A une semaine du second tour de l'élection présidentielle française, Dominique Strauss-Kahn resurgit dans la campagne, suscitant l'embarras du Parti socialiste et donnant une arme nouvelle à Nicolas Sarkozy face au favori François Hollande.
Le Parti socialiste, son candidat en tête, a pris nettement ses distances dimanche avec l'ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI), disqualifié pour la course à la présidence française par "l'affaire Nafissatou Diallo", soulignant qu'il n'avait pas sa place dans la campagne.
"Dominique Strauss-Kahn, il n'est pas dans la campagne présidentielle (...). Et donc, il n'a pas à y revenir de quelque manière que ce soit jusqu'à que cette campagne se termine, et j'espère se termine bien", a déclaré sur Canal+ François Hollande.
Les ex-"strauss-kahniens" Pierre Moscovici et Manuel Valls, respectivement directeur de campagne et directeur de la communication du candidat socialiste, ont souligné qu'il n'y avait pas de "retour" de Dominique Strauss-Kahn et qu'"il n'y aucune raison qu'il y revienne".
Ségolène Royal, rival malheureuse de Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2007, a été plus directe en affirmant qu'il était "indésirable". Quant à Martine Aubry, première secrétaire du PS, elle a estimé sur BFM TV qu'il y avait "mieux à faire que de parler de Dominique Strauss-Kahn".
C'est le quotidien britannique The Guardian qui a rouvert les plaies en publiant vendredi sur son site internet un article basé sur une interview de "DSK" au journaliste américain Edward Epstein dans laquelle il accuse ses rivaux politiques d'avoir exploité ses ennuis judiciaires à New York pour l'écarter de la primaire socialiste pour l'élection présidentielle.
Considéré comme le "champion" en puissance du PS pour le scrutin de 2012, grand favori des sondages, Dominique Strauss-Kahn avait été mis hors jeu après son arrestation à New York le 14 mai 2011 pour une agression sexuelle sur une femme de chambre du Sofitel de New York, Nafissatou Diallo.
Les poursuites au pénal contre l'ancien ministre socialiste ont été abandonnées en août dernier, mais il reste sous le coup d'une procédure civile. Rentré en France à l'été 2011, Dominique Strauss-Kahn a depuis été mis en examen pour proxénétisme aggravé et placé sous contrôle judiciaire par la justice française dans l'affaire dite du "Carlton de Lille".
Edward Epstein publie lundi sur internet un ouvrage sur les démêlés judiciaires américains de l'ex-patron du FMI ("Three Days in May : Sex, Surveillance and DSK" - "Trois jours en mai : sexe, surveillance et DSK-NDLR).
Dans l'entretien acheté par The Guardian, et dont la date de publication répond à une demande d'Edward Epstein en vue de la parution de son livre, Dominique Strauss-Kahn, qui s'était gardé de toute intervention dans la campagne électorale, explique qu'il projetait d'officialiser sa candidature le 15 juin 2011 mais que ses adversaires - en clair, Nicolas Sarkozy et l'UMP - l'en avaient empêché en tirant parti de l'affaire du Sofitel.
"Ce n'était pas ici une simple coïncidence", dit-il. "Peut-être ai-je fait preuve de naïveté politique, mais je ne croyais tout simplement pas qu'ils iraient aussi loin", témoigne-t-il.
L'ancien ministre socialiste affirme avoir été placé sous écoute par les services secrets français plusieurs semaines avant son arrestation à Manhattan.
"Trop c'est trop!", a répliqué samedi Nicolas Sarkozy, sommant Dominique Strauss-Kahn de s'expliquer avec la justice et d'"épargner aux Français" ses commentaires.
Le président sortant, que les sondages donnent battu, s'est saisi de ce développement fâcheux pour le PS afin de mettre en difficulté François Hollande, qui, dit-il, a "appelé à la rescousse une caution morale de poids". "Il ne manquait plus que lui et la famille est complète", a-t-il ironisé lors d'une réunion publique à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).
Conscient du retentissement, l'entourage de Dominique Strauss-Kahn a déclaré dimanche qu'il n'avait "donné aucune interview au Guardian". Ce que le quotidien n'a pas prétendu.
Le Guardian précise dimanche dans un communiqué que les propos en question ont été tenus durant un entretien de deux heures à Paris avec Edward Epstein le 13 avril et que Dominique Strauss-Kahn avait été clairement informé des projets éditoriaux.
"Il a été bien précisé à M. Strauss-Kahn que cette conversation était destinée tout à la fois à servir de matière au livre de M. Epstein et de source à un article qui serait publié dans le Guardian", souligne-t-il.
Coïncidence malencontreuse, le député socialiste Julien Dray a pris de court plusieurs ténors socialistes en invitant samedi soir, sans les prévenir, Dominique Strauss-Kahn à sa fête d'anniversaire dans un bar parisien. Cette soirée a été révélée sur Twitter par un journaliste du Point avec photos à l'appui.
Signe du malaise, des versions contradictoires circulent sur le déroulement de la soirée. Ségolène Royal a expliqué avoir quitté la fête pour éviter "DSK", "au nom du droit des femmes et du respect qui leur est dû". "Il est hors de question que je rencontre ce monsieur", a-t-elle dit sur BFM TV.
Egalement invité, Pierre Moscovici a déclaré à des journalistes qu'il était sur le départ lorsque l'ancien ministre est arrivé et Manuel Valls a dit n'avoir aucun commentaire à faire. François Hollande a précisé sur Canal+ qu'il n'avait pas été convié à cette soirée. – AfricaLog avec agence