L'avocat Robert Bourgi a jeté un pavé dans la mare de la "Françafrique" en accusant Jacques Chirac et Dominique de Villepin d'avoir reçu pendant dix ans par son intermédiaire des fonds occultes de chefs d'Etat africains.
Robert Bourgi déclare au Journal du Dimanche avoir été chargé de transferts de fonds entre plusieurs chefs d'Etat d'Afrique francophone et l'Elysée sous la présidence de Jacques Chirac.
Il évoque des sommes de plusieurs dizaines de millions de dollars, ayant notamment servi à financer la campagne de Jacques Chirac pour la présidentielle de 2002.
"J'étais le porteur de valises de Chirac puis Villepin," dit Robert Bourgi, qui affirme avoir "vu Chirac et Villepin compter les billets."
Jacques Chirac et Dominique de Villepin ont annoncé dimanche à tour de rôle qu'ils allaient déposer plainte en diffamation contre Robert Bourgi.
L'avocat a confirmé dimanche sur RTL les accusations qu'il formule dans le JDD et dit se tenir à la disposition de la justice.
"Je remettais l'argent, de 1995 jusqu'en 2005, et je disais aux destinataires, soit au président de la République, M. Chirac, soit à M. de Villepin, il y a trois, quatre, cinq millions de dollars", a dit l'avocat. "Ce que devenait cet argent, je l'ignore. De trace, il n'y en a pas."
Interrogé par le JDD, Dominique de Villepin, qui fut tour à tour secrétaire général de l'Elysée, ministre et Premier ministre sous la présidence de Jacques Chirac, a formellement démenti les accusations de Robert Bourgi.
"Tout cela n'est que fariboles et écrans de fumée", dit-il. "Je n'ai jamais cessé, depuis 1993, de me mobiliser contre les réseaux de quelque nature que ce soit, en vue d'une moralisation de la vie politique dans le cadre fixé par Jacques Chirac."
Dominique de Villepin a ensuite réagi dimanche sur France 3, parlant d'accusations "indignes" et "mensongères".
"VIEILLES QUERELLES"
"On voit l'acharnement, la volonté de salir la présidence de Jacques Chirac", a-t-il dit. "On voit une volonté de réactiver des vieilles querelles entre chiraquiens, sarkozystes et balladuriens."
L'ancien Premier ministre a souligné que ces accusations sortaient "à un moment très particulier", soit pendant le procès de Jacques Chirac dans l'affaire des emplois fictifs de la Ville de Paris et à l'approche de la décision de la cour d'appel dans l'affaire Clearstream, dans laquelle quinze mois de prison avec sursis ont été requis contre Dominique de Villepin.
François Hollande, favori de la primaire socialiste pour la présidentielle de l'an prochain, a réagi en demandant l'ouverture d'une enquête judiciaire.
"Moi, ce que je demande, c'est que le garde des Sceaux puisse demander au parquet d'ouvrir immédiatement une procédure judiciaire parce qu'on doit savoir ce qui s'est passé pendant toutes ces années, parce que ce sont de graves infractions à la législation sur le financement des campagnes électorales, et peut-être même davantage", a dit François Hollande sur Canal+.
Le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer (UMP) a évoqué pour sa part sur Radio J la possibilité de saisir une commission d'enquête parlementaire sur les "affirmations sans le moindre début de commencement de preuve", de Robert Bourgi.
LA "RÉPUBLIQUE DES MALLETTES"
L'avocat à l'origine des révélations est le dernier grand acteur de la "Françafrique", une relation privilégiée entre la France et ses anciennes colonies d'Afrique noire reposant sur des réseaux d'influence.
Cet homme de 66 ans d'origine libanaise, né à Dakar, a été jusqu'en 2005 un discret "Monsieur Afrique" officieux de Jacques Chirac à l'Elysée avant de rallier Nicolas Sarkozy, qui lui a remis la Légion d'honneur fin 2007.
Henri Guaino, proche conseiller du président, a cependant démenti dimanche le fait que Robert Bourgi soit un conseiller de Nicolas Sarkozy.
"Il est ce que vous voulez mais il n'est pas conseiller du président de la République", a dit Henri Guaino en marge d'une réunion de l'UMP à Nice.
Les accusations de Robert Bourgi interviennent quelques jours après la publication du livre de Pierre Péan, "La République des mallettes", qui affirme que Dominique de Villepin aurait reçu une vingtaine de millions de dollars de chefs d'Etat africains entre 1992 et 2005.
L'ancien Premier ministre, dont l'inimitié avec Nicolas Sarkozy est notoire et qui entretient toujours le mystère quant à une éventuelle candidature de sa part à la présidentielle de l'an prochain, a dénoncé "un livre de fantasmes".
Robert Bourgi affirme que Nicolas Sarkozy n'était mêlé en rien aux versements effectués par les chefs d'Etat africains. Dans son livre, Pierre Péan cite pourtant un conseiller de Jacques Chirac qui affirme que l'avocat a déposé avant 2007 une mallette aux pieds de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur. L'Elysée a refusé de commenter cette information. – AfricaLog avec Reuters