Le dirigeant contesté Mouammar Kadhafi s'est engagé à se battre jusqu'à la mort même s'il reconnaît être "le dos au mur", en dénonçant les raids de l'Otan ayant tué des civils en Libye et provoqué des divisions au sein de l'Alliance.
Dans le même temps, les 28 pays industrialisés membres de l'Agence internationale de l'énergie ont décidé de puiser 60 millions de barils de pétrole dans leurs stocks stratégiques afin de compenser l'arrêt des exportations libyennes. Cette annonce a entraîné une dégringolade des cours, qui perdaient plus de 8 dollars à Londres et près de 6 dollars à New York.
Plus de quatre mois après la naissance d'une révolte transformée en conflit armé, et alors que des bavures ont entaché la campagne de l'Otan, le leader libyen a promis dans un message sonore diffusé dans la nuit de mercredi à jeudi que "la bataille se poursuivra jusqu'à l'au-delà".
Il réagissait à un raid aérien de l'Otan qui a visé lundi selon le régime une résidence de Khouildi Hemidi, un homme politique influent et vieux compagnon de route du colonel Kadhafi, tuant 15 personnes dont des enfants, à Sorman, à 70 km à l'ouest de Tripoli.
L'Otan, qui a pris le 31 mars la direction des opérations internationales, a admis avoir mené un raid dans cette zone affirmant cependant qu'il s'agissait d'un "raid de précision" visant un "centre de commandement et de contrôle de haut niveau" et non une cible civile.
"Il n'y a plus aucun accord entre nous après que vous ayez tué nos enfants et nos petit-enfants", a poursuivi M. Kadhafi en soulignant que son régime était le "dos au mur" et qu'il n'avait pas d'autre choix que de "résister jusqu'à la mort".
"Nous resterons, nous résisterons et nous n'allons pas nous soumettre", a-t-il martelé.
Mahmoud Shammam, porte-parole du Conseil national de transition (CNT, l'organe politique de la rébellion), a pour sa part estimé, dans une interview au quotidien français Le Figaro à paraître vendredi, que M. Kadhafi devait se résigner à partir ou bien accepter une mise en retraite dans une zone reculée de la Libye.
"Nous ne voyons pas d'inconvénient à ce qu'il se retire dans une oasis libyenne, sous contrôle international", explique-t-il.
Il a part ailleurs indiqué que les rebelles libyens avaient des contacts indirects avec des représentants des autorités de Tripoli.
"Des contacts sont en cours par le biais d'intermédiaires. Mais ces négociations ne sont jamais directes", a-t-il affirmé.
Toutefois à Benghazi, le vice-président du CNT Abdul Hafiz Ghoga, invité à réagir a affirmé qu'"il n'y a pas de contacts directs ou indirects avec le régime de Kadhafi".
Pays abritant le QG de l'opération de l'Otan et des bases aériennes d'où décollent les bombardiers alliés, l'Italie a jeté un pavé dans la mare en dénonçant mercredi les raids contre les civils et l'enlisement du conflit qui a fait depuis le 15 février des milliers de morts.
Son ministre des Affaires étrangères Franco Frattini a ainsi estimé que "la suspension des actions armées est fondamentale pour permettre une aide immédiate" en Libye.
Mais cette proposition a été aussitôt rejetée par la France, pour qui une pause, même humanitaire, risquerait de permettre à M. Kadhafi "de se réorganiser".
Le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, a assuré que les opérations allaient "continuer" pour éviter que "d'innombrables civils supplémentaires perdent la vie".
"Je souhaiterais bien avoir un cessez-le-feu (pour permettre) le passage de l'aide humanitaire", a dit le général Charles Bouchard, à la tête de l'opération de l'Otan en Libye. Mais, a-t-il mis en garde, le régime pourrait en profiter pour se réarmer.
Sur le front de l'Est, figé depuis plusieurs semaines, le colonel rebelle Ahmed Omar Bani a exhorté jeudi les alliés de fournir des armes, des équipements d'entraînement et des systèmes de communication.
L'Otan a déjà prolongé la campagne "Protecteur unifié" jusqu'en septembre, malgré la grogne qui s'élève dans les rangs de certaines armées alliées et les Parlements nationaux, comme à Washington.
A la pointe de l'opération, avec la France et les Etats-Unis, le Royaume-Uni évalue à 281 millions d'euros la facture des six premiers mois de raids aériens britanniques en Libye, "si les opérations se poursuivent au niveau actuel", selon une déclaration écrite du ministre de la Défense Liam Fox diffusée jeudi.
Par ailleurs, un navire transportant 49 réfugiés libyens, dont 19 officiers de la police et de l'armée ayant fait défection, est arrivé jeudi matin dans le sud de la Tunisie, a rapporté l'agence tunisienne TAP. – avec AFP