Le Gabon a désigné mardi son chef de l'Etat par intérim, la présidente du Sénat Rose Francine Rogombé, qui prendra ses fonctions mercredi dans le strict respect de la voie constitutionnelle après le décès en Espagne du président .
"Les fonctions de président de la République sont provisoirement exercées par le président du Sénat", a déclaré Marie-Madeleine Mborantsuo, la présidente de la Cour constitutionnelle, ajoutant que Mme Rogombé, 66 ans, devrait prêter serment mercredi pour prendre effectivement ses fonctions. La dépouille mortelle du doyen des chefs d'Etat africains en exercice, décédé lundi à l'âge de 73 ans, sera rapatriée jeudi avant des obsèques qui devraient débuter le lendemain pour quatre jours. Auparavant, le Conseil des ministres avait voté la saisine de la Cour constitutionnelle "pour constater la vacance du pouvoir". "L'important, c'est de respecter les institutions et la mémoire du président", a déclaré à l'AFP la ministre de la Communication, Laure Olga Gondjout, à l'issue de la réunion de ce conseil dont sont sorties plusieurs femmes ministres en pleurs. Mme Rogombé doit désormais conduire le pays jusqu'à l'organisation, dans les 45 jours au plus tard, d'un scrutin présidentiel auquel elle ne pourra participer. Investie de presque tous les pouvoirs du président élu, elle ne pourra ni organiser de référendum, ni dissoudre l'Assemblée. Juriste, membre du Parti démocratique gabonais (PDG, fondé par M. Bongo), plusieurs fois secrétaire d'Etat dans des gouvernements de Léon Mebiame (1975-1990), elle avait été élue en février à la tête du Sénat pour six ans, devenant la première Gabonaise à diriger une institution parlementaire. "Nous suivons strictement la voie constitutionnelle", a affirmé à l'AFP le ministre de l'Intérieur, André Mba Obame, "contrairement à toutes les supputations, à tous les projets machiavéliques qu'on prêtait aux uns et aux autres, et notamment au ministre de la Défense", Ali Ben Bongo, un des fils du président défunt, souvent présenté comme successeur possible de son père. "On suit la Constitution à marche forcée", a toutefois commenté à l'AFP une source proche de la présidence, "parce que le clan Bongo n'avait pas eu le temps de préparer autre chose".
"Il y a un problème majeur : les listes électorales", a relevé cette source. "Organiser des élections démocratiques en 45 jours est impossible. Si on regroupait toutes les listes locales, on aurait deux millions d'électeurs...", pour une population totale autour d'un million et demi d'habitants. Un report de l'élection présidentielle est "probable", a-t-elle ajouté. "Tout le monde est d'accord : le gouvernement, le clan Bongo, comme l'opposition". Un ancien éditorialiste du quotidien national L'Union soutient aussi qu'"il y aura une élection, car c'est le seul moyen de préserver ses biens pour le clan Bongo". "Mais quoi qu'il se passe, (elle) sera forcément contestée", estime-t-il. Plusieurs personnalités de la société civile exprimaient de facto des réserves dès mardi soir. "Nous sommes contre une transition familiale en forme de succession. Toutefois, si un des membres de la famille Bongo se présente et est élu lors d'une élection libre et démocratique, il n'y a aucun problème", a notamment déclaré Marc Ona Essangui, coordinateur de la coalition Publiez ce que vous payez. Mardi, la fermeture des frontières terrestres, aériennes et maritimes, décidée la veille, a pris fin. Mais des forces de l'ordre étaient postées devant la télévision nationale, et sur le Boulevard Triomphal Omar Bongo Ondimba où se trouvent l'Assemblée nationale, le Sénat, ainsi que de nombreux ministères et ambassades. Les attroupements sur la voie publique sont interdits à Libreville depuis lundi, mais la succession du président est dans toutes les conversations. "Nous perdons un grand homme. Notre pays est en paix grâce à lui", estimait un passant. "Rien ne pouvait changer tant que (Bongo) était là . Il faut arrêter les passe-droits, les salaires fictifs aux +amis+, la corruption, la société à deux vitesses", soulignait pour sa part une jeune femme sous couvert de l'anonymat. - AFP