Le président tunisien déchu Zine El Abidine Ben Ali est sorti lundi de son silence pour dénoncer comme une «mascarade» le procès instruit à son encontre à Tunis et les perquisitions menées dans ses bureaux, via son avocat français Jean-Yves Le Borgne.
C'est la première fois que M. Ben Ali s'exprime, même indirectement, depuis qu'il a dû quitter le pouvoir le 14 janvier après près d'un mois de contestation populaire réprimée dans le sang. Il avait fui son pays pour Jeddah, en Arabie saoudite, où selon un proche de sa famille il a été mi-février victime d'un AVC (accident vasculaire cérébral) qui l'a plongé dans le coma. La rumeur de sa mort avait alors couru.
«Lassé (du) rôle de bouc émissaire reposant sur le mensonge et l'injustice, le président Ben Ali sort exceptionnellement de sa réserve», explique Me Le Borgne dans un communiqué transmis lundi à l'AFP.
Selon lui, «les perquisitions effectuées dans ses bureaux officiels et personnels ne sont que des mises en scène destinées à le discréditer» et «le procès que la Tunisie instruit à son encontre n'est qu'une mascarade dont le seul sens est d'illustrer une rupture symbolique avec le passé».
M. Ben Ali affirme également par le biais de son conseil parisien «qu'il ne possède ni biens immobiliers ni avoirs bancaires en France, non plus que dans un autre pays étranger».
«L'opinion, souvent guidée par la presse, s'est enfermée dans un manichéisme élémentaire selon lequel le régime politique tunisien d'hier est responsable de tous les maux et coupable de tous les crimes», déplore l'avocat.
«Ainsi cultive-t-on la haine envers le président Ben Ali et ceux qui, parents ou collaborateurs, ont été à ses côtés», poursuit-il, estimant que cette détestation et ce culte du regard en arrière tiennent lieu de légitimité au pouvoir transitoire et confus actuellement en place» en Tunisie.
Le ministère tunisien de la Justice a annoncé la semaine dernière que le président déchu et son épouse Leïla Trabelsi seraient jugés par contumace «dans les jours ou les semaines à venir» pour deux premières affaires.
Un premier dossier porte sur «la découverte d'armes et de drogues dans le palais présidentiel de Carthage», le deuxième sur 27 millions de dollars en liquide découverts en février par la commission tunisienne anticorruption dans un palais de Ben Ali à Sidi Bou Saïd dans la banlieue nord de Tunis, selon un porte-parole du ministère.
Selon lui, 88 enquêtes au total sont en cours concernant le couple Ben Ali, sa famille et d'anciens ministres et responsables du régime déchu. Elles concernent des cas d'homicides volontaires, abus de pouvoir, malversation, trafic de pièces archéologiques, blanchiment d'argent et violation de la réglementation sur les marchés publics.
Plusieurs pays européens ont gelé les avoirs de l'ex-président tunisien et ceux de sa famille, qui s'était considérablement enrichie pendant ses 23 ans de pouvoir.
M. Ben Ali a fait appel à un avocat libanais de renom, Me Akram Azouri, pour assurer sa défense devant les tribunaux tunisiens et internationaux. «Nous travaillons ensemble», a indiqué à l'AFP Me Le Borgne, vice-bâtonnier du barreau de Paris.
En France, le parquet de Paris a ouvert en janvier une enquête préliminaire pour recenser et identifier l'origine des biens détenus par l'ex-président Ben Ali et son entourage, à la suite d'une plainte pour corruption de trois ONG: Transparence International (TI) France, Sherpa et la Commission Arabe des droits humains.
Les associations soupçonnent que cette fortune n'est «pas le fruit des seuls salaires et émoluments» du président déchu et demandent un recensement des avoirs du clan Ben Ali et leur restitution au peuple tunisien. – avec AFP