Les informations que les enquêteurs de l'ONU sur les droits de l'homme envoient sur la situation dans l'ouest de la Côte d'Ivoire sont "absolument horrifiantes", a déclaré vendredi à Genève le Haut commissaire aux droits de l'homme, Navi Pillay.
Les enquêteurs de l'ONU "découvrent de nouveaux corps tous les jours", a indiqué Mme Pillay dans un communiqué, mentionnant en particulier le corps d'une femme portant un bébé attaché sur son dos,
"Les informations envoyées par l'équipe des enquêteurs de l'ONU sur les droits de l'homme en Côte d'Ivoire sont absolument horrifiantes", a-t-elle dit.
"Au cours de la seule journée d'hier, ils ont trouvé 118 corps dans les trois villes de Duékoué, Bloléquin et Guiglo, dans l'ouest du pays", a-t-elle précisé.
Selon elle, "la situation à Abidjan est également épouvantable et en raison des combats incessants et de l'extrême insécurité (qui règne dans la capitale), nous avons été incapables d'évaluer toute l'étendue des violations (des droits de l'homme) au cours des derniers jours".
Rupert Colville, porte-parole de Mme Pillay, a déclaré à la presse que ces meurtres "semblent avoir eu au moins en partie un mobile ethnique". Les assassinats semblent avoir été commis au cours des derniers jours de mars.
"Certaines des victimes semblent avoir été brûlées vives et certains corps jetés dans un puits", a déclaré M. Colville.
Les agences humanitaires de l'ONU ont demandé vendredi l'ouverture de couloirs humanitaires en Côte d'Ivoire pour venir en aide aux populations qui fuient les violences.
"Il y a eu une escalade ces deux dernières semaines", a relevé M. Colville, avertissant qu'il fallait être "prudent au moment d'assigner des responsabilités".
Il a relevé que la confrontation entre le président internationalement reconnu Alassane Ouattara et le président sortant Laurent Gbagbo avait attisé les tensions ethniques dans la région.
Les nouvelles découvertes de corps interviennent après celle d'un charnier contenant près de 200 corps dans la ville de Duékoué.
Les combattants se réclamant d'Alassane Ouattara ont été accusés de crimes et de massacres de grande ampleur dans l'ouest au cours de leur rapide progression à partir du nord du pays, selon diverses agences humanitaires.
Mme Pillay a salué la promesse de M. Ouattara de rechercher le dialogue.
"La priorité est de faire tout ce qui est possible pour mettre fin aux assassinats et aux violations" des droits de l'homme, a souligné Mme Pillay. "Mais il est également important de mettre fin à l'impunité en Côte d'Ivoire", a-t-elle souligné, avertissant MM. Ouattara et Gbagbo qu'ils pourraient être tenus responsables des actes de violence commis par leurs partisans.
"Le mandat sur la protection des populations civiles sera appliqué partout. Les mêmes mesures énergiques seront appliquées partout où il y aura utilisation des armes lourdes contre les populations civiles", a expliqué une porte-parole de l'ONU à Genève, Corinne Momal-Vanian.
Face à l'escalade de la violence, "le Programme alimentaire mondial et d'autres agences lancent un appel à l'ouverture de corridors humanitaires en Côte d'Ivoire", explique le PAM dans une note aux médias.
"C'est un appel à tous les acteurs sur le terrain. Nous avons besoin d'une situation sécuritaire qui permet à nos camions" de se rendre sur place, a ajouté une porte-parole de l'agence, Emilia Casella.
L'agence onusienne indique avoir distribué des vivres pour six jours à Duékoué où des milliers de personnes sont notamment réfugiées dans la mission catholique.
Le PAM prévoit par ailleurs de distribuer de l'aide la semaine prochaine à environ 30.000 personnes déplacées dans la région de Danane et à près de 20.000 autres à Bouaké (nord), Bouna (nord), Tiébissou (centre) et Korhogo (nord).
Pour sa part, la porte-parole du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (Unicef), Marixie Mercado a mis en garde contre le risque "réel" d'"apparitions en masse de maladies" en Côte d'Ivoire et parmi les réfugiés ivoiriens au Liberia.
Une porte-parole de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Fadela Chaïb, a ainsi dit qu'il existait un risque de réapparition du choléra à Abidjan en raison de la pénurie croissante d'eau dans la ville.
M. Gbagbo, qui refuse de céder le pouvoir, était toujours retranché vendredi soir dans la résidence présidentielle, défendue par plusieurs centaines de combattants. - AFP