Certains observateurs ont estimé que le déplacement du Premier ministre Mohamed Saïd Fofana à Labé avait pour objectif de réparer «la gifle» que le Président a donnée aux sages lors de leur rencontre du 9 octobre dernier. La réponse suivante d’Alpha Condé n’avait pas plu aux émissaires du Foutah: «J’ai retenu ce que vous avez dit. Moi, je ne suis contre personne. Je suis pour l’unité de la Guinée. Beaucoup de Guinéens sont morts en 1985, beaucoup de Guinéens sont morts en 2007, beaucoup de Guinéens sont morts le 28 septembre. Mais un mort égal un mort ! La Guinée doit s’assumer. Ce ne sont pas les Blancs qui ont fait le Camp Boiro, ce ne sont pas les Blancs qui ont fait 85, ce ne sont pas les Blancs qui ont tué les Guinéens en 2007, ce ne sont pas les Blancs qui ont tué le 28 septembre. C’est nous Guinéens ! Nous devons l’accepter. Je refuse la manipulation. Celui qui est mort au Camp Boiro, celui qui est mort en 1985, celui qui est mort en 2007, celui qui est mort le 28 septembre, ce sont des Guinéens qui sont morts. On doit rendre justice à tous ces Guinéens.»
Et Alpha Condé a rappelé à ses visiteurs: «Le président Lansana Conté, que Dieu ait son âme, il m’a mis en prison. Mais j’ai pris 150 imams, nous sommes montés à Waawa avec sa famille. On a fait des bénédictions, des sacrifices, pour que son âme repose en paix. Sékou Touré m’a condamné à mort. Mais j’ai pris les Imams, j’ai pris ses enfants, on a été prié à Fayçal pour que son âme repose en paix. Pourquoi j’ai fait cela ? C’est pour dire aux Guinéens que nous devons apprendre à nous pardonner. Personne ne viendra du dehors pour nous développer. Seulement nous les Guinéens. J’ai demandé à nos deux sages de se concerter avec tous les sages dans toutes les préfectures et qu’ensemble vous disiez ce qu’on peut faire pour réconcilier les Guinéens. Vous les sages vous connaissez la Guinée mieux que moi. Vous pouvez mieux nous indiquer la voie… Moi, je veux la réconciliation des Guinéens. Je ne recherche pas la réconciliation des hommes politiques, mais la réconciliation des Guinéens. Et je me bats pour ça. Et je ferai en sorte que la Guinée qui est une voiture, ait ses quatre roues. Je redresserai les injustices, s’il y’en a. Mais personne ne va m’impressionner. Ceux qui ont mis le pays à terre, ou quelques cadres qui crient parce qu’ils veulent des postes, ils m’attaquent en pensant que je vais les appeler pour les donner des postes, mais moi, je ne suis pas quelqu’un qu’on impressionne. Ils peuvent crier jusqu’à demain. Je respecte tout le monde. Mais, personne ne peut m’intimider. Je me suis battu pendant 50 ans. Je n’ai pas eu peur de la prison. Je n’ai pas eu peur de Sékou Touré. Alors, il ne faut pas qu’ils se trompent. Donc vraiment, jugez-moi sur ce que je fais, sur ce que je dis, non ce qu’on vous dit. Ma porte est ouverte… Si vous pensez que j’ai posé un acte injuste, vous me le dites et je redresse. Mais si vous n’avez pas raison, je vous dirai : malgré le respect que j’ai pour vous, je ne suis pas d’accord. Alors réellement, je veux l’unité de la Guinée. Je veux que la Guinée se développe. Je veux qu’on respecte la Guinée…»
L’autre réponse qu’Alpha Condé a donnée aux sages du Foutah a porté sur l’abattage des bœufs à Beyla et Lola, deux préfectures de la Guinée Forestière. Le Président avait dit aux sages que ces bœufs sont venus de la Côte d’Ivoire. Or, le gouverneur de N’Zérékoré, Mohamed Ismaël Traoré, avait reconnu que ces bœufs appartiennent bel et bien à des Guinéens. Plus de 2 000 têtes de bœufs abattus et ou disparus ont été comptabilisés par les nombreuses victimes.
Les sages du Foutah qui avaient demandé la bienveillance du président pour libérer les militants de l’opposition interpellés le 27 septembre dernier n’ont pas obtenu de réponses favorables d’Alpha Condé. Ces prévenus défilent devant la barre de trois tribunaux de première instance de Conakry depuis le 30 septembre.
Selon une source locale, le Premier ministre a rappelé aux sages de Labé que le Président de la République a demandé qu'il s’y rendre, il y a plus de deux semaines. Selon la même source, Mohamed Saïd Fofana a déclaré qu’il est à Labé avec une forte délégation pour «rencontrer la notabilité, les sages et les imams pour les transmettre les remerciements du Président Alpha Condé». Et de rappeler que «lors de la rencontre au Palais Sékhoutouréyah, les sages et les doyens ont transmis au Chef de l’Etat un message: un message de sagesse, un message de compréhension, un message qui traduit à la fois les sentiments, l’honnêteté, la sincérité, la vérité que les populations du Foutah souhaitaient transmettre au Chef de l’Etat.»
Notre source affirme que l’imam de la grande mosquée de Labé, El Hadj Badrou Bah, dans sa réponse, s’est félicité d’être informé que le message du Foutah avait retenu l’attention du Président Alpha Condé.
Labé a posé sa candidature pour l’organisation des festivités devant marquer le 55e anniversaire de l’indépendance de la Guinée, en 2013. Le Président a décidé cette année de faire tourner les célébrations dans les villes du pays. Notre source nous rapporte que les sages de Labé ont prié le Premier ministre d’être leur «interprète» et leur «champion, pour que la deuxième édition se fasse à Labé, après Boké.»
Cette candidature de Labé adressée au Premier ministre, a été faite il y a quelques jours, dit-on, par le préfet de Labé, Safioulahi Bah, en passant par le ministre de l’Administration du territoire et de la décentralisation. Une candidature accompagnée des bénédictions du calife général, El Hadj Thierno Abdourahmane Bah.
Rappelons que la délégation de Mohamed Saïd Fofana, sur la route du retour, est passée par les préfectures de Pita, Dalaba et Mamou.
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