils ont mis samedi la touche finale et qui contient des propositions de sortie de crise, ont indiqué des sources officielles mauritaniennes.
Le quintette est attendu lundi à Abidjan, pour arrêter d'ici fin février des solutions "contraignantes".
Mais la marge de manoeuvre est des plus étroites, aucun des deux rivaux ne paraissant prêt à renoncer.
Pendant ce temps, la Côte d'Ivoire sombre dans un marasme financier et économique lourd de conséquences pour les habitants.
La stratégie d'asphyxie tentée par M. Ouattara et ses alliés extérieurs a conduit cette semaine à la fermeture de la plupart des banques commerciales.
Les filiales des banques françaises Société Générale et BNP Paribas ont été dans la foulée réquisitionnées par le gouvernement Gbagbo, qui n'a toutefois pas dit comment il comptait avoir accès aux fonds. - AFP