Des milliers de jeunes partisans du président ivoirien sortant Laurent Gbagbo cherchaient lundi à s'enrôler dans l'armée alors que la Côte d'Ivoire, prise dans une meurtrière spirale de violences post-électorales, semble toujours au bord de la guerre civile.
Sur le terrain, les combattants des forces soutenant le président ivoirien reconnu par la communauté internationale Alassane Ouattara, ont pris lundi le contrôle d'une cinquième ville dans l'ouest du pays, Bloléquin, a-t-on appris auprès des deux camps.
Dans le même temps, la mission de l'ONU en Côte d'Ivoire (Onuci), forte de 10.000 hommes, était sous pression de la France et d'Alassane Ouattara pour mieux protéger les civils.
Plusieurs milliers de jeunes attendaient devant l'état-major lundi matin, a constaté l'AFP. "Je veux une kalach(nikov) pour défendre mon pays", a déclaré à l'AFP Cyprien, mécanicien de Yopougon, un quartier de l'ouest d'Abidjan considéré comme un fief de M. Gbagbo.
"J'ai répondu à l'appel du général Blé Goudé, je suis prêt à mourir pour mon pays et chasser ces rebelles", a renchéri Théodore, cordonnier.
Charles Blé Goudé, le chef des "jeunes patriotes", fervents partisans de M. Gbagbo, avait appelé les jeunes "prêts à mourir pour leur patrie" à "s'enrôler", au moment où le régime est défié à Abidjan par des insurgés pro-Ouattara.
Lors d'une cérémonie devant les locaux de l'état-major, le général Philippe Mangou, chef des Forces de défense et de sécurité (FDS), fidèles à M. Gbagbo, qui était accompagné de M. Blé Goudé, s'est adressé aux volontaires.
"Donnez vos coordonnées" dans un des dix points d'enregistrement et "repartez tranquillement, on vous convoquera le moment opportun", a-t-il dit, semblant donc indiquer que les volontaires ne seraient pas immédiatement intégrés dans les forces armées.
"Je salue votre engagement et votre détermination à défendre la souveraineté de la Côte d'Ivoire. Est-ce que je peux compter sur vous pour la défense de la souveraineté de la Côte d'Ivoire?", a-t-il lancé à la foule. "Oui, on veut des kalach", ont répondu les jeunes.
De nombreux observateurs, craignant d'éventuels dérapages, s'interrogent sur la formation et l'armement qui seront fournis à ces nouvelles recrues, peu habituées à la discipline militaire.
Pour Anne Ouloto, porte-parole de M. Ouattara, "armer des jeunes est suicidaire, c'est conduire les jeunes à l'abattoir" et cela constitue "un signe que Laurent Gbagbo est aux abois".
Les craintes sont d'autant plus vives que les violences se multiplient.
Entre 25 et 30 civils ont été tués jeudi, selon l'ONU, lors du pilonnage par les "forces armées du camp" Gbagbo du quartier d'Abobo (nord d'Abidjan), bastion des insurgés. Le gouvernement Gbagbo a dénoncé "un complot".
La communauté internationale a condamné ce massacre, l'ONU évoquant un possible "crime contre l'humanité". La crise post-électorale a déjà fait près de 440 morts, selon l'ONU.
L'Onuci a notamment pour mandat la protection des civils. Mais elle fait face à la vive hostilité du camp Gbagbo, qui demande son départ.
Régulièrement, la radio-télévision d'Etat RTI compte l'Onuci parmi les "ennemis de la Côte d'Ivoire", détaillant les nationalités des pays africains voisins qui la composent.
Mais l'ONU est également sous pression de la France, ex-puissance coloniale mise en cause par le régime Gbagbo, et du camp Ouattara.
Paris a estimé que l'Onuci "devrait jouer son rôle sans doute plus efficacement" car "elle a un mandat qui lui permet d'utiliser la force si des confrontations ou des violences s'exercent".
La porte-parole de M. Ouattara a renchéri: "l'ONU doit passer à l'action" pour "protéger les civils" et donner au président reconnu par la communauté internationale "les moyens de gouverner". - AFP