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L’opposition visite ses militants en détention

May 29, 2012

«C’est très triste ce que nous avons constaté à l’intérieur de la prison», constate Mouctar Diallo des NFD. «La gendarmerie de Hamdallaye qui serait devenue aujourd’hui le nouveau "camp Boiro"», accuse Faya Millimouno. «Cette accusation du Collectif et de l’ADP est trop sévère», réagit Commandant Mamadou Alpha Barry, porte-parole de la Gendarmerie nationale.

Une délégation de l’opposition radicale s’est rendue lundi 28 mai à la maison centrale de Conakry pour, dit-elle, apprécier de visu les conditions de détention de ses militants interpellés suite à la marche du 10 mai 2012.

La visite qui était annoncée pour le samedi a été reportée à lundi, sous la conduite de Charles Pascale Tolno, leader du PPG, qui a mené les différentes démarches auprès des autorités pénitentiaires, la visite des lieux a duré près de deux heures.

Etienne Soropogui, Vice-président des Nouvelles Forces Démocratiques (NFD), était de la délégation: «l’objet de la visite au niveau de la maison centrale était de venir voir les conditions de détention des militants du Collectif et de l’ADP qui ont été arrêtés dans le cadre de la dernière manifestation de l’opposition le 10 mai dernier.

Nous avons rendu visite à ces jeunes et à ces femmes qui, faut-il le rappeler, n’ont rien fait pour se retrouver dans des conditions aussi difficiles que celles dans lesquelles nous les avons trouvés.

Ces détenus relèveraient tous des différents partis de l’opposition radicale : « Ces personnes ont été maltraitées au niveau des centres de transit qui servent aussi de centres de détention provisoire au niveau de l’escadron de la gendarmerie où ils ont été torturés comme des animaux».

Le jeune leader des NFD qui a séjourné lui-même à la maison centrale, il y a quelques mois, a dénoncé ces conditions de détention qui trancheraient d’avec l’option que l’on veut de la nouvelle Guinée, un Etat de droit: «les gens sont amassés comme des animaux et je crois que la République que nous voulons construire ne devrait pas s’accommoder de ces conditions pitoyables de détention et de traitement qu’on inflige aux adversaires d’opinion».

C’est pourquoi, Etienne Soropogui interpelle le Chef de l’Etat: «Aujourd’hui, nous sommes déçus que le Président Alpha Condé qui est lui-même passé dans l’opposition, qui est lui-même passé par la prison, soit en train de maltraiter des Guinéens, simplement parce que ils ne partagent pas les mêmes opinions».

Et pour lui, «le fait d’arrêter les jeunes et laisser les leaders qui ont appelé à manifester, constitue un moyen pour le régime en place, d’affaiblir la force de mobilisation de l’opposition dans son combat pour l’instauration de la démocratie dans le pays».

Etienne Soropogui de porter par la suite une accusation très grave: «Je vais vous dire aussi une chose importante qui, malheureusement se produit dans notre pays. Cela s’appelle le trafic humain. On vous signale qu’il y a eu soixante personnes qui ont été arrêtées. Mais au départ, vous aviez plus de trois cents personnes interpellées ! Les personnes qui ne sont pas venues ici ont dû monnayer leur liberté contre 500 mille à un million de francs guinéen».

La délégation de l’opposition dans la cour de la prison de Conakry. De gauche à droite: Etienne Soropogui, Charles Pascal Tolno, Dr Fodé Oussou Fofana, Mouctar Diallo, Dr Faya Millimouno

Les membres de la délégation ont unanimement dénoncé les conditions de détention de leurs militants. Le Président de la Génération Citoyenne (GéCi), garde un souvenir amer de cette visite: «Le seul regret, c’est de voir des enfants mineurs avec des bandits de grand chemin ; c’est de voir d’innocentes personnes vivre dans des conditions de vétusté au milieu des rats, au milieu des criminels».

En promettant d’œuvrer pour la libération de l’ensemble des détenus, Fodé Mohamed Soumah a déclaré, amer: «Nous avons vu des choses anormales, nous avons vu une nourrice avec son bébé, nous avons vu des mineurs, nous avons vu des enfants en classe d’examen, nous avons vu des universitaires, des vieilles personnes, nous avons aussi vu d’autres personnes qui sont en détention préventive. Il y a de sérieux dysfonctionnement de notre système judiciaire».

Mouctar Diallo, Président des Nouvelles Forces Démocratiques: «C’est très triste ce que nous avons constaté à l’intérieur de la prison. Nous avons vu des prisonniers mal traités, dans des cellules inappropriées. C’est inhumain ce que nous avons constaté. Vraiment, j’ai honte pour les autorités de la gendarmerie et de la police, j’ai honte pour les institutions républicaines, j’ai honte pour les chefs religieux, j’ai honte pour le gouvernement, j’ai honte pour le professeur Alpha Condé».

Parmi les détenus, une femme nourrice. Comme une leçon très bien maîtrisée, la soixantaine d’individus laissaient entendre aux visiteurs le même refrain: «Nous avons été arrêtés devant nos domiciles» tout en accusant: «certains parmi nous ont subi dans les escadrons mobiles, des traitements dégradants et inhumains».

Dr Faya Millimouno témoigne: «tous les prisonniers que nous avons vus, nous ont indexé la gendarmerie de Hamdallaye qui serait devenue aujourd’hui le nouveau "camp Boiro" [camp de sinistre mémoire qui servait à torturer les prisonniers de conscience sous le régime de feu le Président Ahmed Sékou Touré, NDLR]. C’est là que les tortures se font. C’est là que les gens sont soumis à des diètes. Il y a des enfants, des mineurs. Tous, nous ont dit être malades. Dès que vous les voyez, vous vous rendez compte qu’ils sont visiblement malades. Ça, c’est la Guinée d’aujourd’hui».

M. Millimouno de faire remarquer: «Il faut que le peuple de Guinée et au-delà, nous sachions que ce qui se passe à Conakry dans les commissariats de police, dans les gendarmeries. Contrairement à ce que le chef d’Etat major de la gendarmerie nous dit, dans ces gendarmeries, c’est devenu aujourd’hui le camp "Boiro". Voilà la Guinée que l’on est en train de nous construire. Il y a des choses pathétiques que nous vivons dans notre pays. Notre pays est en train d’aller à reculons», devait-il regretter.

La réaction du Haut Commandement de la gendarmerie nationale est portée par son officier chargé de communication. Le Chef de bataillon Mamadou Alpha Barry rejette en bloc ces accusations: «En aucun cas, le Haut Commandement de la gendarmerie nationale ne saurait ériger un escadron de gendarmerie mobile en "camp Boiro". Cette accusation du Collectif et de l’ADP est trop sévère».

L’officier porte-parole rappelle toutefois à l’ordre, le personnel exécutant de la gendarmerie: «le Haut Commandement de la gendarmerie nationale en appelle à l’esprit patriotique de tout le personnel gendarme au respect des principes régaliens de protection et de défense des Guinéens et de leurs biens».

Le leader des NFD, Mouctar Diallo a conclu les interventions en annonçant: «Le combat va continuer pour que tous les sacrifices qui ont été consentis ne soient pas vains. Nous sommes prêts à mener tous les combats nécessaires pour que la Guinée soit unie, paisible et prospère».

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